92 G LE NOUVEL OBSERV A TEUR Laurent de Villiers accuse, depuis quatre ans, son

92 G LE NOUVEL OBSERV A TEUR Laurent de Villiers accuse, depuis quatre ans, son frère de l’avoir violé durant son enfance. Une manipulation politique, avait publiquement dénoncé son père, à la veille de la dernière présidentielle. Toute la famille s’est mobilisée pour éviter le procès. Le 15 octobre, les juges de Versailles décideront s’il doit avoir lieu L ’automne 2010 est celui des dénoue- ments pour Philippe de Villiers, le leader du Mouvement pour la France : après avoir mis un terme à son règne de vingt-deux ans sur le département, usé par le conflit qui l’oppose au sénateur Bruno Retailleau, qu’il présentait comme son « fils spirituel » en politique, il at- tend désormais de savoir si son fils aîné devra ou non comparaître devant la cour d’assises des mineurs de Versailles. Guillaume de Villiers a fait appel de son renvoi, le procureur aussi. Les magistrats de la chambre de l’instruction de Ver - sailles se réuniront le 15 oc- tobre afin de déterminer si des charges suffisantes exis- tent contre lui. Audience déci- sive dans une terrible bataille familiale qui commence le 30 octobre 2006. Ce jour-là, Laurent, le plus jeune des fils de Villiers, se rend à la brigade des mineurs. Il veut déposer plainte contre son grand frère Guillaume pour viols répétés. Les faits ont débuté, raconte-t-il au policier, en 1994. Il avait 10 ans. Un soir, il a surpris son aîné, de six ans plus âgé, se mas- turbant devant un film porno dans la salle de jeux de la grande maison que la famille habite en Vendée. Une pièce que la famille surnomme le « hurloir ». Guillaume aurait entraîné son petit frère dans des « jeux incestueux ». Au fil des mois, ces « jeux » auraient pris un carac- tère violent. « Après les premiers coups de poing, je me suis tu », dit-il. Selon lui, les faits se déroulaient dans la chambre de son frère, en général le samedi après-midi, jusqu’au début de l’année 1997. Il donne des détails, sordides. Explique que ses parents sont au courant depuis l’année 2000, mais ne souhaitent pas en parler avec lui. « Pardonne et tais-toi », supplie sa mère. Il fournit également aux po- liciers la copie d’un e-mail que son frère lui a envoyé le 2 septembre 2006. Deux pages exaltées dans les- quelles un grand frère demande pardon à son cadet (voir encadré). N’était-ce le patro- nyme des protago- nistes, l’affaire est un NOTRE ÉPOQUE Le fils perdu du clan Villiers Jean-Régis Roustan - Roger-Viollet La famille de Villiers au Puy-du- Fou en 1989 des faits des deux premiers chapitres de mon livre “les Mosquées de Roissy”. » Depuis, pour- tant, silence radio. Personne dans la famille ne veut évoquer ni les faits ni ce supposé com- plot. Contactés à plusieurs reprises, ni Guillaume de Villiers, ni son père, ni même leur avocat Alexandre Varaut n’ont souhaité répondre à nos questions. Les Villiers, convoqués par le juge d’ins- truction, font bloc autour de Guillaume. Laurent est décrit systématiquement comme le fils préféré de son père, drôle, charmant, mais enclin au mensonge depuis son plus jeune âge. C’est un « grand comédien », dit son père. Un « grand imaginatif, velléitaire », dit sa mère. Ses sœurs et son deuxième frère parlent de sa « parano » et de sa jalousie. Pourtant, l’expert psy écarte « toute tendance à l’affabu- lation » tout en décrivant un « stress trauma- tique », un sentiment de honte et un retentissement « évocateur d’abus sexuel ». Le même expert écarte tout « élément de perver- sion » chez Guillaume. La famille tourne le dos à Laurent. classique. Un jeune adulte qui veut être re- connu comme victime, des faits anciens, sans témoin direct ni traces, un secret de famille qui éclabousse au grand jour. Une bombe à frag- mentation intime. Surtout dans ce milieu ven- déen où la religion est plus qu’une activité dominicale. Où le divorce est un péché, l’homo- sexualité une honte. La famille de Villiers ressemble à cet égard à bien d’autres. Sept en- fants, tous scouts et pensionnaires en institu- tions catholiques. Deux des quatre filles ont pris le voile. Dominique, la mère, est décrite par tous comme une femme très pieuse, très proche d’une nonne, sœur Regina. Des directeurs de conscience, prêtres ou bonnes sœurs, sont sou- vent là, à domicile. « Le dimanche, ils partici- paient aux repas de famille, se souvient Laurent. Ensuite, nous allions chacun faire un tour avec eux, pour nous confesser. » Après la déposition de son petit frère, Guillaume de Villiers, alors âgé de 28 ans, est convoqué par la police. Il nie vigoureusement les faits. Il ne variera jamais dans ses dénéga- tions, ne reconnaissant qu’une faute : celle d’avoir été surpris devant un film pornogra- phique. C’est à cela, explique-t-il, qu’il fait réfé- rence dans le mail envoyé à Laurent, quand il parle de « fautes graves, si graves ». Son père lui aurait d’ailleurs demandé de solliciter le « par- don pour la blessure au regard » infligée à Laurent. Pour le reste, explique-t-il, son frère est un menteur et un manipulateur. Il est néan- moins mis en examen pour viols le 17 novem- bre 2006. Ordre d’arrêter les rotatives Son père convoque une conférence de presse quatre jours plus tard et met sur la place pu- blique cette affaire familiale. Qui, explique-t-il, ne doit rien au hasard : il est alors candidat à la présidentielle de 2007. « Je suis victime à tra- vers un de mes fils d’une manipulation ignomi- nieuse », clame le leader souverainiste, parlant des « œuvres de basse police » : « J’affirme ici que certains réseaux de barbouzes voulaient se venger de Guillaume de Villiers parce qu’ils le soupçonnaient de m’avoir fourni les docu- ments qui m’ont permis d’établir la véracité Olivier Corsan - MAXPPP 14-20 OCTOBRE 2010 G 93 Laurent de Villiers en 2009 qu’il modifie son témoignage : « Pendant huit mois, j’ai reçu chaque soir des coups de télé- phone anonymes. Les Villiers ont appelé mes parents pour leur demander de me faire chan- ger d’avis. Je travaillais avec un député euro- péen qui m’a fait passer un message de la part de Philippe de Villiers : le juge était corrompu et communiste, il fallait que Laurent se taise. » Exil dans le Nebraska Laurent ne retirera pas sa plainte. Peu im- porte que tout le monde se détourne de lui à nouveau. Son père affirme au juge qui le réin- terroge que la scène du pardon n’a jamais eu lieu. « Il me l’a pourtant racontée, ici même dans ce salon », s’exclame Anne de Kervenoael, sa cousine, la seule de la famille à défendre Laurent. Elle s’inquiète : et si le leader du MPF avait « fait un deal politique » pour obtenir l’ab- solution de son aîné ? Le parquet s’appuie sur le désistement momentané de Laurent pour mettre en doute sa plainte et requérir un non- lieu puis faire appel du renvoi, chose assez rare en matière d’abus sexuels sur mineur. « Je n’ai subi aucune pression, je suis totalement convaincu des réquisitions que j’ai prises, j’ai signé ce que j’ai pensé, après l’examen appro- fondi du dossier », assure Michel Desplan, le procureur de Versailles. Laurent de Villiers s’est exilé dans le Nebraska, à des milliers de kilomètres de la Vendée. A ses côtés, sa femme, rencontrée lors d’un séjour dans une communauté religieuse du Bronx, et deux amis avec qui il veut mon- ter une crêperie. Le 15 octobre, les magistrats versaillais diront si le futur crêpier est un my- thomane ou une potentielle victime. ISABELLE MONNIN de « Festen », version catho tradi. « J’arrive avec mon père, dans sa 607. Ils sont tous là dans la cour de la maison, sauf mes petites sœurs, qu’on a enfermées à l’intérieur. Mon père dit : “Allez chercher Guillaume.” En me voyant, il s’effondre. Il a perdu 25 kilos, il est à genoux, il dit pardon, pardon, pardon. Tout le monde pleure. » Laurent pense avoir fait enten- dre son statut de victime. Le surlendemain, il envoie une lettre au juge dans laquelle il annonce qu’il retire sa plainte et n’est plus partie civile. Sans éteindre l’action publique, cette nouvelle est un rebondisse- ment. Le juge d’instruction cherche à com- prendre. Il convoque Laurent à l’automne. Le jeune homme demande conseil à ses parents : « Mon père m’a dit d’expliquer que j’avais in- venté cette histoire pour nuire à sa carrière. » Il comprend alors que la vérité lui importe peu, que ses proches sont prêts à le « sacrifier ». Au juge, il réitérera finalement sa plainte et expli- quera que sa famille l’a harcelé de coups de té- léphone pour lui dicter ses déclarations. Il ira, pour montrer ces pressions, jusqu’à enregistrer à leur insu son frère Nicolas et Don Luis Hervé, directeur d’un séminaire tourangeau et confes- seur attitré de la famille uploads/Litterature/ villiers.pdf

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