Cristianismo y aculturación en tiempos del Imperio Romano, Antig. crist. (Murci

Cristianismo y aculturación en tiempos del Imperio Romano, Antig. crist. (Murcia) VII, 1990 HELLENISME ET PATRISTIQUE GRECQUE: CONTINUITÉ ET DISCONTINUITÉ GILLES DORIVAL Université de Provence et Centre Lenain de Tillemont SUMMARY The way in which took place the meeting between the Helenism and the Christianity of the Greek Fathers has provoked contradicting opinions: conflict and antagonism, o con- tinuity and ajustments? Actually one could say that the Greek Patristic is at the same time a continuity and a discontinuity of the Hellenism, as has been shown by the studies of the methodology, of the literary forms, of the rhetoric, of the theology and of the patristic values. La façon dont s'est opérée la rencontre entre la tradition de l'hellénisme et le christianisme des Pères grecs a suscité des jugements contradictoires tant dans l'Antiquité que de nos jours '. Les uns parlent de conflit, d'antagonisme, d'incompatibilité d'esprit. Il suffit de renvoyer, du côté païen, à Celse ou aux successeurs de Plotin et, du côté chrétien, à Tertullien ("Qu'y a-t-il de commun entre Athènes et Jérusalem, entre l'Académie et l'Église?") et à Tatien, ou encore, à notre époque, à P. Lemerle et M. Guéroult par exemple^. L'autre côté, au contraire, affirme à la fois la continuité entre l'hellénisme et le christianisme et la supériorité du second sur le premier. 1 Le présent texte aborde certains des thèmes que j'ai traités dans une communication prononcée lors du congrès "Les Humanités gréco-latines et la civilisation de l'universel" (Coimbra, avril 1988) sur "L'originalité de la patristique grecque", Coimbra, 1988. Si le lecteur trouve que mon argumentation est ici trop rapide, mes développements trop succincts et ma bibliographie trop sommaire, je me permets de le renvoyer à cet article beaucoup plus ample et détaillé. J'ajoute que je compte consacrer un livre au sujet ici envisagé. 2 LEMERLE, P.: Le Premier humanisme byzantin. Notes et remarques sur enseignement et cultures à Byzance des origines au X' siècle, Paris, 197L p. 44; GUÉROULT, M.: Dianoématique. Livre I. Histoire de l'histoire de la philosophie. I. En occident, des origines jusqu'à Condillac, Paris, 1984, pp. 73-110. 27 L'hellénisme serait une esquisse imparfaite du christianisme, ou encore une préparation à ce dernier. Je renvoie ici à Justin, Clément d'Alexandrie, Eusèbe de Cesaree ou, à notre époque, à W. Jaeger, qui a brillamment illustré l'idée selon laquelle la patristique consiste dans la fusion harmonieuse entre lapropaideia qu'est la culture païenne et lapaideia qu'est le christianisme^. Le parti que j'adopte ici consiste à tenir compte des différents points de vue et à affirmer que la patristique grecque est à la fois en continuité et en discontinuité avec l'hellénisme. Il me semble que l'on peut décrire l'immense littérature patristique grecque à l'aide de cinq traits pertinents: elle trouve son aliment et sa référence dans la révélation des Écritures, elle utilise des formes littéraires diverses, elle développe une rhétorique, elle défend des idées, elle fait la propagande de certaines valeurs. Quelle est, en chacun de ces domaines, la part de la continuité, et celle de la discontinuité? 1. RÉVÉLATION PAÏENNE ET RÉVÉLATION CHRETIENNE A première vue, ce qui distingue globalement les écrits des Pères par rapport aux écrits païens, c'est qu'ils prennent appui sans cesse sur les Écritures, où ils trouvent leur inspiration, ainsi que leurs critères de vérité et d'argumentation. Il n'existe probablement pas d'oeuvres patristiques sans citations ou allusions scripturaires. Les Pères se donnent en effet pour tâche soit d'expliquer par l'Écriture soit d'expliquer l'Écriture. Cette prégnance des Écritures constitue- t-elle réellement un élément d'originalité de la littérature patristique? C'est ce que nous pensons spontanément à l'époque actuelle, parce que nous avons l'impression que les écrits païens n'offrent rien de tel. Mais nous nous trompons, victimes que nous sommes d'une conception encore trop répandue pour qui la littérature grecque commence à Homère et prend fin avec la mort d'Aristote. En réalité, on ne peut enclore l'hellénisme dans des limites chronologiques si étroites. Il faut prendre en compte la littérature païenne de l'époque hellénistique et romaine. Or, comme l'a bien montré P. Hadot dans un récent article", ce qui caractérise la philosophie grecque à partir du premier siècle avant notre ère, c'est qu'elle prend la forme d'une exégèse des textes écrits des fondateurs d'école (Platon, Aristote, Chrysippe, Epicure): les philosophes païens ont ainsi leurs écritures, tout comme les Pères quelques siècles après. Mais le rapprochement avec les Pères va plus loin: dans la mesure où la philosophie admet que les dieux ont révélé la vérité aux hommes par la poésie, par les antiques traditions grecques et barbares, par les oracles, elle s'efforce, dans le cadre d'un processus herméneutique, de trouver dans ces traditions le système philosophico-théologique dont elle se réclame au départ. La philosophie grecque d'époque tardive peut être ainsi définie comme une méthode exégétique fondée sur une révélation. La ressemblance de démarche avec la patristique est frappante, au point que Pierre Hadot suggère une influence possible de la philosophie d'époque tardive sur la théologie chrétienne. Je parlais de ressemblance de démarche. A dessem. Car, selon moi, il n'y a pas de commu- nauté de démarche entre païens et chrétiens. Les éléments de discontinuité sont là, qui doivent être soulignés à leur tour. Le premier d'entre eux, c'est le sentiment partagé tant par les Pères 3 JAEGER, W.: Early Christianity and Greek Paideia, Londres. Oxford, 1961 (traduction française par G. HOCQUARD sous le titre Le Christianisme ancien et la paideia grecque, Metz, 1980). 4 HADOT, P.: "Théologie, exégèse, révélation, écriture dans la philosophie grecque", dans Centre d'Études des Religions du Livre. Les Règles de l'interprétation, édité par M. TARDIEU, Paris, 1987, pp. 13-34. 28 que par les païens du caractère original de leurs textes de référence respectifs. Un thème patristique récurrent est celui de Γεϋτέλεια des Écritures, de leur pauvreté rhétorique ^ Pour les Pères, le langage biblique s'oppose au langage des hommes, qui se caractérise par un style (φράσις), qui a de la beauté (κάλλος), de l'ornement (περιβολή), de la cohérence (ακολουθία), qui est un bel arrangement de mots. Rien de tel dans le langage biblique, qui est pauvre et qui offre même des fates de grammaire, des incohérences logiques, des absurdités, des impossibili­ tés. De leur côté les païens opposent les beautés du texte de Platon à l'indigence du langage biblique; à l'image de Celse ou de l'empereur Julien, ils en tirent argument pour affirmer que la prédication chrétienne s'adresse seulement à des hommes grossiers et incultes. De la sorte, les chrétiens, à la différence des païens, sont dans la nécessité de justifier leur texte de référence. Origene invoque la pédagogie divine: la pauvreté du style empêche le lecteur de s'arrêter au sens apparent et l'entraîne à rechercher un sens plus profond, digne de Dieu. Ce sens plus profond se laisse découvrir grâce à la méthode allégorique. Est­ce à dire que nous retrouvions ici la tradition classique? On sait en effet que l'allégorie est une méthode de lecture mise au point par la tradition philosophique, notamment stoïcienne, pour éviter les objections d'immoralité, d'impiété et d'anthropomorphisme adressées aux textes d'Homère et aux mythes grecs. Derrière la lettre, un sens plus élevé existe, d'ordre physique ou moral ou symbolique. Assurément les Pères sont héritiers de cette méthodologie: pour eux, l'Écriture contient des enseignements pour la vie chrétienne et d'autres portant sur les réalités spirituelles ou la proto­histoire de l'humanité. Mais ce qui fait leur originalité, c'est que, chez eux, l'allégo­ rie est essentiellement typologique: les événements de l'Ancien Testament annoncent les événe­ ments du Nouveau, la venue du Messie, la naissance, la prédication, la mort et la résurrection du Christ, ainsi que son retour à la fin des temps, et aussi les réalités chrétiennes. Le Christ est ainsi la clef des Écritures. L'allégorie païenne, qui met en correspondance des mots et des choses, ne paraît pas avoir connu l'équivalent de la typologie chrétienne, qui décrit, sous une histoire vraie, une histoire plus vraie encore': nous tenons là un élément d'innovation au sein d'une méthode commune. 2. FORMES LITTERAIRES PAÏENNES ET NOUVEAUTES CHRETIENNES Comme l'a montré W. Jaeger, beaucoup d'oeuvres patristiques relèvent de formes littéraires héritées de l'hellénisme^. Les Lettres de Clément de Rome doivent être rapprochées du genre de la lettre philosophique, bien attestée chez Platon, Isocrate, Epicure et d'autres. Lorsque les Pères apologistes, au moment des persécutions, veulent faire justice des accusations de cannibalisme, d'athéisme et de subversion, ils rédigent des apologies, qui sont des discours didactiques, ­un genre bien connu dans l'hellénisme. Le dialogue, à qui Platon a donné ses lettres de noblesse, est utilisé dans la controverse avec les Juifs, par exemple par Justin. La forme du protreptique philosophique, illustrée par Platon et Aristote et qui consiste à exhorter le lecteur à adopter un 5 Voir par exemple ORIGÈNE. Traité des Principes, IV, 1,7 et THÉODORET: Thérapeutique des maladies helléniques. 6 Voir MARROU, H. I.: Décadence romaine ou antiquité tardive? lU'­lV siècle, Paris, 1977, pp. 73-83. 7 Dans l'ouvrage cité à la note 3. 29 style de vie philosophique, seule voie d'accès au bonheur et au bien, est reprise par Clément uploads/Litterature/ hellenisme-et-patristique-grecque.pdf

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