HISTOIRE ROMAINE RÉPUBLIQUE. Iaaerit i ftauïlà mm ta Uk-ïï jÊ\ HISTOIRE ROMAI R
HISTOIRE ROMAINE RÉPUBLIQUE. Iaaerit i ftauïlà mm ta Uk-ïï jÊ\ HISTOIRE ROMAI RÉPUBLIQUE PAR M. MICHELET, Membre de l'Institut, professeur au collège royal de Fronce, chef de la section historique aux archives du royaume. TROISIÈME EDITION REVUE ET AUGMENTÉE. TOME PREMIER. BIBLIOTHEQUE Section JE* • • N° PARIS LIBRAIRIE CLASSIQUE ET ÉLÉMENTAIRE DB !.. HACHETTE, LIBRAIRE DE L'UNIVERSITÉ DE FRANCE, Rue Pierre-Sarrasin, 12. 1843 /*0S}ft i.U.F.M. Nord - Pas da CataL 33594£ Médiathèque Site de Douai t :f f 161, aie d'Esquerchin B P. 827 58508 DOUAI Tél. 0327 93 51 78 Ce livre est une histoire, et non pas une disser- tation. Est-il fondé sur la critique? on en jugera par les éclaircissements qui le terminent et le com- plètent. Pour le texte, la critique y tient peu de place. Les quatre premiers siècles de Rome n'y oc- cupent pas deux cents pages. Nous dirons ici quel- ques mots de la longue polémique à laquelle ils ont donné lieu. e Ce n'est pas d'hier que l'on a commencé à se douter que l'histoire des origines de Rome pourrait bien n'être pas une histoire. C'est un des premiers sujets auxquels se soit appliqué l'esprit critique à son réveil. Depuis que Rome ne commandait plus au monde par l'épée des légions, elle le régentait avec deux textes, le droit canonique et le droit ro- main. Elle recommandait ce droit non-seulement comme vérité, comme raison écrite, mais aussi comme autorité. Elle lui cherchait une légitimité dans l'ancienne domination de l'Empire, dans son histoire. On prit donc garde à cette histoire. Le précurseur d'Érasme, Laurent Valla, donna le si- i. 1 2 gnal au commencement du quinzième siècle. Au seizième, un ami d'Érasme entreprit l'examen de Tite-Live, toutefois avec ménagement et timidité, comme son prudent ami écrivait sur la Bible. Ce critique, le premier qui ait occupé la chaire des belles-lettres au collège de France (1521), était un Suisse, un compatriote de Zuingle. Natif de Glaris, on l'appelait Glareanus. La Suisse est un pays de raisonneurs. Malgré cette gigantesque poésie des Alpes, lè vent des glaciers est prosaïque ; il souffle le doute. Au dix-septième siècle, ce fut le tour de la pa- tiente et sérieuse Hollande. Les Scaliger et les Juste- Lipse, cette moderne antiquité de l'université de Leyde, presque aussi -vénérable que celle qu'elle ex- pliquait, avaient prêté à la critique l'autorité de leur omniscience. Dans l'histoire, et jusque dans la phi- lologie, s'introduisait l'esprit de doute, né des con- troverses! théologiques, mais étendu peu à peu à tant d'autres objets. Cet esprit éclate dans les Ani- m&dvcrsiones de l'ingénieux et minutieux Périzonius, professeur de Leyde (1685). Il rapprocha, opposa des passages;; montra souvent les contradictions de ces anciens si révérés; il inquiéta plus d'une vieille croyance de l'érudition. Son livre, dit Bayle, est l'erra ta des historiens et des critiques. Le plus beau titre de Périzonius est d'avoir reconnu la trace des ehantls populaires de la Borne primitive à travers 1 à 3 l'uniforme et solennelle rhétorique de Tite-Live, et soupçonné la poésie sous le roman. Enfin parut le véritable réformateur. Ce fut un Français, un Français établi en Hollande, Louis de Beau fort, précepteur du prince de Hesse-Hombourg, membre de la société royale de Londres., à laquelle ent appartenu tant d'autres libres penseurs. Celui-ci fît un procès en forme à l'histoire convenue des pre- miers temps de Rome. Dans son admirable petit livre (De l'incertitude, etc., 1738), qui mériterait si bien d'être réimprimé, il apprécia les sources, indi- qua les lacunes, les contradictions, les falsifications généalogiques. Ce livre a jeté le vieux roman par terre. Le relève qui pourra1. Beaufort n'avait que détruit. Sa critique toute né- gative était inféconde, incomplète même. Qui ne sait que douter, manque de profondeur et d'éten- due, même dans le doute. Pour compléter la des- truction du roman, pour recommencer l'histoire et la recréer, il fallait s'élever à la véritable idée de Rome. Toute création suppose une idée. L'idée par- tit du pays de l'idéalisme, de la grande Grèce, de la 1 Si quelqu'un l'eût pu, c'eût été l'auteur d'une des dernières his- toires romaines qu'on a publiées en France. Si Pergamadextrâdefendi possent...,. Au reste, les opinions de l'auteur sur la certitude des pre- miers siècles de Rome ne peuvent faire tort aux belles parties de son livre, à ses chapitres sur les premiers rapports de Rome avec la Grèce, et sur l'Italie avant les Gracchcs. 4 patrie de saint Thomas et de Giordano Bruno. Le génie de Pythagore est l'inspiration primitive de cette terre. Mais le monde entier est venu ajouter ; chaque peuple, chaque invasion y a déposé une pensée, comme chaque éruption une lave. Les Pé- lasges et les Hellènes, les Étrusques et les Samnites, les Romains et les Barbares, Lombards, Sarrasins, Normands, Souabes, Provençaux, Espagnols, tout le genre humain, tribu par tribu, a comparu au pied du Vésuve. Le vieux génie du nombre et la subtilité scolastique, la philosophie spiritualiste et l'école de Salerne, le droit romain et le droit féodal, dans leur opposition, tout y coexistait/ Et au-dessus de tout cela, une immense poésie historique, l'inspira- tion du tombeau de Virgile, l'écho des deux Toscans qui ont chanté les deux antiquités de l'Italie, Virgile 1 et Dante; enfin, une mélancolique réminiscence de la doctrine étrusque des Ages, la pensée d'une rota- tion régulière du monde naturel et du monde ci- vil, où, sous l'œil de la providence, tous les peuples mènent le chœur éternel de la vie et de la mort. Voilà Naples, et voilà Vico. Dans le vaste système du fondateur de la méta- physique de l'histoire, existent déjà, en germe du moins, tous les travaux de la science moderne. Comme Wolf, il a dit que l'Iliade était l'œuvre d'un peuple, 1 On sait que Mantoue est une colonie étrusque. Voy. plus bas. son œuvre savante et sa dernière expression, après plusieurs siècles de poésie inspirée. Comme Creuzer et Gœrres, il a fait voir des idées, des symboles dans les figures héroïques ou divines de l'histoire primi- tive. Avant Montesquieu, avant Gans, il a montré comment le droit sort des mœurs des peuples, et re- présente fidèlement tous les progrès de leur his- toire. Ce que Niebuhr devait trouver par ses vastes recherches, il l'a deviné, il a relevé la Rome patri- cienne, fait revivre ses curies et ses gentes. Certes, si Pythagore se rappela qu'il avait, dans une vie première, combattu sous les murs de Troie, ces Al- lemands illustres auraient dû peut-être se souvenir qu'ils avaient jadis vécu tous en Vico1. Tous les géants de la critique tiennent déjà, et à l'aise, dans ce petit pandémonium de la Scicnza nuova (1725). La pensée fondamentale du système est hardie, plus hardie peut-être que l'auteur lui-même ne l'a soupçonné. Elle touche toutes les grandes questions politiques et religieuses qui agitent le monde. L'in- stinct des adversaires de Vico ne s'y est pas trompé ; la haine est clairvoyante. Heureusement, le livre était dédié à Clément XII. L'apocalypse de la nouvelle 1 Ajoutons-y notre Ballanche, grand poète, âme sainte, génie mêlé de subtilité alexandrine et de candeur chrétienne. Le souffle de Vico repose sur Ballanche. Il en relève immédiatement, et semble tenir trop peu de compte de tout ce que la science et la vie nous ont appris depuis le philosophe napolitain. 6 science fut placé sur l'autel, jusqu'à ce que le temps vînt en briser les sept sceaux. Le mot de la Scienza nuova est celui-ci : L'huma- nité est son œuvre à elle-même. Dieu agit sur elle, mais par elle. L'humanité est divine, mais il n'y a point d'homme divin. Ces héros mythiques, ces Her- cule dont le bras sépare les montagnes, ces Lycur- gue et ces Romulus, législateurs rapides, qui, dans une vie d'homme, accomplissent le long ouvrage des siècles, sont les créations de la pensée des peu- ples. Dieu seul est grand. Quand l'homme a voulu avoir des hommes-dieux, il a fallu qu'il entassât des générations en une personne, qu'il résumât en un héros les conceptions de tout un cycle poétique. A ce prix, il s'est fait des idoles historiques, des Ro- mulus et des Numa. Les peuples restaient proster- nés devant ces gigantesques ombres. Le philosophe les relève et leur dit : Ce que vous adorez, c'est vous-mêmes, ce sont vos propres conceptions. Ces bizarres et inexplicables figures qui flottaient dans les airs, objets d'une puérile admiration, redescen- dent à notre portée. Elles sortent de la poésie pour entrer dans la science. Les miracles du génie indi- viduel se classent sous la loi commune. Le niveau de la critique passe sur le genre humain. Ce radica- lisme historique ne va pas jusqu'à supprimer les grands hommes. Il en est sans doute qui dominent la foule, de la tête ou de la ceinture ; mais leur front n ne se perd plus dans les nuages. Ils ne sont pas d'une autre espèce ; l'humanité peut se reconnaître dans toute son histoire , une et identique à elle- même. Ce qu'il y a de plus uploads/Litterature/ histoire-romaine-republique-m-michelet-3ed-t-1-p-1843.pdf