L'Information Grammaticale Introduction à la syntaxe (suite). La phrase : les m
L'Information Grammaticale Introduction à la syntaxe (suite). La phrase : les modalités Joëlle Gardes-Tamine Citer ce document / Cite this document : Gardes-Tamine Joëlle. Introduction à la syntaxe (suite). La phrase : les modalités. In: L'Information Grammaticale, N. 37, 1988. pp. 42-46. doi : 10.3406/igram.1988.2058 http://www.persee.fr/doc/igram_0222-9838_1988_num_37_1_2058 Document généré le 27/09/2015 INITIATION LINGUISTIQUE INTRODUCTION À LA SYNTAXE (suite) LA PHRASE : LES MODALITÉS Joëlle GARDES-TAMINE Dans cet exposé et les suivants, on envisagera les problèmes liés à la phrase et à la proposition, alors qu'on s'en était tenu jusqu'ici à l'analyse des constituants de la proposition. On rappellera pour commencer un certain nombre de définitions posées au début des exposés de syntaxe. Il ne faut pas confondre énoncé, phrase et proposition. L'énoncé, selon la définition de Harris, est "toute partie de discours, tenue par une seule personne, avant et après laquelle il y a silence de la part de cette personne". Les limites de l'énoncé ne sont donc pas définissables en termes linguistiques, si bien qu'un énoncé peut coïncider avec un mot, une partie de mot, un groupe, une proposition, une ou plusieurs phrases. La phrase, elle, est la plus vaste unité de description grammaticale : c'est celle qui inclut les autres, sans être elle-même intégrée dans une unité linguistique descriptible. Si c'est bien une partie du discours, les règles de son intégration, du moins dans l'état actuel de nos connaissances, ne sont pas définissables en termes linguistiques. Une phrase est un ensemble de propositions syntaxiques, en nombre fini, représentables par des symboles qui viendront remplir, dans chaque cas particulier, des éléments du lexique. Quant à la proposition, c'est le schéma de la phrase minimale, consistant en un verbe à un mode personnel accompagné des éléments indispensables à sa valence, sujet et compléments(s) éventuels(s). Lorsqu'une phrase ne comprend qu'une proposition, on parle de phrase simple, et lorsqu'elle en comporte plusieurs, on parle de phrase complexe. Cet exposé qui pour des raisons de commodité proposera surtout des exemples de phrase simple, envisagera les types de phrases indépendamment de leur organisation interne en propositions, qui sera étudié à partir du prochain exposé. Toute phrase en effet, qu'elle soit donc simple ou complexe, peut être affectée par un certain nombre de modalités, qui, comme des modalités lexicales ou verbales, traduisent l'attitude du locuteur vis à vis des événements qu'elle relate, selon qu'ils font l'objet d'un simple contact ou d'appréciations particulières. Ces modalités se traduisent par la construction de la phrase, que cette phrase soit simple ou complexe : Le temps passe lentement (jusqu'à ce que le printemps arrive) vs Comme le temps passe lentement (jusqu'à ce que le printemps arrive) I Elle sont donc une catégorie d'actes de langage, marqués syntaxiquement. On pose généralement quatre modalités dans la phrase : l'assertion, par laquelle on se borne à l'énoncé d'un fait, l'ordre qui exprime la volonté qu'un fait se produise, l'interrogation, qui vise à demander des informations sur un fait, et l'exclamation qui exprime les réactions du locuteur face à un fait. Chacune de ces modalités est susceptible d'être présentée à la forme affirmative ou à la forme négative : Doit-il venir ? Ne doit-il pas venir ? Puisque la négation n'est pas une modalité spécifique, il faudrait en toute rigueur en traiter à l'intérieur de ces quatres catégories. Pour des raisons de clarté, on lui consacrera cependant un exposé ultérieur particulier. 1. L'ASSERTION: C'est un constat conduisant à l'énoncé sans modalité d'un fait affirmé ou nié : il pleut vs il ne pleut pas. 1.1 Les phrases nominales Parmi les phrases assertives (et exclamatives), on doit faire une place à part aux phrases dites nominales, c'est-à-dire sans verbe. On ne doit évidemment pas leur assimiler tous les énoncés sans verbe, comme les titres de livres, de recettes, les indications portées sur des écriteaux, etc. : Le rouge et le noir Canard à l'orange Sortie. Tous ces éléments-là ne peuvent en effet se comprendre en dehors de la situation d'énonciation et ne peuvent fonctionner dans des énoncés ordinaires : Que prépares-tu pour déjeuner ? *canard à l'orange. Ils constituent des énoncés parfaitement acceptables dans la communication, mais aux marges de la syntaxe. On n'en fera donc pas des phrases nominales, réservant ce terme à des 42 unités interprétables sans recourir à la situation : Les livres de critique, tous à mettre au feu. On distinguera également des phrases nominales les phrases elliptiques, interprétables en dehors de la situation, mais non en dehors du contexte, puisque les éléments qu'elles n'offrent pas, figuraient dans le contexte antérieur : Que prépares-tu pour le déjeuner ? (Je prépare) du canard à l'orange. Jean est venu hier, Jeanne (est venue) également. Rappelons qu'on ne confondra pas l'ellipse avec le sous- entendu ou l'implicite. Ne peut être dit elliptique qu'un élément qui peut être reconstruit sans risque d'erreur, qui est récupérable, comme les verbes dans les exemples précédents. L'ellipse n'est pas un phénomène sémantique, mais syntaxique. Dans les phrases nominales, interprétables sans que l'on ait besoin de recourir à la situation ou au contexte, seul le verbe être peut éventuellement être reconstruit : Les livres de critique sont tous à mettre au feu. Ces phrases comprennent généralement deux éléments, l'un qui est le thème du propos, constituant ce dont on parle, (les livres de critique), l'autre, le prédicat, ce que l'on en dit (tous à mettre au feu). Ces deux éléments sont séparés par une pause, transcrite dans l'écrit par une ponctuation, virgule: Les livres de critique, tous à mettre au feu. ou point d'interrogation qui transcrit l'intonation particulière qu'elles présentent avec une montée sur le premier membre lorsqu'il s'agit d'un groupe nominal. Il est très rare que ces propositions soient négatives. Il semble que la présence en tête de phrase du prédicat facilite cet emploi : ? Jean pas vraiment gentil. Pas vraiment gentil, Jean. et que ces emplois soient plus ou moins stéréotypés : Pas folle, la guêpe. Ces phrases nominales sont plus employées à l'oral qu'à l'écrit et elles sont souvent chargées d'une affectivité qui les rend proches des phrases exclamatives. La définition que l'on peut donner des phrases nominales dans une langue comme le français est différente de celle qu'on leur donne pour les langues anciennes (cf. Benveniste, 1966 et Hjemslev, 1948). Comme dans ces langues, la phrase nominale ne peut pas s'employer avec les personnes du dialogue : *moi, complètement épuisée. Mais il existe plusieurs différences puisque dans les langues anciennes, la phrase nominale est toujours liée au discours direct et sert à des assertions de caractère général, voire sentencieux, ce qui n'est pas du tout le cas en français, où il s'agit au contraire d'assertions très particulières. On ne dira pas par exemple : ? l'homme, un loup pour l'homme. 1.2 Les phrases verbales Elles sont très généralement à l'indicatif, qui est le mode de l'expression du fait brut, c'est-à-dire en fait de l'absence de modalité. L'ordre des mots est à noter : il faut y distinguer des éléments mobiles et des éléments fixes. Parmi les premiers, on trouve entre autres les compléments de phrases, les apostrophes, les appositions, c'est-à-dire tous les éléments que l'on peut supprimer sans attenter à la cohérence syntaxique de la proposition minimale et qui permettent souvent un ancrage pragmatique de la proposition. Les seconds sont les éléments indispensables à la définition de la proposition, successivement : le sujet, le verbe, et le ou les compléments du verbe, le complément non prépositionnel précédant le complément prépositionnel : L'enfant offre un bouquet à sa mère. Des facteurs d'emphase ou de style peuvent néanmoins modifier cet ordre rigide, en dehors de cas très particuliers comme les incises, qui offrent naturellement une inversion du sujet. Un élément peut être mis en relief par un détachement, et repris par un pronom, ce qui le place hors du noyau de la proposition minimale et lui permet d'être aussi mobile que les compléments de phrase : Mon fils ne peut pas supporter son professeur d'anglais Son professeur d'anglais, mon fils ne peut le supporter Mon fils ne peut pas le supporter, son professeur d'anglais Mon fils, il ne peut le pas supporter, son professeur d'anglais Mon fils, son professeur d'anglais, il ne peut pas le supporter, etc. La présence d'un élément en tête de phrase permet l'inversion du sujet, qu'il s'agisse d'un adverbe comme peut- être, ainsi, de même... ou d'un complément de phrase : Il viendra peut-être Peut-être viendra-t-il Un convoi s'avance dans la plaine Dans la plaine s'avance un convoi. Il faut ajouter que, même dans ces conditions, l'inversion n'est possible que si le verbe est intransitif et on opposera : Dans la nuit retentit un cri *Dans la nuit pousse un cri un enfant *Dans la nuit pousse un enfant un cri *Dans la nuit un cri pousse un enfant. 43 Enfin, les pronoms personnels ne se comportent pas de la même façon que les groupes nominaux et les autres pronoms, car s'ils peuvent être inversés avec les adverbes, ils ne le peuvent pas avec un complément circonstanciel : *Dans la nuit s'avance-t-il. 2. uploads/Litterature/ igram-0222-9838-1988-num-37-1-2058.pdf
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- Publié le Dec 03, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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