"L'Ascenseur social est en panne. À quoi sert encore l'école ?", d'Aurélie Ledo
"L'Ascenseur social est en panne. À quoi sert encore l'école ?", d'Aurélie Ledoux Nous sommes tous des Julien Sorel et ressentons tous la nostalgie d'une époque où l'on pouvait (ou croyait pouvoir) sortir de son milieu. De ce point de vue, Le Rouge et le Noir, de Stendhal, est le premier roman de la panne de l'ascenseur social, affirme Aurélie Ledoux dans ce petit livre incisif sur l'école. Professeure de philosophie au lycée de Vernon (Eure), l'auteur appuie là où ça fait mal, mais sait aussi être nuancée. "Il y a des éloges ambigus. À force de faire de l'école une condition de la réussite, on finit par n'y voir plus qu'un moyen de parvenir", écrit- elle en recensant, non sans humour, les abus de la métaphore : l'ascenseur qui monte plus haut, mais qui descend aussi plus bas ; que l'on devrait se renvoyer; "bloqué dans les ténèbres du troisième sous-sol". Or, "l'image d'Epinal de l'ascenseur social renvoie à un contexte : en France, après la guerre, la réussite scolaire des enfants était non la cause, mais la conséquence d'un bien-être général lié à la conjoncture économique". Aujourd'hui, écrit-elle, "ascenseur social" a remplacé "justice sociale". L'ÉGALITÉ DES CHANCES ABSOLUE EST IRRÉALISABLE Certes, l'égalité des chances absolue est irréalisable. Friedrich Hayek, "libéral conséquent" selon l'auteur, en avait souligné les paradoxes. Mais, "en disant que l'école ne parvient pas à éliminer les inégalités de départ, on ne lui reconnaît plus la vertu de les amoindrir". D'un autre côté, la notion de mérite demeure ambiguë. "Il n'est pas toujours souhaitable d'être traité d'élève méritant : l'éloge est paradoxal en ce qu'il consiste à qualifier l'effort plus que la réussite." Dans les discours officiels sur l'école, la notion de connaissance disparaît au profit de celle de réussite, déplore Aurélie Ledoux. L'école devrait assurer la réussite de tous ? Ce n'est pas toujours ce que l'on a attendu d'elle ! fait-elle remarquer. L'idée selon laquelle l'école doit fournir à la société ce dont elle a économiquement besoin date, en fait, des "trente glorieuses". La mission de l'école va se définir, de plus en plus, par le développement des "compétences" et de l'"employabilité". Aurélie Ledoux revient sur la suppression symptomatique de l'épreuve de culture générale à Sciences Po, qui sanctionne, selon elle, ce qu'elle était devenue : un étalage de "vernis intellectuel". Or, "le défaut de l'épreuve de culture générale n'est pas d'être trop sélective, mais de ne pas l'être assez. Elle est discriminante parce qu'elle n'est pas sélective", écrit-elle, en plaidant pour le rétablissement d'une épreuve exigeante, "fondée sur une véritable discipline". Aujourd'hui, Julien Sorel serait peut-être recalé à Sciences Po. Par Philippe Arnaud (Le Monde.fr du 19/11/12) uploads/Litterature/ l-x27-ascenseur-social-est-en-panne-a-quoi-sert-l-x27-ecole.pdf
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- Publié le Nov 21, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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