Hommes & migrations Revue française de référence sur les dynamiques migratoires

Hommes & migrations Revue française de référence sur les dynamiques migratoires 1317-1318 | 2017 L'Europe en mouvement Sylvie Kandé, Gestuaire Paris, Gallimard, 2016, 112 p., 12,50 €. Mustapha Harzoune Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/hommesmigrations/3946 DOI : 10.4000/hommesmigrations.3946 ISSN : 2262-3353 Éditeur Musée national de l'histoire de l'immigration Édition imprimée Date de publication : 1 avril 2017 Pagination : 200-201 ISBN : 978-2-919040-38-4 ISSN : 1142-852X Référence électronique Mustapha Harzoune, « Sylvie Kandé, Gestuaire », Hommes & migrations [En ligne], 1317-1318 | 2017, mis en ligne le 01 avril 2017, consulté le 24 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ hommesmigrations/3946 ; DOI : https://doi.org/10.4000/hommesmigrations.3946 Tous droits réservés 200 - Chroniques | Livres LIVRES sylvie Kandé gestuaire Paris, Gallimard, 2016, 112 p., 12,50 €. Gestuaire. Pour dire les gestes. Anodins ou in- times. Des gestes comme des miettes, « comme celles qu’au sortir de table / on pousse d’un coup d’éponge ». Gestes qui trahissent ou révèlent. Gestes de vie ou de mort. Gestes rares, inscrits « dans une fragile éternité », répétant un commun « rêve de liberté » : « L’obscure histoire de neuf Marrons / qu’on pendit haut et court au tronc d’un cocotier » ou ces « Bouches cousues en prévision des interviews ». Il ne faut pas compter sur l’« Encens qui monte au gré des prières / en un vertical mépris de tout ici-bas » pour porter ce rêve, rapporter ces gestes. « Non les gratte-ciel hau- tains / n’en auront jamais cure / de ces phalènes dorés / au sort soudain. » Commelapierren’aquefairedel’amour d’un œuf : « Car elle à l’aise dans sa masse / rien de rien elle ne sent rien / du piètre sacrifice poisseux / qui se joue dessus sa carapace / et son cœur ne serait en être éclaboussé ». Indif- férence, mépris pour les faibles et les humbles. Pour eux, « un poème – tou- jours / sera meilleur conque ». C’est au peintre – Édouard Duval-Carrié ici et son Retable des Neuf Esclaves – et aux poètes qu’échoit « la tâche de conter telle quelle ». « Un geste et tout s’explique, ou rien ne va plus » écrit Sylvie Kandé, et « c’est le corps qui scelle l’aventure poé- tique, la main qui scelle une brique dans l’édifice infini du langage ». C’est doncparlecorpsqu’ilfauts’aventurersur les sentes d’une poésie rare. Exigeante. Luxuriante et touffue. Acrobatique aussi. Souple et dense, elle se risque au funam- bulisme des mots pour « apprivoiser ce qui ne s’entend ni ne s’écrit ». Les mots ! Ils sont exhumés de l’oubli et de l’ignorance. Réinventés, inventés, néo- logisés, métissés, malaxés, assemblés (sans ponctuation souvent, pour la liber- té du souffle), télescopés. Funambulisme des constructions aussi : versifiées ou libres, musicales, ramassées en litotes, en métaphoreset autresanalogies,visuelles avec la présence ou l’absence de majus- cules, les retours à la ligne et les lacunes. Cette poésie ne cultive pas l’azur, « sur- vivre dit-elle jamais ne tient qu’à un fil ». Il faut dire que ce recueil parle de la violence du négrier, du génocidaire (« comment calculez-vous la diffé- rence ? »), du colon, de la loi, des fron- tières (« qu’une frontière au lieu de diviser accote »)et,tropsouventcontra- riées, de ces rêves de liberté des marrons, des migrants (« aux balafres de l’exil / point de médecine »), des « pas comp- tés » et des « phalènes dorés ». En ne cédantpasàlafacilitédeladénonciation, Sylvie Kandé refuse de s’abstraire de la complexité du monde. De la polysémie, et de l’ambiguïté parfois, des gestes (voir « Au temps jadis »). S’y ajoute, espace du dialogisme, la liberté de dire et d’être entendu : « Je me parle beaucoup à moi-même à haute voix je songe / Et s’il vous arrive d’ouïr de ces tête-à- tête certaines inconvenances / n’allez pas me pendre au cou la pierre du hommes & migrations n° 1317 - 1318 - 201 mensonge / […] Mettez ces fredaines au compte de la saison / de la lune ou de l’harmattan / de l’habitude de lire sans bougie / de penser en spirale / et de chanter sans répons. » Chezcettehistoriennedeformation,spé- cialiste en littérature (classique, grecque, francophone africaine et caribéenne, afro-américaine) et autres métissages, le passé et le présent vont et viennent, s’éclairent et s’ensemencent. Ainsi, « Coup de chapeau » : « La loi m’atten- dait au tournant. Me figer sur place ferait louche, garder les mains en poche, désinvolte, un rien menaçant. Allez donc à sa rencontre sans trop prendre suée, en calculant l’allure – histoire de montrer dû respect, mesure et dignité, de ne pas éveiller le soupçon. On ne badine pas avec la loi. » Non on ne badine pas avec la loi et du côté d’Aulnay-sous-Bois, parfois, la matraque a remplacé le « fier salacot ». M. H. Renaud de Rochebrune, benjamin stora la guerre d’algérie vue par les algériens. 2. De la bataille d’alger à l’Indépendance Paris, Denoël, 2016, 444 p., 23,50 €. Voici enfin le second volet decettehistoiredelaguerred’Algérievue par les Algériens.Guerre d’Algérie et plus encore car, si la première livraison (2011) remontait jusqu’aux heures sombres de la pénétration coloniale, cette dernière s’ouvre sur la Bataille d’Alger mais ne se referme pas sur l’année charnière, 1962. Nos deux auteurs furètent encore dans ces premières années de l’Indépendance et au-delà, et listent en guise de conclu- sion les débats et les enjeux du moment, aussi bien pour les sociétés française et algérienne qu’en matière de relations entre les deux pays. Ce second tome confirme les (bonnes) impressions du premier et la nécessité de ce retour sur cette page terrible de l’histoire franco-algérienne, pour déga- ger l’histoire et les citoyens des ins- trumentalisations. Si d’une manière générale et pour le dire à gros traits, le premier tome rappelait la France à ses responsabilités, à une mise à plat de son histoire coloniale – qui ne fut pas ce qu’un candidat à la présidentielle frappé d’amnésie ou d’ignorance prétend –, ce livre semble, plus encore que le précé- dent,plonger dans les pages noires de la révolution algérienne. Bien sûr, il y a les événements et leur chronologie, il y a les hommes et les politiques, celle, sinueuse ou plus sû- rement pragmatique, du général de Gaulle notamment. Mais ici, comme précédemment, les auteurs pointent les amnésies, les réécritures de l’his- toire, les trous et les mensonges de l’histoire officielle – version algérienne cette fois. Ce qui est montré ici, en de longs développements, non plus à partir des caches et autres planques, uploads/Litterature/ hommesmigrations-3946.pdf

  • 21
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager