INTELLIGENCE DE LA BIBLE L' « HISTOIRE SAINTE » DE DANIEL-ROPS ,1 L'Histoire sa

INTELLIGENCE DE LA BIBLE L' « HISTOIRE SAINTE » DE DANIEL-ROPS ,1 L'Histoire sainte évoque notre première enfance. Tout petits, nous avons mis en longue file devant une arche cle Noé des couples d'animaux et de « bonshommes » cle toutes cou- leurs, ou Contemplé, dans de beaux albums défraîchis, hérités de nos oncles, la barbe de Dieu le Père balayant le firmament, l'Esprit-Saint couvant sur les eaux du chaos primordial, Adam et Eve pris en flagrant défit de gourmandise et de désobéissance, péchés qu'enfants nous comprenions si bien et dont nous nous sentions un _peu complices. Toutes ces belles histoires merveilleuses nous enchantaient par leur poésie, leur exotisme, le tragique des situations, la vitalité des héros. Les prodiges abondaient : Dieu, par ses élus, tel Moïse, asséchait la mer Rouge, faisait jaillir l'eau du rocher ou fleurir la manne au désert. Mystérieuses aussi, bien sûr; toutes saintes qu'elles étaient, plus d'une fois elles déconcer- taient secrètement notre sens du bien et du mal et ne cadraient que de justesse avec les sains et sévères principes de l'édu- cation familiale : le sacrifice d'Abraham, inhumain, les ruses et le mensonge, trop humains, de Jacob le prédestiné, l'inter- mittente cruauté irascible de Jahveh nous laissaient rêveurs et en proie à un vague malaise. Qu'en pensons-nous aujourd'hui? Soyons sincères. La perspective de nous replonger dans ces belles histoires, qui ont tour à tour ravi, édifié, étonne nos yeux et nos coeurs d'enfants, nous effraie un peu. Nous les sentons liées, sans savoir exactement comment, à des émotions et à des convictions religieuses que nous ne voulons pa perdre, ni même ébranler. Pourtant, nous ne sommes pu des « gosses ». L'homme fait a ses exigences intellectuel e INTELLIGENCE DE LA BIBLE 63 Ses « pourquoi » sonnent autrement dur que ceux de ses jeunes fils. L'adulte d'aujourd'hui l'est deux fois. Sa génération appartient au middle âge de l'humanité, à moins qu'on ne la veuille déjà sur le retour. L'homme moderne accepte encore de croire, mais veut savoir jusqu'où et pour quels motifs. Il ne tolère plus qu'on lui en fasse accroire. L'histoire, sevrée d'inspiration épique, n'est plus que prose. Coupée de toute tradition religieuse, ne serait-elle plus que profane? Comment donc relire à vingt ans et au vingtième siècle, à l'âge critique et au siècle critique, des « histoires saintes » du deuxième millénaire ou du deuxième siècle d'avant notre ère sans mettre en question ou notre sincérité ou notre foi? Cependant, pour l'authentique chrétien moderne, celui qui n'est pas moderniste, la Bible demeure ce qu'elle fut pour le chrétien des catacombes, des conciles ou des croisades, la Parole de Dieu, l'Écrit inspiré, le Témoin privilégié de la Révélation, l'Histoire sainte. Le retour à la sainte Écriture est un devoir péremptoire et permanent pour tout chrétien, aussi bien pour le catholique de partout, n'en déplaise à la légende, que pour le Russe orthodoxe, pour le calviniste fran- çais, pour le luthérien d'Allemagne, pour les anglicans d'outre- Manche ou les méthodistes d'outre-Atlantique. A la différence des protestants de toutes dénominations, qui se réclament du libre examen, le catholique accepte la Bible des mains de sa mère l'Eglise, qui lui en ouvre les pages et le sens. Il aime en lire les plus beaux récits dans son missel et, s'il est prêtre, dans son bréviaire, suivi de l'homélie, parfois désuète et souvent banale, d'un vieil exégète ou de son curé, l'un et l'autre mandataires qualifiés, mais différemment, de cette même Église. Cette audition, quelque peu passive et béate, le dispense-t-ellé d'une lecture plus attentive, plus intensive? Ne tiendra-t-il pas à situer dans leur contexte littéraire, historique, religieux, les pages de choix que lui révèlent la liturgie ou la catéchèse? Une toute récente encyclique de fle XII, Sous le souffle de l'Esprit de Dieu, parue en 1943, l'y 'invite de façon pressante. Aux raisons d'autorité ou de tra- dition s'en ajoute une d'opportunité. De nos jours, l'ensei- gnement de la religion tend à se renouveler. On met,l'accent, et a juste titre, sur les valeurs de vie qu'elle apporte. Le dogme 64 INTELLIGENCE DE LA BIBLE est vie. Le Dieu des chrétiens est le Dieu vivant. La catéchèse comme'au temps de ses premiers prédicateurs, le catéchisme comme au temps de ses premiers rédacteurs, vont donc puiser leur sève dans une expérience vécue, dans une histoire, et dans les.livres qui la racontent comme une histoire. Le petit caté- chisme s'enseigne en liaison étroite avec la Bible des enfants. Les pères et mères de famille, premiers et principaux éduca- teurs de l'enfance chrétienne, ne se doivent-ils donc pas de connaître et de comprendre, par delà les détails pittoresques et gracieux qui fixent l'imagination, les lignes de force et le message essentiel de ces récits que suivront demain sur leurs lèvres un groupe d'enfants extasiés? Ne faut-il pas apprendre à les raconter de telle sorte que ces petits devenus grands s'y sentent toujours « chez eux », comme au foyer et à la Table sainte, aujourd'hui aussi bien que plus tard dans la vie, lorsque ces réalités, dépouillées de je ne sais quelles incan- tations de légende ou de quels chatoiements de rêve, seront devenues des valeurs quotidiennes, substantielles,pro- fondes ? Le guide qui voudra nous tirer de notre torpeur et nous conduire jusqu'à la Terre promise devra donc savoir charmer en nous l'enfant et respecter notre foi sans décevoir notre besoin cle certitude et de franchise. Sur le livre des livres, M. Daniel-Rops a publié un ouvrage qui ne -dément pas ces exigences. Dans la « Collection des Grandes Études histo- riques » d'Arthème Fayard, le titre sonne un peu comme un défi : Histoire sainte, le Peuple de la Bible, mais aussi comme une promesse, premier titre d'une trilogie qui comportera un Jésus en son temps et un volume sur l'Eglise des Apôtres et des Martyrs. Toutes les origines, des plus lointaines aux plus proches, du christianisme. Recommandation toute spé- ciale pour les lecteurs d'entre guerre et paix que nous sommes, la première édition, parue en juillet 1943, fut interdite aus- sitôt par les autorités allemandes d'occupation et la compo- sition détruite. Aux ordonnances .d'un régime arbitraire, et persécuteur il ne faut pas chercher de raisons. Sans doute le récit d'une résistance spirituelle, le spectacle de l'mdes- tructibilité d'un petit peuple au milieu des grands empireS .qui s'écroulent alentour, quelques épisodes hauts en couleu INTELLIGENCE DE LA BIBLE 65 et actuels, comme la révolte victorieuse des Macchabées, des phrases vengeresses telles que : « On n'imposepas impunément par la seule force une domination que ne justifie nul ser- vice » (p- 326), ou tout simplement l'histoire d'une race honnie ou la réussite d'une oeuvre de haute culture ont-ils « motivé » l'interdiction et font-ils aujourd'hui à l'ouvrage une réclame- (il en est, en moins d'un an, à sa 47e édition) dont il n'a nul besoin. Car, s'il vient à son heure, par ses mul- tiples mérites de composition et de fonds il restera, longtemps encore, un classique. II , De nos jours, la tâche d'un historien de l'antiquité orientale est à la fois plus facile et plus difficile que naguère. Paradoxe? Si peu. Ce passé que chaque jour fait surgir davantage des tells défoncés et des tablettes déterrées et déchiffrées, est chaque jour plus facile à connaître et plus difficile à raconter. Peu de domaines ont été plus radicalement bouleversés que celui de l'Orient antique. La somme des connaissances a fait en un siècle des progrès énormes. Non seulement l'Egypte et la Mésopotamie, points extrêmes et pôles d'influence du « Croissant fertile » dont Israël occupe le centre, nous sont devenues aussi familières en leur littérature, leur architecture, leurs arts mineurs, leurs institutions, leurs religions, que Rome ou la Grèce, mais nombre de peuples furent découverts et décrits qu'on ne connaissait que très mal ou pas du tout il y a trente ou quarante ans, tels les Cananéens, les Hyxos et les Hittites. D'autre8 part, des fouilles nombreuses et méthodiquement conduites, tant en Terre sainte que tout alentour, ont rendu palpable la vie matérielle, culturelle, religieuse d'Israël et de ses grands et petits voisins. Un monde est sorti dé terre sous la pioche des archéologues et la patience des philologues lui a rendu la parole. En vain on essayerait d'énumérerces trésors. Il suffira de rappeler que M.Dussauda pu écrire tout un livre passionnant sur les Découvertes de Ras- Sharnraet l'Ancien Testament, ces textes en langue préhébraïque et en caractères cunéiformes alphabétiques datant de plusieurs décades avant Moïse et de plusieurs siècles avant la rédaction ÉTUDES, avril 1946. CCXLIX. — 3 66 INTELLIGENCE DE LA BIBLE définitive des premiers écrits inspirés. Qu'il s'agisse de Sumer ou de Rome, de la Perse ou du pays de Moab, de la vallée du Nil, de l'Euphrate ou de l'Oronte, M. Daniel-Rops met à. profit toutes les possibilités de l'archéologie et des autres disciplines auxiliaires de l'histoire pour faire revivre les grandes civilisations disparues qui ont modelé pour une part le destin historique du peuple de la Bible. Les mises au point uploads/Litterature/ intelligence-de-la-bible.pdf

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