GF Flammarion Histoire de la littérature française Jean Charles Payen, Le Moyen

GF Flammarion Histoire de la littérature française Jean Charles Payen, Le Moyen Age. Enéa Ba/mas, Yves Giraud, De Villon à Ronsard (XV"·XVI" siècle,\~. Jacques Morei, De Montaigne à Corneille (1572-1660). Max Mîlner, Claude Pichois, De Chateaubriand à Baudelaire (182().. 1869). Michel Décaudin, Daniel Leuwers, De Zola à Guillaume Apollinaire (1869-1920). Germaine Brée, Édouard Morot-Sir, Du Surréalisme à l'empire de la critique (]920 à nos jours). A paraître Roger Zuber, Micheline Cuénin, Le Classicisme (166()..1680). René Pomeau, Jean Ehrard, De Fénelon à Voltaire (168()..1750j. Michel Delon, Robert Mauzi, Sylvain Menant, De l'Encyclopédie aux Méditations (1750-1820). HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISE LE MOYEN ÂGE par Jean Charles PA YEN Nouvelle édition révisée 1997 Bibliographie mise à jour par Jean Dufournet GF Flammarion © 1990, Les f:ditions Arthaud, Paris. © Flammarion, 1997, pour cette édition. ISBN 2-08-070957-7 AVANT-PROPOS L E livre qui suit est plus que la refonte d'un ouvrage antérieur. Depuis que le tome 1 de la Littérature française des Éditions Arthaud est paru, il s'est avéré que la date de 1300 ne représentait pas une coupure : d'où le souci que j'ai eu d'étudier l'évolution des lettres françaises au XIVe siècle, en tenant compte, sans m'en inspirer, de l'ouvrage de Daniel Poirion sur la fin du Moyen Age. La tâche exigeait une unité de main : deux regards divergents eussent déconcerté l'utilisateur de ce qui est d'abord un manuel; j'accorde cependant à Daniel Poirion qu'il m'a fait réviser mes perspectives de 1970. La littérature n'est pas un miroir, mais une réalité d'abord esthétique et culturelle, donc déformante. Ceci explique la faible part accordée ici au contexte historique, qui ne fait l'objet que de quatre courts chapitres, dont le premier est entièrement dévolu aux conditions de la création et de la diffusion des textes. J'insiste au contraire, dans un chapitre deux fois plus long que l'ensemble de ceux qui le précèdent, sur l'histoire des genres, gui me paraît essentielle. Que l'on me pardonne ce déséquilibre nécessaire, et les acrobaties d'une démarche qui va sans cesse des origines à 1430. La littérature doit de plus en plus s'appréhender par larges tranches cl1ro- 8 LE MOYEN AGE nologiques. La véritable synthèse est celle qui lait li des périodisations arbitraires. La date de 1430, choisie comme terme à mon enquête, est néanmoins un tournant à pl~s ~·un tit.re. A quelques années près, elle correspond a! mven!!on de l'imprimerie par Gutenberg (1436) et a la lm des épreuves traversées par la France après Azincourt (épopée de Jeanne d'Arc : 1429). Cette date corre~­ pond à l'essor du mystère, au renou~eau ~e la poés1e avec Charles d'Orléans, à 1'appant10n d un nouvel art romanesque avec la naissance de la ~ouveH~ en prose et du roman historique et biographique que va pratiquer Antoine de !a Sale. On sera peut-être dérouté quand on constatera que j'ai dissocié la vie de saint du conte dévot, parce que ce dernier, proche du fabliau, n'est que .rarement hagiographique; de même, j'ai séparé la htté.rature didactique et le sermon, parce qu~. la .premiere ne vise pas à la réforme religieuse de 1 IndiVidu. On aura deviné que le présent manuel ne respecte guère les conventions communes. Il ne fera Jamms l'histoire des auteurs et des œuvres. Il ne retracera même pas l'histoire des idées et d~s doctrine~ : i~ renvoie sur ce point à la chronologie qm s~ccede a mon exposé théorique; je la veux plus détmllée que celle de la première édition. De même, on trouvera beaucoup de renseignements :mr les poètes et prosa~ teurs français et occitans du Moyen Age et sm les textes anonymes dans le dictionnaire qui achève mon travail : je l'ai voulu plus abondant qu~ dans la première édition, même si j'y rédms la bibliographie aux titres les plus récents et les plus fondamentaux. CHAPITRE I GENÈSE DE LA LITTÉRATURE VERNACULAIRE A de rares exceptions près (Séquence de sainte Eulalie, Vie de saint Alexis, Vie de saint Léger, et peut-être Chanson de Roland), les plus anciennes œuvres en langue romane que nous ayons conservées datent du début du xn' siècle. Cela ne veut pas dire que la littérature vernaculaire soit inexistante avant 1100. Très certainement, il circulait déjà des contes, des récits hagiographiques, des chansons, voire des épopées dont le texte s'est perdu. Avant d'être fixée par l'écriture, la culture en langue vulgaire a dû s'acquérir un statut. Elle était dépréciée par les moines et les clercs, qui ne voyaient en elle qu'un ensemble de fables et de balivernes : fabulae, nugae sont les termes qui dési- gnent dans le latin des lettrés les chants et les fictions qui s'adressent aux auditoires profanes; ceux qui les diffusent sont qualifiés d' histriones, appellation tout aussi péjorative que celle de joculatores ou jon- gleurs : on les présente comme des marginaux sans moralité, on dénonce le mensonge et la frivolité de leurs élucubrations. Les scriptores qui méritent la considération des honesti, des gens de bien, sont ceux qui pratiquent la langue de l'école et qui commentent l'Écriture sainte ou rédigent des chroniques : là sont 10 LE MOYEN AGE le savoir et la vérité, privilège de « clergie >>. Ail- leurs, prévalent la chimère et le rire impur. L'Église détient le pouvoir sc.r les lettres et les arts. Le xr' siècle est marqué par l'essor du monachisme. L'architecture et la sculpture sont au service des moines. La musique se consacre à la liturgie. Mais les écoles monastiques sont désormaL; concurrencées par les écoles cathédrales : premier syndrome d'un essor urbain dont les conséquences culturelles seront incalculables ... La civilisation de l'Occident est en effet engagée dans un processus de mutation. La féodalité s'orga · nise hiérarchiquement et cesse peu à peu d'apparaî- tre comme un éparpillement anarchique ; le com- merce permet le développement des villes qui conquièrent leur charte communale ; et les clercs eux-mêmes sont de plus en plus sensibles au prestige des œuvres antiques qu'ils redécouvrent, en même temps qu'ils aspirent à une religion moins ascétique et plus humaine. Tout est donc prêt pour la naissance d'une culture profane. L'aristocratie exerce une puissance politique de plus en plus indépendante par rapport à l'autorité spirituelle, mais elle ne dispose pas encore de sa littérature : c'est en latin que Guillaume de Poitiers écrit ses Gesta Guillelmi en prose à la gloire du Conquérant et que Gui d'Amiens compose son poème sur Hastings. C'est en latin que Raoul de Caen rédige au début du xn' siècle sa chronique de Tancrède. La noblesse ne voit pas ses besoins cultu- rels comblés : elle ressent le besoin d'une poésie gui exalterait ses valeurs. Ou plutôt, elle souffre du mépris où sont tenus les genres : chanson de geste, poésie amoureuse ou plaisante, qui la divertissent et qui expriment son art de vivre. Elle accueille volon- tiers les jongleurs, même s'ils viennent de loin, comme ce Bréri qui a quitté le pays de Galles pour révéler à la cour de Poitiers l'histoire légendaire des rois de Bretagne. Poitiers où rè~ne vers 1100 GENÈSE DE LA LITTÉRATURE Il Guillaume IX qui chante le plaisir et l'amour en langage occitan et qui contribue à instaurer la lyrique troubadouresque. C'est ainsi que naît l'idéologie courtoise, pour la gloire de la chevalerie. Autour du prince, évoluent vassaux, dames et petits chevaliers. Il faut flatter leur goût de l'aven- ture, et leur ouvrir le chemin du rêve : aux bachelers condamnés à une existence pauvre, l'épopée et le roman offrent l'utopie du dénouement heureux qui confère au baron la récompense d'un mariage par lequel il acquiert un domaine. Et le grand chant courtois prend en charge leurs revendications taci- tes : ils servent la dompna pour qu'elle les pousse en avant, et le salaire ou guerre don qu'ils attendent d'elle est métaphorique d'un autre guerredon, celui des services rendus au seigneur. Les voètes en roman dédient leurs ouvrages à de puissants protecteurs, mats lis visent un autre auditoire : celui des vavas~ seurs, celui des juvenes condamnés au célibat faute de ressources. C'est dans les salles d'armes des châteaux que jongleurs et ménestrels trouvent leur meilleure audience : les premiers sont des baladins itinérants ; les seconds sont attachés à un grand dont ils réjouissent la cour. La bourgeoisie urbaine à son tour veut avoir ses poètes, qui seront pris en charge, à Arras, par le mécénat collectif de la confrérie des jongleurs et des bourgeois de la ville. Les modèles sont d'abord ceux de la culture chevaleresque. Mais bientôt se constitue une littérature citadine spécifique, de caractère réa- liste et satirique, en même temps que se développe le théâtre. Quant au monde des clercs, c'est en latin qu'il exprime longtemps sa contestation sourde ou avouée, dans la poésie parodique du goliardisme. Mais beaucoup de lettrés, dès le xne siècle, ont adopté la langue française pour s'adonner à la rédaction d'œuvres édifiantes, quand ils n'écrivent pas des romans profanes! En fait, c'est toute la 12 LE MOYEN AGE littérature médiévale qui est littérature de clercs, à l'exception du grand chant courtois, dont les poètes appartiennent à uploads/Litterature/ histoire-de-la-litterature-francaise-le.pdf

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