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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Article Gérald Caron Laval théologique et philosophique, vol. 65, n° 3, 2009, p. 489-513. Pour citer cet article, utiliser l'adresse suivante : http://id.erudit.org/iderudit/039047ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 5 septembre 2012 04:31 « Paul serait-il un homophobe ? Romains 1,26-27 à l’heure de l’herméneutique » Laval théologique et philosophique, 65, 3 (octobre 2009) : 489-513 489 PAUL SERAIT-IL UN HOMOPHOBE ? ROMAINS 1,26-27 À L’HEURE DE L’HERMÉNEUTIQUE Gérald Caron Atlantic School of Theology Dartmouth, Nova Scotia RÉSUMÉ : Dans un contexte où l’autorité de la bible est de plus en plus remise en question, la recherche du sens premier ou littéral du texte biblique ne suffit plus. Bien qu’importante, cette recherche, d’ordre exégétique, doit déboucher sur l’herméneutique, entrer en dialogue avec les contextes pluriels d’aujourd’hui. C’est ce à quoi l’auteur s’attache dans ce troisième d’une série de quatre articles sur « l’homosexualité et la parole de Dieu ». L’objet de cet article est le texte de Romains 1,26-27, le seul texte du Second Testament qui semble traiter de façon ex- plicite de l’homosexualité. Suivant une procédure établie dans les articles précédents, l’auteur fait suivre des considérations exégétiques sur le passage de Romains de réflexions de type her- méneutique soulevées par une lecture contemporaine de ce texte. ABSTRACT : In a context where the authority of the bible is increasingly being questioned, it is no longer sufficient to simply look for the primary or literal meaning of the text. Though impor- tant, this exegetical task needs to lead into hermeneutics — a dialogue with today’s various contexts. In this third of a series of four articles on “Homosexuality and the Word of God”, the author turns to Romans 1:26-27, the only Second Testament passage that appears to deal ex- plicitly with the question of homosexuality. Following the same procedure used in the two previous articles, this study first deals with exegetical issues relative to the passage of Romans, before moving to hermeneutical reflections raised in today’s context. ______________________ C’est pourquoi Dieu les a livrés par les convoitises de leurs cœurs, à l’impureté où ils avi- lissent eux-mêmes leurs propres corps. Ils ont échangé la vérité de Dieu contre le men- songe, adoré et servi la créature au lieu du Créateur qui est béni éternellement. Amen. C’est pourquoi Dieu les a livrés à des passions avilissantes : leurs femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature ; les hommes de même, abandonnant les rapports naturels avec la femme, se sont enflammés de désir les uns pour les autres, com- mettant l’infamie d’hommes à homme et recevant en leur personne le juste salaire de leur égarement (Rm 1,24-271). e Paul « chrétien » ne l’a jamais eue facile ! De son vivant, il a été contesté sur tous les fronts. On l’a vilipendé, ridiculisé et menacé ; on a même douté de son 1. À moins d’indication contraire, toutes les citations bibliques proviennent de la Traduction œcuménique de la Bible (TOB). L GÉRALD CARON 490 orthodoxie2. Après sa mort, on s’est montré réticent à accepter ses lettres. Une fois Paul réhabilité par Augustin, sa carrière a eu des hauts et des bas. Sauvé par Luther et ses partisans, il est devenu le symbole de la Réforme face à l’Église catholique ro- maine, plus centrée sur la figure de Pierre. Les choses n’ont guère changé depuis. Paul laisse peu de personnes qui le connaissent, indifférentes. Qu’il s’agisse de sa position ambiguë à l’endroit de son peuple, ou encore de son discours tout aussi équivoque sur les femmes, l’apôtre continue de susciter les réactions les plus diverses, de l’admira- tion au mépris et même à une véritable haine. Ces mots de Calvin Roetzel tombent à point : « Few who know him are neutral about Paul. Some love him, others hate him. And so it has always been3. » Après un demi-siècle d’une critique « féministe » achar- née4, Paul fait les frais d’une nouvelle attaque : on l’accuse d’être homophobe. Certains vont même plus loin, le soupçonnant d’être un homosexuel répressif 5. N’étant pas là pour répondre à cette nouvelle accusation, Paul a peut-être besoin qu’on assure sa défense. Non dans l’espoir de récupérer l’apôtre auprès de ses accu- sateurs, mais pour mieux comprendre ce qu’il a dit au sujet de l’homosexualité en Rm 1,26-27. Cette « défense » se fera en deux temps. Nous consacrerons la première partie de cette étude à l’exégèse des deux versets sous examen, puis, dans une deuxième partie, soumettrons les paroles de Paul à la critique du « lecteur » d’aujourd’hui. Plus précisément, et c’est sans doute notre objectif principal, nous nous demanderons si Paul parlerait de la même façon dans le contexte d’aujourd’hui. L’importance de Paul dans le présent débat autour de l’homosexualité ne saurait être minimisé. À défaut d’une référence explicite de Jésus sur le sujet, on est pour ainsi dire réduit à se tourner vers l’autorité de l’apôtre des gentils, de Romains 1,24-27 en particulier6, pour trouver un « enseignement clair (entendons, du Testament chré- tien) pour les Églises et les chrétiens en général, sur la condamnation des rapports 2. De son vivant, un aspect de l’évangile de Paul qui a suscité la controverse de la part de certains chrétiens « judaïsants » fut son insistance que les chrétiens d’origine « païenne » n’avaient pas à devenir juifs (y inclus la circoncision) et à observer la Torah pour être baptisés et devenir membres à part entière de la com- munauté « chrétienne ». Voir Ga 2,12 ; 2 Co 10-13 et Ph 3. 3. Voir The Letters of Paul : Conversation in Context, Atlanta, John Knox, 1975, p. 13. 4. On l’a affublé de tous les noms : mâle chauviniste, misogyne excentrique, grand responsable de vingt siè- cles d’oppression des femmes dans l’Église, et j’en passe. 5. « The Homophobia of Paul » est le titre que John Shelby SPONG a donné à son chapitre sur Paul dans The Sins of Scripture. Exposing the Bible’s Texts of Hate to Reveal the God of Love, San Francisco, Harper, 2005, p. 135. 6. De façon générale, les études sur l’homosexualité dans le Second Testament incluent, en plus du texte de Romains 1, deux autres passages, soit 1 Co 6,9-10 et 1 Tm 1,9-10. Dans les deux cas, la terminologie uti- lisée — les mots malakos et surtout arsenokoitai qui se retrouve dans les deux textes — est loin d’être claire, et fait toujours l’objet de débat. Tout au plus aurions-nous des « allusions » à certaines pratiques sexuelles de la société gréco-romaine du temps, telle la pédérastie, prostitution mâle, et peut-être aussi certains actes de nature homosexuelle. Comme le suggèrent beaucoup d’auteurs, cependant, quel que soit le sens donné aux deux termes, la « dénonciation » de Paul et de l’auteur de la lettre à Timothée ne justifie certainement pas une condamnation générale des personnes d’orientation homosexuelle. Voir sur ce point l’étude clas- sique de Dale B. MARTIN, « Arsenokoitês and Malakos : Meanings and Consequences », dans Robert L. BRAWLEY, éd., Biblical Ethics & Homosexuality : Listening to Scripture, Louisville, Westminster John Knox Press, 1996, p. 124-129. PAUL SERAIT-IL UN HOMOPHOBE ? 491 sexuels entre personnes de même sexe7 ». Pareil enseignement est cependant loin de faire l’unanimité. Pour ne citer qu’un des nombreux partisans d’une lecture totale- ment différente de ce passage, John Shelby Spong dénonce l’usage abusif que l’on fait de Rm 1 pour « justifier » ce qu’il nomme « une homophobie éhontée », respon- sable de tant de souffrances chez les personnes homosexuelles. Sans contester une allusion possible à l’homosexualité dans ces versets, il rejette toute idée que celle-ci fasse l’objet de l’enseignement de l’apôtre8. Nous ferions ainsi face, une fois encore9, à un problème d’ordre exégétique ou de découverte du sens premier d’un texte bi- blique. Tenter de résoudre ce problème exégétique est d’autant plus important qu’on a pendant des siècles utilisé ce texte à des fins de propagande contre l’homosexualité, causant des souffrances et des torts incalculables aux personnes homosexuelles. Face à cette histoire regrettable, il incombe aux spécialistes bibliques de se pencher à nou- veau sur un texte qui suscite autant de questions dans notre monde d’aujourd’hui. De tous les passages bibliques cités à propos de l’homosexualité, incluant le dou- ble interdit du Lévitique, Rm 1,26-27 constitue la référence la plus complète aux pra- tiques homosexuelles. On le cite d’ailleurs souvent comme étant le seul texte biblique à uploads/Litterature/ article-paul-serait-il-un-homophobe-romains-1-26-27-a-l-x27-heure-de-l-x27-hermeneutique.pdf
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- Publié le Mar 07, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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