1 L’étonnante histoire de la SACEM en Polynésie française Martin Gladu Les effo

1 L’étonnante histoire de la SACEM en Polynésie française Martin Gladu Les efforts déployés au fil des décennies par la SACEM pour percevoir les droits d'auteur en Polynésie française ont été plus que considérables. Certains diront même qu’ils ont été titanesques, surtout considérant la géographie de l’endroit et son faible nombre d’habitants. L’épopée polynésienne de la SACEM commença le 11 mars 1957. Ce jour-là, la loi 57-293 sur la propriété littéraire et artistique fût adoptée en France. Il était prévu, à l’article 81, que « La présente loi est applicable aux territoires d'outre-mer (…) ». De plus, elle reconnaissait aux sociétés d'auteurs telles que la SACEM - visées à l'alinéa 2 de l'article 43 - la « qualité pour ester en justice pour la défense des intérêts dont ils ont statutairement la charge », et leur donnait le pouvoir de demander la saisie-contrefaçon prévue et organisée par les articles 66 et suivants lorsque les œuvres de leurs répertoires étaient utilisées sans leur consentement. Rappelons qu’à cette époque, la contrefaçon était prévalente en Polynésie française, et que les lieux de diffusion de musique ne payaient aucuns droits d’auteur. Forte de cette nouvelle loi, la toute-puissante SACEM n’allait pas en rester là. Le président du conseil d’administration de la SACEM était alors le compositeur Georges Auric. Léon Malaplate en était le directeur général gérant. Jean-Loup Tournier lui succéda en 1961. On rapporta que, sous son règne (soit du 1-1-1961 au 1-2-2001), la SACEM aurait eu pour objectif des perceptions totales pour la Polynésie de vingt-cinq millions de francs Pacifique annuellement, une somme jugée abusive par certains observateurs (SOURCE : Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Sénat. Numéros 41-57, 1969). Dès 1962, Tournier dépêcha un représentant à Tahiti en la personne de Jean-Charles Troalen, qu’il investit du mandat d’astreindre les usagers de musique à payer des redevances à la SACEM. Ami du sculpteur Serge Homs et dernier représentant du BADA en poste à Abidjan, Troalen fît donc la tournée des clubs de nuit, de hôtels et des salles de danse afin de constater la musique qui y était jouée. La réaction des locaux à sa présence fût d’une violence telle que rien ne se passa jusqu'aux élections de l'Assemblée territoriale en octobre 1963. 2 Rappelons aussi que Tournier voulut implanter la SACEM en Nouvelle-Calédonie en 1968; mais se heurta à une opposition de principe de la part des utilisateurs de musique. En 1969, M. Francis Sanford, au fait du conflit de par sa fonction d’élu d’outre-mer chargé de l’industrie du tourisme polynésien, demanda au ministre « de prévoir un régime particulier de la SACEM en Polynésie française afin qu'il ne soit pas porté préjudice au développement du tourisme ». Comme lui, d’autres tentèrent, en vain, de dénouer l’impasse. La situation se dégrada de façon constante de sorte qu'en 1970 le répertoire géré par la SACEM était régulièrement utilisé à Tahiti sans que les usagers n'acquittent la moindre redevance. La SACEM fit alors effectuer des constats dans plusieurs établissements et assigna cinq propriétaires à comparaitre devant le Tribunal de première instance de Papeete. Une décision du conseil de gouvernement de la Polynésie fixant le montant des droits à percevoir par la SACEM fût rendue le 28 décembre 1977; mais le décret du 23 mars 1978 vint l’annuler. Suite à ce décret, la délégation régionale de la SACEM décida qu’il valait mieux laisser la place à une société locale. Société civile à but non lucratif, la Société polynésienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SPACEM) fût constituée en 1978 avec le soutien technique de la SACEM, qui effectuait notamment pour son compte toutes les opérations de répartition des droits - y compris pour les auteurs polynésiens membres de la SPACEM -, et de la SDRM. Par un contrat du 10 avril 1979, la SACEM et la SDRM lui confièrent le mandat de percevoir auprès des usagers les droits d'auteur leur revenant au titre de l'exploitation en Polynésie française de toutes les œuvres de leurs répertoires. Les premières années de la SPACEM se déroulèrent sans histoires. Ce n’est que vers le début des années 1990 que des problèmes survinrent. De 2001 à 2010, par exemple, ses comptes n'ont été ni arrêtés ni soumis à l’approbation de l’Assemblée générale de ses sociétaires. D’autres anomalies furent observées. Désireux de sauvegarder leurs intérêts, les créateurs s’associèrent : Ça bouge dans les TOM. Les créateurs de Tahiti et de ses îles se fédèrent, avec la naissance pendant l’été du Syndicat polynésien des auteurs et compositeurs. A l’instar de son grand frère le Snac en France, le SPAC se donne pour objet de « fédérer les énergies de tous les créateurs polynésiens pour assurer la défense de leurs droits face aux difficultés rencontrées notamment par leur gestion collective en Polynésie, et plus généralement face à la crise que traverse la filière musicale devant les problèmes nés de la diffusion des œuvres sur internet et de leur piratage ». Le syndicat se veut être aussi « un lieu de réflexion et de propositions pour sauvegarder notre culture dans sa diversité face à la mondialisation et l’asservissement de la création artistique par les 3 multinationales toutes puissantes » ajoute son président Théo Sulpice. « Ce combat mobilise la communauté des créateurs de toutes origines : auteurs, compositeurs de musique, cinéastes, chorégraphes, spécialistes des arts graphiques, photographes, auteurs littéraires et scientifiques… » ajoute-t-il. Fondé avec 21 membres le 4 juillet, le syndicat compte déjà 400 membres. Parmi ses dossiers prioritaires : la situation de la SPACEM, la société d’auteurs et compositeurs locale, que le parquet de Papeete a placé depuis le 25 septembre 2003 sous tutelle d’un administrateur judiciaire. Créée il y a 32 ans, la SPACEM est dirigée par Luc Faatau, qui cumule depuis décembre dernier son poste de délégué avec celui de ministre des affaires foncières du nouveau gouvernement polynésien. Le SPAC a adressé cet été un courrier à Nicolas Sarkozy, lui demandant son soutien « afin que toute la lumière soit faite sur la gestion de la SPACEM » et qu’elle « puisse servir les auteurs polynésiens, car ils sont des milliers à ne plus percevoir aucune rémunération et ceci depuis plusieurs années » écrit Théo Sulpice (les répartitions auraient été bloquées en attendant les résultats d’un audit qui tarde à venir). Un message visiblement entendu à l’Élysée : « C’est avec grande attention que nous allons étudier votre dossier afin de vous aider à pallier les difficultés que vous rencontrez » lui répond Olivier Biancarelli, conseiller pour l’Outre-mer à la Présidence de la République. SOURCE : http://www.reseauglconnection.com/article-12262782.html Luc Faatau est un personnage central dans la triste histoire de la SPACEM. Son passage le marquera. "Le passé judiciaire de Luc Faatau fait partie du passé. Ce qui m'intéresse aujourd'hui, ce sont ses connaissances sur les archipels et le domaine public," dira d’ailleurs le président Edouard Fritch en 2016, alors que Faatau, qui n’a jamais été reconnu coupable de quoi que ce soit, faisait son retour en politique. Né le 20 octobre 1959 à Huahine et père de six enfants, Faatau fût appelé à occuper une fonction ministérielle d’octobre 2004 à février 2005 pendant la période mouvementée du Taui (Le changement, incarné par Oscar Temaru, que soutenait Théo Sulpice) en charge des Affaires foncières et de l’Aménagement du territoire ainsi que de janvier à août 2007 avec les mêmes attributions sous la présidence de Gaston Tong Sang. Issu d’une famille d’agriculteurs (il a seize frères et sœurs), il avait été directeur du Port autonome de Papeete. C’est au terme de deux années passées en tant que technicien au sein du gouvernement Léontieff que les administrateurs de la SPACEM firent appel à lui pour occuper le poste de délégué général, alors vacant. Sous son impulsion, le montant annuel des perceptions passa de 30 à 150 millions de francs Pacifique. Mais des externalités vinrent dès son arrivée impacter négativement sa gestion de la société. Théo Sulpice fût l’un des premiers à dénoncer « L’affaire SPACEM » au début des années 90. Combattif, il mobilisa un mouvement de contestation et alla chercher des appuis auprès de la SACEM. C’est en sa qualité de président du Syndicat polynésien des auteurs compositeurs, par exemple, qu’il rencontra Virginie Marcus du département des affaires internationales de la SACEM pour discuter des détails concernant les droits d’auteur des artistes polynésiens qui vinrent sur le continent en juillet 2011. Cela étant, la SACEM était déjà bien au fait des problèmes de la SPACEM et suivait la situation de près. Elle avait d’ailleurs consigné plusieurs centaines de millions de francs Pacifique dès l’arrivée en poste de Faatau en 2001. 4 Un administrateur judiciaire parisien fût désigné en 2005. Son rapport conclut à l’absence d’opérations de répartition depuis 2001; à l’existence d’une pratique d’acomptes substantiels; et à une gestion comptable défaillante. Les comptes n’étaient plus approuvés depuis 2001. Gildas Lefebvre expliqua, en juin 2008, la situation comme suit : Rien ne va plus pour les créateurs polynésiens, pénalisés par l’imbroglio autour de la SPACEM, la société chargée de percevoir et uploads/Litterature/ l-x27-etonnante-histoire-de-la-sacem-en-polynesie-francaise.pdf

  • 19
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager