Hommage à Xavier Grall 1981 – 2011 Session du Conseil régional de Bretagne, 15

Hommage à Xavier Grall 1981 – 2011 Session du Conseil régional de Bretagne, 15 décembre 2011. Malade, exténué, Xavier Grall, cheveux longs et visage creusé, s'éteint à 51 ans, en décembre 1981, il y a tout juste 30 ans. Il était né le 22 juin 1930 à Landivisiau, 9e enfant d'un maître tanneur et de son épouse. Jeune journaliste, il entre en 1952 dans l'équipe de la Vie catholique où il aura tout au long de son chemin diverses responsabilités ; il sera même, un temps, secrétaire général. Il collabore également à Témoignage chrétien, aux Nouvelles littéraires, à Croissance des Jeunes nations... ainsi qu'à des revues bretonnes, Bretagne magazine, Sav Breizh et La Nation bretonne qu'il fonde avec Glenmor et Alain Guel en 1970. A partir de 1973, il dispose d'un chronique hebdomadaire dans le journal Le Monde. Il est journaliste, donc. Mais un journaliste poète, ce qui est assez rare. Chaque semaine, dans la Vie catholique, il signe un billet qui nous parle de tout et qui nous parle de rien. De la vie quotidienne, de ses 5 filles, de l'immeuble de Sarcelles où il habite et du temps qui passe. Le talent de Xavier Grall et sa profondeur aussi font de ces détails là, de cette intimité, des parcelles d'humanité. Le rien qui pourrait n'être qu'anecdote familiale se transforme en ce rien essentiel qui nous fonde en notre dignité. Il est écrivain, aussi. Mais écrivain poète, cela va sans dire. En 1959 est publié son premier livre, sur James Dean. Suivront des ouvrages sur Mauriac, Glenmor, Lamennais, Rimbaud. Suivront des essais et des promenades intérieures, comme cet Inconnu me dévore, lettres à mes filles sur l'amour de Dieu, ce livre qui suffirait à faire de Grall un grand écrivain. En 1962, c'est son premier roman, Africa Blues. Il y en aura d'autres. Il est poète enfin, poète surtout. A partir de 1965 et de son premier recueil poétique, Le Rituel breton, de nombreuses œuvres sont publiées dont les grands poèmes lyriques, incandescents, tragiques de la fin de sa vie, Solo et Genèse. Avec moi, c'est toute la poésie du vieux monde qui chemine. Car journaliste ou écrivain, qu'il signe des billets, des chroniques, des biographies ou des essais, Xavier Grall toujours écrit en poète, comme il vit en poète. « Vivre et écrire ne font qu'un seul et même feu » (Mireille Guillemot). Je ne saurais vivre sans poésie. Solo, Genèse, marquent fortement l'histoire culturelle de la Bretagne. Ces textes nus, à vif, touchant l'os, ces textes d'agonie, ces textes d'amour à ses proches et au Dieu qui est sien, sont de véritables chefs d'œuvre de la littérature de langue française. Xavier Grall, son épouse et ses filles, vivent longtemps en région parisienne, à Sarcelles, venant rituellement chaque été en Bretagne. La famille quitte Paris en 1973 et vient vivre près de Pont- Aven, en Nizon, dans une ferme, à Botzulan. Allez dire à la ville que je ne reviendrai pas dans mes racines je demeure Allez dire à la ville que c'est ici que je perdure roulé aux temps anciens des misaines et des haubans Allez dire à la ville que je ne reviendrai pas... Je vous écris dans le silence de mon pays, dans sa beauté recouvrée, le cœur plein de son rythme qui est le rythme même du monde. Je vous écris avec ma nostalgie. Je vous écris du bout de mon Finistère pour vous dire qu'après tout, nous aussi, c'est la vie que nous aimons... Ma voix me revient dans mon pays. Si incertain, si faible soit mon chant, c'est le mien. Et c'est par lui que le bonheur arrive à mes enfants. Voilà pourquoi, ma demeure, je te bénis... Son retour en Bretagne se fait alors que Stivell vient de conquérir l'Olympia. Le Gwenn ha Du s'impose. La Bretagne s'ébroue. Et de l'Amoco Cadix à Plogoff, elle lutte et elle chante. Grall, très lié à Glenmor, prend belle part à ces nouveaux élans. Son verbe donne fierté à toute une génération qui bâtira la Bretagne que nous connaissons aujourd'hui. Le verbe de Xavier Grall est étendard. Il se fait barde. Nous te ferons, Bretagne, Avec des paroles plus chaudes que les fruits de Vera Cruz Avec des fibres plus dures que l'ébène du Mali Avec des livres plus vastes que le vent des Gaëls Nous te ferons, Bretagne Avec des mots allègres comme des auberges Nous te ferons. Polémiste fougueux, Xavier Grall éructe et assène. Il est tribun et enfle sa colère. C'est l'imprécateur parfois excessif qui gronde et signe Le Cheval couché en réplique à ce grand monument qu'est Le Cheval d'Orgueil de Pierre-Jakez Hélias. Les deux hommes heureusement apprendront à se réconcilier. Il faut relire aujourd'hui Le Cheval couché, véritable hymne à la joie et à l'avenir. Breton, Grall l'est farouchement. Il le savait depuis l'enfance léonarde, évidemment. Mais c'est la guerre d'Algérie qui sert de révélateur. C'est là, en Algérie, qu'au-delà de la folie des hommes, il apprend à être Breton. « Tu te regardes en face. Tu es Berbère, Kabyle, Breton ». Tout au long de son œuvre court un fil essentiel : Breton, oui, pleinement Breton, mais homme avant tout, humain, simple humain en appelant toujours à l'universel. Cette humanité, il la puise dans sa foi, dans le Christ des Évangiles bien plus que dans une Église contre laquelle il vitupère souvent. Il est catholique de Basse-Bretagne, dans un syncrétisme qui doit aux celtes et aux mystiques. Qui doit aux nuages, aux landes, aux vents, aux marées, aux talus et aux chemins creux. On retrouve Michel Le Nobetz dans ses errances de traverse. Il est chrétien, définitivement, et rebelle, tout autant, aux pouvoirs qui écrasent et au mépris affiché aux gens de peu, aux gens de rien. Sa Bretagne est fraternelle aux peuples de la terre. Xavier Grall croit aux héros et aux saints. Il en appelle à Péguy ou Bernanos. Il se nourrit de Félicité de Lamennais et de Rimbaud, à qui il consacre un ouvrage. Il est libre et ne sait vivre sans brûler, sans excès, sans ferveur. Insoumis, romantique et ardent, écorché, il se consume, Xavier Grall. Il mourra jeune. Ne me parlez pas de moi Sur ma tête mettez une pierre D'argile blanche Et parlez-moi de la terre La vie de Xavier Grall est une vie droite, enfiévrée, inquiète, à hauteur d'homme. Son œuvre est avant toute chose un hymne exalté et lumineux à l'amour. L'amour pour une une mère, auprès de qui il repose, à Landivisiau, l'amour d'une femme, Françoise, l'amour infini de ses 5 filles, l'amour d'une vieille terre, cette Bretagne qui vient de si loin et qui porte en elle une fierté, des révoltes, des rêves, des drames et des blessures. L'amour des humbles et des vaincus. L'amour de son Dieu, enfin. Ces amours là, qui se lisent tout au long de l'œuvre, ont été d'une poignante, d'une vibrante intensité. Ils nourrissent une grande aventure intellectuelle et poétique qui illustre la Bretagne contemporaine. Rendre hommage à Xavier Grall, ici, dans l'hémicycle du Conseil régional de Bretagne, c'est dire collectivement ce que la Bretagne doit à ceux qui ont porté son chant quand les temps étaient difficiles encore. L'identité souriante et apaisée d'aujourd'hui a été précédé de combats et de cris. La place de la langue et de la culture, la place d'une évidence, de ces prénoms que l'on choisit et de ces Gwenn ha Du qui flottent librement, tranquillement, cette place, elle a été gagnée, pas à pas. Et les poèmes de Xavier Grall y ont rôle majeur. Rendre hommage à Xavier Grall, ici, dans l'hémicycle du Conseil régional de Bretagne, c'est dire l'importance du livre. C'est dire la place des artistes, des peintres, des musiciens. C'est parler de Max Jacob et de Guillevic. C'est saluer Glenmor ou Georges Perros, Armand Robin, Anjela Duval ou Louis Guilloux. C'est saluer Paol Keineg ou Yvon Le Men. C'est rappeler la place des éditeurs, et des libraires, c'est saluer Bernard et Mireille Guillemot, René Rougerie ou Françoise Livinec. C'est remercier Mathieu Dorval, ce jeune peintre qui prolonge l'aventure, qui s'empare de Solo, projetant l'œuvre dans le rythme de ses propres couleurs. Rendre hommage à Grall c'est dire la singularité de la Bretagne qui est aussi sa vraie richesse. Louis Guilloux, mort quelques mois avant Xavier Grall avait écrit « ne craignez rien, je mourrai vivant ». Nous ne craignons rien. Grâce à Mathieu Dorval, aujourd'hui, Xavier Grall est vivant et son poème Solo est des nôtres. Seigneur me voici c’est moi je viens de petite Bretagne mon havresac est lourd de rimes de chagrins et de larmes .../... Seigneur me voici c’est moi de Bretagne suis ma maison est à Botzulan mes enfants mon épouse y résident mon chien mes deux cyprès y ont demeurance m’accorderez vous leur recouvrance ? Seigneur mettez vos doigts dans mes poumons pourris j’ai froid je suis exténué voilà et puis encore ceci par la dernière larme par l’ultime halètement par le dernier frémissement par le moineau qui s’envole uploads/Litterature/ hommage-a-xavier-grall.pdf

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