INTRODUCTION AU THEATRE CONTEMPORAIN 1 – Anthologie : 20 auteurs à étudier en c

INTRODUCTION AU THEATRE CONTEMPORAIN 1 – Anthologie : 20 auteurs à étudier en classe 2 – Choix de textes critiques 3 – « Lire » la représentation 2 Préambule La petite anthologie de textes de théâtre qu’on va lire n’a pas d’autre ambition que de permettre un rapide coup d’œil sur la diversité des écritures dramatiques de ces trente dernières années. Si le choix qui a été fait peut offrir aux collègues de lettres quelques matériaux nouveaux pour les aider à bâtir une séquence ou constituer un corpus, nous ne pourrons que nous en féliciter. Mais ce choix n’a pas été sans déchirements. Une vingtaine d’auteurs retenus pour couvrir plus d’un quart de siècle, c’est un pari impossible, une sélection forcément injuste. Notre seul souci aura donc été pédagogique. Le théâtre du XXème siècle, tel qu’on nous l’a enseigné, de Jarry à Beckett, en passant par Artaud, Claudel, Giraudoux, Camus, Sartre, Genet, Ionesco, Pinget, fait partie de notre patrimoine intellectuel. Quelques noms oubliés ou isolés : Montherlant, Anouilh, Vitrac, Audiberti, Adamov et quelques autres achèvent de compléter cette liste. Après, il faut chercher. Plus près de nous : Obaldia, Arrabal, Gatti, Ghelderode, Duras, Vinaver. Mais c’est aussi plus compliqué, avec d’un côté les tenants d’une forme encore classique et de l’autre, les défricheurs, les inventeurs de langages, les constructeurs de dramaturgies souvent déconcertantes pour les professeurs de lettres que nous sommes. Expliquer en classe une scène du Tartuffe ou du Mariage de Figaro, se lancer dans une lecture intégrale de Caligula reste un exercice auquel nous sommes rompus. Dès lors qu’il s’agit d’une œuvre contemporaine, nous nous heurtons à deux difficultés : la première est esthétique. La forme, le style, l’univers poétique, le niveau de langue nécessitent une préparation qui passe peu ou prou par une certaine « expérience du plateau ». La seconde est économique. Le prix d’un texte de théâtre contemporain est dissuasif, et nous sommes nombreux à renoncer à faire acheter le livre à nos élèves pour cette raison. Très peu d’auteurs dramatiques aujourd’hui sont « repris » en édition de poche avec ou sans apparat critique, à moins d’avoir connu un réel succès populaire, et disons-le, médiatique. C’est le cas de Yasmina Reza (Art) et d’Eric-Emmanuel Schmitt (Le visiteur, entre autres), dont les œuvres ont été créées par le théâtre privé et ont déjà tenté au moins un grand éditeur scolaire. Mais revenons à la première difficulté. Elle tient à la nature même du texte contemporain qui ne peut aller sans sa composante qui le justifie : la représentation. C’est qu’en trente ans, les « écrivains de théâtre », comme ils aiment à se définir, sont dans leur écrasante majorité issus du monde de la scène. Très longtemps, on a demandé aux poètes, aux romanciers, aux philosophes reconnus dans leurs « disciplines » d’écrire pour le théâtre, seul lieu où la parole pouvait s’entendre. Et encore ? Que serait le théâtre de Claudel sans Barrault, celui de Giraudoux sans Jouvet, celui de Sartre sans Dullin, et récemment celui de Koltès sans Chéreau, c’est-à-dire sans les spécialistes qui les ont guidés dans leur création : les metteurs en scène. Depuis la fin des années soixante, les « grands » écrivains se sont détournés de l’écriture dramatique, soit parce qu’ils ont considéré que la scène ne représentait plus vraiment une tribune à leur mesure, soit parce que le théâtre n’avait plus rien à dire1, soit encore parce qu’il était devenu une spécialité qui leur échappait2. Ainsi des metteurs en scène et des comédiens, principalement associés au théâtre subventionné, se sont mis à écrire à leur tour, avec les codes et les exigences à la fois techniques et esthétiques de leur art, au point 3 d’inventer de nouvelles formes, brillantes mais impénétrables aux non-initiés. Ils sont devenus élitistes, malgré eux, en se réclamant d’un théâtre qualifié à tort « d’avant-garde », par opposition aux auteurs programmés dans les théâtres privés3. D’où la difficulté de faire étudier à nos élèves une pièce de Michel Vinaver, de Valère Novarina ou de Philippe Minyana sans une connaissance même modeste de la grammaire de la représentation : quelques notions de scénographie, d’éclairage, de gestuelle, de rythme, de respiration, de placements de voix sont indispensables à l’intelligibilité du texte joué, où toutes les ressources de l’écriture sont sollicitées. Cela dit, on ne le répétera jamais assez. Le mieux est d’emmener les élèves au théâtre afin qu’ils se familiarisent avec ce qui fait la singularité de ce genre littéraire à part : le spectacle vivant ! Un dernier mot sur les textes sélectionnés ci-après : leur approche pédagogique. Nous ne prétendons pas présenter les meilleurs auteurs, mais tous ont fait ou font les beaux jours du théâtre contemporain. D’aucuns nous reprocheront des oublis impardonnables. Certes, mais les textes choisis ont été pour la plupart exploités en classe, sous forme d’extraits ou ont fait l’objet de mises en scène avec des élèves de lycée. Ces extraits donneront un aperçu de l’univers propre à chaque auteur et pointeront l’intérêt qu’il peut susciter dans une classe : dramaturgique, linguistique, par exemple ; ou encore ils amèneront à réfléchir sur l’écriture d’un monologue, sur l’absence de ponctuation ou de didascalies dans tel ou tel fragment, sur l’irruption de l’intime sous l’apparente banalité du propos, etc. En modules de seconde ou de première L, il ne faut pas hésiter à demander aux élèves de lire les textes à voix haute jusqu’aux premières esquisses de jeu dans la salle de classe. Ces extraits s’y prêtent efficacement. Familier des grands textes de la littérature française, le professeur de lettres ne devra pas non plus être choqué par la verdeur de langage revendiquée par certains auteurs comme un authentique outil poétique ; du moins nous l’espérons. Enfin, par souci d’exhaustivité, on signalera l’excellent ouvrage de référence en la matière dirigé par Michel Azama, paru en trois volumes aux Editions théâtrales en 2004 : De Godot à Zucco, anthologie des auteurs dramatiques de langue française avec un choix de textes rarement égalé dans ce domaine. Tout un programme ! Gilles Scaringi 1 – C’est le leitmotiv de Patrice Chéreau depuis une dizaine d’années !! 2 – La romancière Marie N’Diaye a dit son étonnement lorsque Marcel Bozonnet, l’administrateur de la Comédie française, lui a commandé en 2002 le texte de Papa doit manger, pour la Salle Richelieu. « Mais je ne connais rien au théâtre ! ». 3 - La récente crise de la cérémonie des Molières en est l’illustration cocasse. Jean-Michel Ribes, fondateur des Ecrivains Associés de Théâtre (l’EAT, association aujourd’hui présidée par Michel Azama) et directeur du Rond-Point (haut lieu de la création contemporaine durement acquis) a dénoncé, en démissionnant de la présidence des Molières, la suprématie du théâtre privé dans l’attribution des récompenses. Les arrière-pensées ne sont pas près de se dissiper de part et d’autre. Cela dit, au-delà des effets de mode et des querelles, il est en France une exception qui confirme la règle depuis plus de trente ans : Le théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine qui fait l’unanimité. 4 1 Anthologie : 20 auteurs à étudier en classe 5 CATHERINE ANNE Née en 1957 Eclats © Actes sud-Papiers, 1989 Chez le même éditeur Une année sans été, 1987 Combien de nuits faudra-t-il marcher dans la ville, 1989 Intérêt pédagogique Un texte sur l’adolescence, l’amitié et les balbutiements de l’amour. La difficulté réside dans l’éclatement de la forme dramaturgique avec l’absence de ponctuation et une recherche quasi prosodique et syncopée. Une écriture très poétique, sensuelle, opérant des retours en arrière fréquents qui permettent d’interroger le présent en dévoilant par petites touches le passé douloureux des personnages. Résumé « Il y a le soleil d’août ; il y a la chaleur claire des pierres plates ; il y a des Indiens féroces ; il y a un pacte. Il y a les premiers émois ; il y a des absences silencieuses et des cris de joie ; il y a le refuge délicieux de l’eau courant sur l’herbe odorante. Il y a l’amitié, cette passion douce… » Extrait MARTHE. quatre heures du matin la nuit immobile étendue sur la ville les martinets hurlent à tue-tête s'inquiètent du soleil Camille Camille Camille apparaît Camille MARTHE. Camille est-ce moi réponds tu me vois CAMILLE. Oui MARTHE. Moi CAMILLE. il est très tôt Marthe MARTHE. hier soir j'ai suivi un homme encore je l'ai suivi et ce qui a suivi a suivi encore 6 une heure avec lui imaginant l'aimer sans y croire ensuite il a souri s'est endormi moi je suis restée éveillée terriblement je regardais cet homme dormir mon enfant non un inconnu un corps peu à peu tous les corps des hommes terrassés après l'amour ont envahi la chambre les murs s'effondraient sans bruit je me cramponnais à mon regard debout dans une lande ouverte entourée d'hommes couchés tous plongés dans le sommeil des morts et le vent soufflait et je marchais dans ce cimetière et ce n'était pas de la pierre qui sortait de la terre vers nos mémoires uploads/Litterature/ introduction-au-theatre-contemporain-3.pdf

  • 13
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager