M É D I A T H È Q U E d e C H Â T E A U N E U F Journal des lecteurs Novembre 2

M É D I A T H È Q U E d e C H Â T E A U N E U F Journal des lecteurs Novembre 2021 N° 44 Sommaire Une saison douce, de Milena Agus ...............................................4 Que sur toi se lamente le Tigre, d’Emilienne Malfatto ................5 Le train des enfants, de Viola Ardone...........................................6 Le parfum des fleurs la nuit, de Leïla Slimani..............................7 La rivière, de Peter Heller .............................................................8 Parias, de Beyrouk .......................................................................9 Florida, d’Olivier Bourdeaut.......................................................10 Les danseurs de l’aube, de Marie Charrel...................................11 Des vies à découvert, de Barbara Kingsolver .............................12 The Giver of Stars, de Jojo Moyes ..............................................13 Never let me go, de Kazuo Ishiguro.............................................14 The Butterfly Lion, de Michael Morpurgo...................................15 Coups de cœur Le bonheur est au fond du couloir à gauche, de J.-M. Erre ......16 Les gratitudes, de Delphine de Vigan..........................................16 La belle lumière, d’Angélique Villeneuve ...................................17 Le parfum des cendres, de Marie Mangez ...................................17 Romans graphiques Le chœur des femmes, d’Aude Mermilliod ..................................18 Entre les lignes, de Dominique Mermoux...................................18 Jours de sable, d’Aimée de Jongh................................................19 La remplaçante, de Sophie Adriansen et Mathou.......................19 Édito L’automne est un entre-deux, une saison douce avec ses jours qui déclinent et ses couleurs qui nous enchantent mais parfois aussi violente avec ses intempéries et les catastrophes qui en découlent. Nos lectures reflètent bien cette dichotomie: des romans poétiques comme ceux de Marie Mangez ou de Leïla Slimani mais aussi des romans engagés sur des sujets d’actualité: Parias de Beyrouk, La rivière de Peter Heller. D’ailleurs, ne vous fiez pas au titre ni à l’épaisseur des livres: Une saison douce de Milena Agus et Que sur toi se lamente le tigre d’Emilienne Malfatto se lisent vite mais laissent des traces… De belles histoires émouvantes, également, à découvrir parmi les romans graphiques que nous vous présentons. Vous risquez simplement de devenir « accro »! Et puis, une nouveauté, les romans en langue anglaise, pour les anglophones mais aussi celles et ceux qui veulent parfaire leur connaissance de la langue. Plus que jamais, il faut fréquenter la compagnie des livres et comme Jack London, peut-être direz-vous: « Sur les rayons des bibliothèques, je vis un monde surgir de l’horizon. » Marie-Claude “ ” Une saison douce Milena Agus Liana Levi 4 Un groupe de migrants arrive dans un village de Sardaigne, coin perdu, pauvre et sans âme. D’abord vus d’un très mauvais œil par les habitants du village, les « envahisseurs » vont ramener la vie dans ce lieu de désolation et rendre aux habitants murés dans leurs habitudes joie, espoir, foi en l’avenir. C’est même le village tout entier qui, grâce au courage redonné à ses habitants va changer d’aspect: maisons retapées, potagers ensemencés, espaces de jeux nettoyés. Milena Agus sait montrer de l’empathie envers tous ses personnages, beaux, laids, bons, méchants, égoïstes ou généreux: en chacun, elle sait trouver sa part d’humanité ou exposer les raisons de son comportement. On peut certes qualifier d’engagé ce court roman qui colle à une actualité dramatique. Mais l’engagement est discret, fait de petites touches subtiles et sans idéalisme béat même s’il en ressort l’idée que l’être humain en aimant et aidant son prochain, se sauve lui-même. Marie-Christine Que sur toi se lamente le Tigre Émilienne Malfatto Elyzad 5 Un tout petit livre pour exprimer les plus grandes émotions et nous plonger au cœur d’une véritable tragédie intime. Dans un Irak déchiré par une guerre qui n’en finit pas, une jeune femme s’éprend de son voisin, Mohammed, qui va devenir son amant. Quand celui-ci est tué au combat, la narratrice est enceinte, dans un monde clos où la tradition supplante tout le reste. À son frère aîné, Amir, revient le devoir de laver l’honneur de la famille. Et chacun approuve en silence, même la mère. « On va tuer ma fille et je ne m'y opposerai pas ». Que sur toi se lamente le Tigre, est un récit très singulier aux accents de tragédie antique dans lequel on entend toutes les voix, du chuchote­ ment à la plainte, de l’incantation au cri étouffé des femmes. L'écriture d’Émilienne Malfatto, à la fois simple et forte, percute le lec­ teur et laisse une empreinte indélébile. À lire et faire lire absolument! Prix Goncourt du Premier roman 2021 Marie-Claude Le train des enfants Viola Ardone Albin Michel 6 Une histoire que je ne connaissais pas du tout et… quelle histoire! Nous sommes à Naples en 1946. Le parti communiste affrète des trains spéciaux pour envoyer des enfants miséreux dans des familles du nord de l’Italie qui vont leur apporter pendant quelques mois des soins et de la chaleur humaine. Amerigo, le narrateur, a huit ans quand il se trouve séparé de sa mère, embarqué dans un train, terrorisé comme les autres enfants qui partent par milliers. Confié à une jeune communiste, il est recueilli à Modène par Derna membre du parti, qui lui fait connaître un tout autre milieu avec une famille de cousins. Amerigo apprend la musique et se plaît beaucoup dans sa nouvelle vie. Quand il faut retourner à Naples, c’est un vrai déchirement pour le petit garçon… C’est un roman qu’il faut lire parce qu’il aborde avec beaucoup de finesse l’histoire des enfants déracinés, confrontés à des sentiments qui les dépassent. Écrites du point de vue de l’enfant, certaines pages sont cocasses et émouvantes à la fois. Marie-Claude Le parfum des fleurs la nuit Leïla Slimani Stock 7 Leïla Silmani avec son écriture simple, fine et profonde nous plonge au cœur de l’intimité du métier d’écrivain et de son propre questionne­ ment en tant qu’auteur. Dans cette œuvre aux résonances autobiographiques, l’autrice se raconte et interpelle le lecteur par sa sin­ cérité et sa réflexion au sujet de l’art et la littérature. C’est tout naturellement que l’intrigue se déroule à Venise, carrefour des civilisations entre l’Orient et l’Occident, dans un musée où elle se fera enfermer pendant toute une nuit pour vivre une expérience bien particulière. Seule, face à elle-même, devant des œuvres contemporaines, elle laisse son esprit vagabonder en dehors du temps et des frontières: se dévoilera alors sa vision du monde et la propre lecture de sa vie, de son parcours et de sa relation à son père, grand amateur de livres. C’est un fil rouge qu’elle déploie au fur et à mesure et qui la laisse apparaître telle qu’elle est aujourd’hui. Un roman lucide et poétique qui fait du bien. Il montre les question­ nements de cette écrivaine qui, dès les premières pages, déconstruit l’idée que nous pouvons avoir de l’écrivain, elle qui a été en perpétuelle recherche identitaire… Elle interroge ici le rôle de la littérature sous les yeux du lecteur ébahi par cet exercice de style! « La littérature ne sert pas à restituer le réel mais à combler les vides, les lacunes. On exhume et en même temps on crée une réalité autre. On n’invente pas, on imagine, on donne corps à une vision, qu’on construit bout à bout, avec des morceaux de souvenirs et d’éternelles obsessions » car « écrire, c’est jouer avec le silence, c’est dire de manière détournée des secrets indicibles dans la vie réelle ». Comme une nécessaire évi­ dence aurait-on envie d’écrire… tel un parfum qui se respire, la nuit de préférence. Virginie Leïla Slimani, jeune écrivaine et journaliste franco-marocaine née en 1981, a écrit trois autres livres qui sont aussi à découvrir et qui laissent transparaître un femme sensible au style très personnel: Dans le jardin de l’ogre, Chanson douce (Goncourt 2016 et Grand Prix des Lectrices de Elle 2017), et Le Pays des autres (Grand Prix de l’Héroïne Madame Figaro 2020). La rivière coule dans une nature somptueuse, dans «le Grand Nord» des États-Unis. Jack et Wynn qui la descendent en kayak en cette fin d'été sont amis, étudiants, en vacuité sentimentale, imprégnés d'amour de la nature où ils ont vécu leur enfance, amateurs de poésie, admirateurs de Thoreau et d'artistes de land art; qu'ils se soient déjà frottés à la marche en montagne n'exclut pourtant pas une certaine inconscience. «Une odeur de fumée leur parvenait depuis deux jours». Cette phrase d'ouverture nous place au cœur de l'angoisse. Le feu, dont nous savons qu'il ravage les forêts de la planète, est poussé vers eux par le vent; la rivière, étroite, ne les mettrait pas à l'abri, et ils ont encore 240 kilomètres à faire jusqu'à la baie d'Hudson. Les lacs succèdent aux cascades qu'il faut franchir par la montagne, avec leur chargement. Ils y étaient préparés, mais en vrais aventuriers, ils s'étaient dépouillés de téléphone et de radio, rendant le voyage sans retour. Croyaient-ils s'être éloignés des humains? S'ils dépassent sans s'arrêter le campement de deux hommes éméchés et vulgaires, une dispute vio­ lente et des cris de femme les perturbent durablement. Auraient-ils dû s'arrêter? L'angoisse brouille désormais le décor de rêve. La récitation de poèmes en accord avec la splendeur du lieu, l'admiration paisible d'un élan majestueux, cèdent devant la peur des ours qui, perturbés par le réchauffement climatique, affamés, dévorent leurs réserves; les hommes qu'ils ont croisés portent la uploads/Litterature/ journal-44.pdf

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