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Elle a enseigné à l’université Paris-Sorbonne (Paris IV) ainsi que dans le secondaire, et a publié plusieurs articles sur Samuel Beckett, notamment : « Entre “mots muets” et silence bruissant : le Je en tension », Samuel Beckett Today/Aujourd’hui (Rodopi), n° 19, 2008 ; « Des cendres à la poussière, une ontologie résiduelle », Samuel Beckett Today/Aujourd’hui (Rodopi), n° 20, 2008 ; « De la dialectique maître-valet modernisée dans Fin de partie de Samuel Beckett », Revue d’études comparatistes (Revue de Paris-Sorbonne), n° 1, automne 2010 (www.crlc.paris- sorbonne.fr). Comment écrire le silence sans le briser, sans le trahir, sans provoquer ce que Lévinas appelle une « indiscrétion à l’égard de l’indicible » ? L’implicite appelle cette « indiscrétion », ce désir de déchiffrement. Mu par la curiosité, le lecteur (et chercheur) se heurte à l’impossible élucidation du secret, à son silence inviolable, d’où cet appel infini à la transgression. Le silence résiste donc à l’analyse, se soustrait infiniment, et dans le même temps, il détient cette force d’attraction qui nous pousse à penser ce qui nous dépasse, nous excède, mettant en jeu une tension palpable. Comment donc, selon les termes de Derrida dans L’Écriture et la Différence, « trouver une parole qui garde le silence », sans l’anéantir, sans le faire taire, sans provoquer sa dérobade ? Beckett précisément s’évertue à faire apparaître la disparition. Ainsi la quête infinie du silence devient-elle celle du point d’énonciation inaccessible (car soustrait), déterminant toute identité. How to write silence without breaking it, without betraying it, without causing what Lévinas calls an “indiscretion with regard to the unspeakable”? “Indiscretion”, it is implied, is precisely the desire to decipher. Driven by curiosity, the reader (and researcher) faces the impossible elucidation of secrecy, the inviolability of silence, hence his endless call to transgression. Silence therefore resists analysis, evades endlessly, but at the same time holds a compelling force that pushes us to think what is beyond us, what exceeds us ; it puts into play a palpable tension. How, then, according to Derrida in Writing and Difference, might one “find a word that keeps the silence”, without destroying it, without silencing it, without allowing its escape ? It is Beckett who strives to make this disappearance appear. Thus the endless quest of silence becomes the search for 1 an enunciation of the inaccessible (because removed), that determines any identity. Beckett (Samuel), silence, tension, limite, Blanchot (Maurice). Tout au long de son œuvre, Beckett s’est employé à travailler ce lien entre écriture et silence, à tenter d’écrire le silence, de le faire entendre, de lui donner corps. Pour ce faire, la forme que prend sa création revêt une importance capitale, et la construction des récits, textes brefs ou pièces de théâtre, se trouve au cœur des préoccupations beckettiennes. Mais comment écrire le silence sans le faire taire ? Dans un échange daté du 30 décembre 1977, Beckett a confié à Anne Atik ce paradoxe qui n’a cessé de hanter son écriture : « Sam : “Toute écriture est un péché contre l’échec de la parole.” Essaie de trouver une forme qui convienne à ce silence. Seuls quelques-uns, Yeats, Goethe, ceux qui ont vécu suffisamment longtemps, y sont parvenus, mais ils ont eu recours à des formes existantes et à des fictions1. » Il est bien ici question de la forme à inventer pour ménager un espace de silence. Déjà en 1968, lors d’une émission télévisée portant sur Beckett et diffusée sur la WDR, chaîne de télévision ouest-allemande, Adorno rendait compte de propos tenus par Beckett abondant dans ce sens : Dernièrement, au cours d’une discussion où nous parlions de notre exécration commune des congrès et de ce genre de manifestations, Beckett m’a dit que le fait de parler était toujours une désécration, une profanation du silence. Cette formule est très représentative de sa façon de voir les choses. Ces jeux de mots et ces tours linguistiques disent en fait tous la même chose, ils disent qu’« on ne peut pas le dire », parce qu’il n’y a pas d’univocité2. Selon Beckett, seul le silence est à même de préserver l’intégrité du sens. C’est pourquoi son langage s’évertue à saper tout contenu univoque et par conséquent restrictif. Dans un article intitulé « Sounds and silence : Beckett’s Music », Mary Bryden met l’accent sur le caractère non indispensable de l’œuvre de Beckett, perçue par lui-même comme une tache non nécessaire sur le silence : « An “unnecessary” stain is therefore unambiguously pejorative, leading to the irrevocable conclusion that sound violates silence : that silence is good, and writing is less good, or even bad3. » Là encore, c’est bien la violation – ou « désécration » selon l’anglicisme proposé par Adorno – qui est pointée par la critique. Or, cette profanation, ou « indiscrétion » si l’on souscrit à l’hypothèse de Lévinas dans Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, s’avère être l’objectif poursuivi par la philosophie, sa « tâche » : « Trahison au prix de laquelle tout se montre, même l’indicible et par laquelle est possible l’indiscrétion à l’égard de l’indicible qui est probablement la tâche même de la philosophie4. » Ainsi l’indicible pousse-t-il le Dit 1 Anne Atik, Comment c’était, souvenirs sur Samuel Beckett [How it was, A Memoir of Samuel Beckett, Faber and Faber, 2001], Paris, Éditions de l’Olivier/Le Seuil, p. 117. 2 Theodor W. Adorno, Notes sur Beckett, Paris, Nous, 2008, p. 122. 3 Mary Bryden, « Sounds and Silence: Beckett’s Music », Samuel Beckett Today/Aujourd’hui, Amsterdam/Atlanta, n° 6, 1997, p. 279. (« Une tache “non-nécessaire” est donc clairement péjorative, conduisant à l’irrévocable conclusion selon laquelle le son viole le silence : le silence est bon, et l’écriture est moins bonne, ou même mauvaise. » Je traduis.) 4 Emmanuel Lévinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, La Haye, Nijhoff, 1978, p. 19. Je souligne. 2 à trahir le Dire. Mais comment dire l’indicible ? Comment « représenter un réel irreprésentable5 ? » D’ores et déjà, la question linguistique revêt une dimension éthique. L’art naît par conséquent du défaut qui fait peser une menace sur l’œuvre, alors soumise à une tension palpable, comme l’énonce Blanchot dans Le Livre à venir : « Tout art tire son origine du défaut exceptionnel, toute œuvre est la mise en œuvre de ce défaut d’origine d’où nous viennent l’approche menacée de la plénitude et une lumière nouvelle6. » Dans cette optique, l’écriture se fait résistance : « Écrire, c’est finalement se refuser à passer le seuil, se refuser à “écrire7”. » Une écriture nécessairement transgressive L’écriture du silence doit tenir compte de son incomplétude. En effet, le texte mime la fondamentale incomplétude existentielle, où la mort est toujours le manque à vivre : « de notre vie totale elle [la voix] ne dit que les trois quarts »8, observe le narrateur de Comment c’est. Or, l’implicite sous-tend une énigme, et l’essentiel semble se dérober à tout processus de capture. Il subsiste donc toujours un résidu d’indicible en tant que non sonorisable, qui ne peut advenir que lorsque le silence se fait : « Il faut que ceci soit entendu : je n’ai rien raconté d’extraordinaire ni de surprenant. L’extraordinaire commence au moment où je m’arrête. Mais je ne suis plus maître d’en parler9 », écrit Blanchot dans L’Arrêt de mort. L’arrêt fait donc apparaître le silence, en tant que garantie d’émergence de « l’extraordinaire ». Par essence et conformément à l’expérience uploads/Litterature/ julia-siboni-l-x27-e-criture-transgressive-du-silence-chez-samuel-beckett.pdf
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- Publié le Aoû 20, 2022
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