135 Florence Mourlhon-Dallies Université de la Sorbonne nouvelle - Paris 3, CLE

135 Florence Mourlhon-Dallies Université de la Sorbonne nouvelle - Paris 3, CLESTHIA CEDISCOR Résumé : Dans un contexte de mondialisation propice aux mobilités en tous genres, le domaine des études supérieures ne fait pas exception. Comme le rappellent Mangiante et Parpette (2011, p.5), la part des étudiants étrangers en France représente aujourd’hui 15% des inscrits dans les universités, avec une nette accélération ces dernières années. Cette situation sans précédent ne manque pas d’interroger les recherches actuelles en didactique du français langue étrangère, ouvrant la réflexion à un nouveau sous domaine : le français sur objectifs universitaires, qui n’est pas d’ailleurs limité au contexte national dans la mesure où les cursus bilingues et les enseignements de niveau supérieur donnés en français à l’étranger sont également concernés. Si l’on perçoit bien les motivations institutionnelles qui contribuent à l’émergence du français sur objectifs universitaires, comme par exemple la crainte qu’une maîtrise insuffisante de la langue soit un facteur d’échec et donc d’engorgement de certaines filières, il n’en demeure pas moins que le champ de réflexion didactique ouvert par cette nouvelle donne est en voie de définition comme nous le montrerons dans cette contribution. Mots-clés : Construction du domaine, genre académique, élaboration de programme, approche pluridimensionnelle I. Essai de définition Le FOU est une appellation calquée sur le FOS : on peut de prime abord l’assimiler à du français sur objectifs spécifiques destiné à des publics d’étudiants devant suivre leurs études dans un système universitaire français (ou francophone). I.1. Singulier ou pluriel ? En général, le FOU s’entend au singulier (Français sur Objectif Universitaire) comme le proposent Mangiante et Parpette dans le titre de leur ouvrage de référence paru en 2011. Ce singulier renvoie à la typicité d’un public et d’un projet. Il fait également écho à cette méthodologie de construction de programmes destinée à répondre à des besoins précis eu égard à un usage utilitaire de la langue qu’est le Français sur Objectif Spécifique (écrit également au singulier). Le français sur objectifs universitaires, entre français académique, français de spécialité et français pré-professionnel 136 Cet usage du singulier ne va pas toutefois de soi. Le FOS est en effet une méthodologie centrée sur l’identification de besoins bien précis, que l’on établit de manière fiable pour des publics professionnels dont on cerne les métiers et les situations de travail. Or le FOU s’adresse par définition à un public étudiant dont le projet d’avenir est souvent sujet à variation, à l’image de certains étudiants chinois inscrits en 2005 à Paris V en médecine mais qui ont obliqué vers la gestion au bout d’un an. De fait, le projet des étudiants en début de cursus n’est pas toujours stabilisé, ce qui a pu faire dire par le passé à certains1 que le public étudiant (pour l’Academic English notamment) était un public « sans but », par opposition au public de professionnels visé habituellement par le FOS (ou l’English for Specific Purposes). Construire un programme sur mesure arrimé à des objectifs pointus n’est donc pas une promenade de santé dans ces conditions. Le didacticien doit s’attacher avant tout à dégager le fond commun de situations et de compétences à maîtriser pour suivre un quelconque cursus universitaire en français. C’est dire qu’il vise un haut niveau de généralité alors même que la philosophie du FOS est le sur-mesure. Dans le même ordre d’idées, on peut se demander si la diversité des publics visés par le FOU est réellement compatible avec une méthodologie d’enseignement du français parfaitement unifiée. Le projet du champ disciplinaire nouvellement ouvert est en effet de prendre en compte : des publics d’étrangers déjà en pays francophone en train de suivre des cours non spécifiquement destinés à eux ; des publics d’étrangers se préparant à suivre des études en pays francophone (depuis leur pays ou en amont des cours, s’ils sont déjà arrivés en territoire francophone) ; des publics d’étrangers à l’étranger, mais dont les études se passent en français (comme dans les pays de français langue seconde, dans les filières francophones et enfin dans des cursus intégrant la venue ponctuelle de professeurs parlant le français. Ces trois cas renvoient à des situations bien différentes en termes de niveau à atteindre, de durée, d’imprégnation de la langue, de conditions de cours. Ainsi, le FOU concerne indifféremment : - une trentaine d’étudiants chinois suivant un cursus de préparation aux études universitaires en France, à Paris, sur une année, de 300 à 500 heures ; - une douzaine d’étudiants se préparant depuis leur université allemande (durant un semestre à raison de 30 heures de cours environ) à partir en stage dans des hôpitaux français) ; - un demi-amphithéâtre d’étudiants marocains en études océanographiques (70 personnes dans un hémicycle, pour une trentaine d’heures en un semestre). Le champ ouvert amène dans les faits à traiter de publics soit en immersion (milieu homoglotte), soit en préparation intensive à l’étranger, soit dans des situations de plurilinguisme en milieu hétéroglotte. Or le FOS, désigné comme inspirateur principal de la démarche du FOU, n’est pas une méthodologie spécialement adaptée à l’apprentissage en immersion (car le FOS servait à l’origine à la construction de programmes intensifs pour des professionnels étrangers hors de France) ; de même, le FOS ne prend pas davantage en considération le multilinguisme et n’a que peu de connexions avec les méthodologies d’intercompréhension des langues et les différents courants acquisitionnistes. Le Français sur Objectifs Universitaires - 2011 pp. 135-143 137 Afin d’insister sur la variété des situations d’enseignement/apprentissage à prendre en compte et de ne pas limiter les programmes de français sur objectifs universitaires à la seule méthodologie du Français sur Objectif Spécifique, nous utiliserons donc l’appellation de FOU au pluriel. On parlera par conséquent de Français sur Objectifs Universitaires pour désigner le champ de préoccupations consistant à préparer au plan langagier des publics à suivre des études universitaires en français, cette préparation pouvant être inspirée par des méthodologies didactiques variées. 1.2. Une équation problématique ? Comme il vient d’être dit, le FOU met au premier plan la question de la maîtrise de la langue pour le suivi des études universitaires. Aussi peut-on se demander pourquoi il est besoin de créer une nouvelle étiquette alors qu’il existait déjà celle de français académique. A bien y regarder, il apparaît que les deux expressions ne se recoupent pas entièrement, le FOU englobant et débordant le français académique. Par français académique, on entend généralement cette part de la langue à maîtriser pour réaliser l’ensemble des tâches scolaires et des devoirs à restituer, indépendamment des spécialités et des disciplines ; en revanche le FOU a une acception plus large, étant un enseignement de français avec pour objectif la réussite d’un cursus universitaire. En ce sens, le FOU vaut aussi pour les natifs, dans le cadre d’une université « de masse », mais cela excède notre propos. Si l’on approfondit ce que le FOU recouvre, il semble donc qu’il inclut du français académique ou FA, pensé comme un ensemble de techniques à acquérir (ou déjà acquises en LM) telles la prise de note, la rédaction de dissertations, de commentaires composés, le résumé d’article scientifique. Il rencontre également les préoccupations du français langue seconde ou FLS, renvoyant aux formalités administratives, aux inscriptions, à la recherche d’un logement. A cela se rajoute du français de la culture universitaire touchant aux relations avec les enseignants et aux relations entre étudiants (notamment pour la réalisation de dossiers de groupe) qui peut être baptisé FIU (Français pour l’Intégration Universitaire). Enfin, il reste à déterminer quelle part de français de spécialité (FS) faire intervenir, ce qui ne manque pas d’être problématique. En effet, si les enseignements de FOU sont plutôt tournés vers le transversal, on ne peut exclure du FOU que ses enseignements prennent également en compte les domaines et les logiques d’appréhension et d’organisation de la pensée au coeur de chaque champ de connaissances. Ainsi positionné, le FOU se ramènerait à l’équation suivante : FOU = FA+FLS+FIU + x%deFS [dérivé de FOS] Cette équation pourrait encore englober d’autres éléments en lien avec la préparation aux stages intégrés à certains cursus, qui ressortiraient du français de la communication professionnelle (dit aussi français professionnel transversal). Le tout devant être mis en oeuvre idéalement en une petite centaine d’heures… Le français sur objectifs universitaires, entre français académique, français de spécialité et français pré-professionnel 138 Comme le laisse entendre l’addition d’éléments précédente, le FOU est donc un champ problématique du fait de sa fragmentation : il paraît se caractériser par la juxtaposition des préoccupations qui l’animent. Devant une telle complexité, on peut se demander comment nos voisins anglophones ont surmonté cette difficulté, eux qui ont depuis plus longtemps que nous massivement intégré des étudiants étrangers dans leurs universités. On peut observer que du côté de l’anglophone, une complexification du traditionnel anglais académique a également eu lieu. Plus ancienne que chez nous, elle a même une traduction éditoriale, avec un marché extrêmement segmenté qui distingue entre : - l’anglais professionnel (centré sur l’exercice des métiers avec une nuance entre le professional (médecine, droit) et le vocational (plus uploads/Litterature/ l-fou-mourlhon-dallies-2011.pdf

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