Le genre romanesque Extrait de : Frédéric CALAS, Dominique-Rita CHARBONNEAU Mét

Le genre romanesque Extrait de : Frédéric CALAS, Dominique-Rita CHARBONNEAU Méthode du commentaire stylistique, Nathan Université, 2002 Traitement stylistique des spécificités du genre romanesque 1. Le roman : un genre protéiforme 1.1. Mimésis et diégésis Aristote, dans La Poétique, distingue la mimésis qui est l’imitation de l’Homme en action et la diégésis qui est le récit des actions. Le domaine de la mimésis, qui tente de reproduire directement le réel, est par excellence le théâtre. L’empire de la diégésis, qui reproduit indirectement le réel, est celui des genres narratifs, que nous réduisons dans le cadre de cette étude au roman, mais qui prend d’autres formes comme l’épopée, la chanson de geste, le conte. Deux conséquences découlent de cette dichotomie foncièrement énonciative : - le genre narratif suppose la présence (avouée ou cachée) d’une instance qui se charge de raconter une histoire : le narrateur, ce qui instaure une distance ; - le genre narratif, en racontant une histoire, aborde la question de la représentation du « réel » dans la sphère de la fiction. La question se pose en termes de gommage ou d’affichage de ce réel, si tant est que le roman soit comme l’affirme Aragon, un « mentir vrai ». 1.2. La fortune d’un mot A l’origine, vers le début du XIIème siècle, le mot romantz désigne la langue vulgaire qui s’opposait au latin dans le Nord de la France. Le dérivé romancier signifiait « raconter en français ». Durant l’époque médiévale, le roman, qui est un texte lu, s’est opposé à la chanson de geste, généralement versifiée et destinée à être chantée. Le roman à ses débuts racontait principalement une aventure. Il est d’emblée associé à l’idée de fiction. Considéré comme un genre mineur jusqu’au XVIIIème siècle, le roman a acquis ses lettres de noblesse au XIXème siècle. De nos jours, c’est le genre le plus lu, et sa définition, extrêmement délicate, ne se laisse plus réduire à l’unité. Par opposition aux autres grands genres, il est senti comme celui qui n’a ni foi ni loi, c’est-à-dire qui refuse toutes les règles. 1.3. Récit, histoire, narration1 Dans ses travaux, Gérard Genette définit le récit comme l’énoncé lui-même, l’histoire comme le contenu narratif et la narration comme l’acte narratif qui produit le récit. ¤ L’histoire renferme les personnages qui évoluent dans un lieu et un temps donnés, qui vivent des événements, face auxquels ils réagissent. Ils sont dotés d’une psychologie, de caractères et d’émotions. L’intrigue se tisse généralement autour de personnages, qui occupent de ce fait une place privilégiée dans le roman. 1 Signalons qu’il existe d’autres terminologies. Nous retenons celles de Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972. ¤ La narration concerne trois éléments complémentaires de texture et de facture linguistique différentes : - la narration relate des événements auxquels participent les personnages ; - la narration relate des paroles ou des pensées des personnages (→ Les procédés énonciatifs, p.20) ; - la narration abrite des descriptions qui montrent les objets ou les personnes (→ La dominante textuelle descriptive, p.98). 2. Typologie sommaire du roman Il existe une très grande variété de romans. Pour la clarté de l’exposé, nous retenons deux classements complémentaires. Le premier s’appuie sur le contenu qui a souvent permis grâce au thème, à l’époque et au courant littéraire influençant la création de l’œuvre, de regrouper un certain nombre de romans. Cette approche plus littéraire est à prendre en compte dans le commentaire stylistique, mais elle est seconde. Dans le cadre de nos préoccupations stylistiques nous nous attacherons davantage à distinguer les romans en nous appuyant sur les différences formelles qui les caractérisent. 2.1. Les sous-genres romanesques Il serait impossible dans le cadre de cette introduction d’établir une liste exhaustive, et surtout pertinente et utile pour l’étudiant. Nous nous bornerons à distinguer trois grands axes qui permettent de regrouper les divers sous-genres : ¤ le cadre de l’intrigue constitue un premier critère qui définit le contexte dans lequel se déroule l’intrigue, il permet de sélectionner, par exemple, le roman pastoral, le roman historique, le roman picaresque… ; ¤ la nature de l’action établit d’autres paramètres, comme la tonalité ou la condition sociale des personnages, on pense par exemple, aux romans policiers, aux romans noirs, aux romans d’espionnage ou aux romans d’aventures et de voyages ; ¤ la technique narrative en liaison avec les deux premiers axes où l’auteur effectue des choix : - énonciatifs : première ou troisième personnes ; - esthétiques : le romancier s’inscrit dans ou contre une école ou un mouvement littéraire, par exemple le romantisme, le réalisme, le nouveau roman… ; - formels : qui permettent de distinguer par exemple, le roman par lettres, comme Les Lettres persanes de Montesquieu ou le faux journal intime, tels La Symphonie pastorale de Gide ou La Nausée de Sartre. Nombreux sont les romans qui échappent à une taxinomie très souvent réductrice et interminable. Le mode d’énonciation, qui ne limite pas le classement au sujet du roman, offre une entrée stylistique plus pertinente dans le cadre du commentaire. 2.2. Les choix énonciatifs Il nous semble que cette entrée formelle mérite dans le cadre d’une approche stylistique du roman une attention toute particulière. Cette distinction regroupe des caractéristiques développées au sein de ce chapitre et qui permettront de dégager les particularités du texte romanesque. Elle recoupe : - l’opposition récit/discours liée au choix de la personne grammaticale, de la présence ou de l’absence de déictiques, d’un système temporel grammatical. Un même texte peut combiner récit et discours. Il s’agit avant tout de dégager les effets produits par un tel choix et d’apprécier les indices d’énonciation (afin d’évaluer la subjectivité de l’émetteur) et l’éloignement pris par rapport à la situation d’énonciation ; - le choix d’un type de narrateur : c’est l’instance qui organise et prend en charge la narration. Il apparaît dans les marques de l’énonciation ; - le choix entre un roman à la première ou à la troisième personne : cette donnée est intrinsèquement dépendante des deux précédentes. On sera attentif au cas particulier du récit à la première personne qui comprend des sous-genres divers où interviennent le pacte de lecture, la chronologie et la thématique pour distinguer, entre autres, l’autobiographie, les mémoires, certains essais, les vrais et faux journaux intimes et les romans biographiques (→ Enfance, p. 112). uploads/Litterature/ romanesque.pdf

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