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Edmond Albe L'hérésie albigeoise et l'inquisition dans le Quercy In: Revue d'hi

Edmond Albe L'hérésie albigeoise et l'inquisition dans le Quercy In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 1. N°3, 1910. pp. 271-293. Citer ce document / Cite this document : Albe Edmond. L'hérésie albigeoise et l'inquisition dans le Quercy. In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 1. N°3, 1910. pp. 271-293. doi : 10.3406/rhef.1910.1922 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhef_0300-9505_1910_num_1_3_1922 l'hérésie albigeoise 271 L'HÉRÉSIE ALBIGEOISE ET L'INQUISITION EN QUERCY Après avoir raconté, d'après Bernard Gui, la fondation a. Cahors d'un couvent de Dominicains sous les auspices de l'évêque Guillau me de Cardaillac (122G), le bon auteur de Yllistoire des Evêques de- Cahors *, Guillaume Lacroix, fait la réflexion suivante : « Telle fut l'entente de tous nos concitoyens... et de Guillaume deCarvail- lac... pour appeler au plus tôt cet ordre religieux dont la pré sence devait éloigner non seulement tout dommage, mais tout soupçon de l'hérésie albigeoise. Cette espérance ne fut pas déçue : les disciples de saint Dominique déjà établis à Cahors ayant fait une recherche sévère du nombre des hérétiques ne trouvèrent parmi les vivants ni une fibre de cette souche empoisonnée, ni la plus petite étincelle de ce fléau, toute crainte même de conta gion étant éloignée par la puissance du remède appliqué. Ne trou vant aucun hérétique survivant ils furent obligés de sévir contre les morts pour satisfaire à de justes ressentiments et apprendre à la postérité la nécessité d'assoupir ou plutôt d'éteindre les moindres étincelles du mal 2. » L'excellent homme n'avait dû jeter sur Guilhem Pelhisson, le chroniqueur dominicain bien connu, dont il cite quelques lignes à l'appui, qu'un coup d'œil très superficiel. D'autres auteurs presque ses contemporains, qui purent consulter le manuscrit conservé chez les Frères Prêcheurs de Cahors, surent bien y découvrir la mention d'hérétiques vivants, lesquels n'échappèrent *pas tous aux recherches ni même aux sentences des inquisiteurs. Mais la plupart ne semblent pas avoir connu d'autres détails relatifs à l'hérésie albigeoise dans notre pays que ceux qui se trou vent dans les chroniqueurs de la croisade ou dans Pelhisson, en dehors de ce qui se rapporte à quelques confiscations de biens sur des hérétiques. 1. Series et Acta episcoporumcadurcensium... auctore Guillelmo de la Croix, ca- durcensi, in cadurcensium curia patrono. Cadurci, apud J. Dalvy, MDCXXVI. 2. Series, etc., p. 94. Histoire des êvêques de Cahors par G. de L., traduite par L. Ayma, Cahors, 1878, t. i, p. 318. 272 REVUE D'HISTOIRE DE L'ÉGLISE DE FRANCE Les divers travaux publiés sur l'Inquisition toulousaine et l'étude des documents encore inédits, quoique pour la plupart déjà connus, nous permettent aujourd'hui d'être plus complet que nos devanciers et d'apporter une utile contribution à l'étude de cette question, pour notre pays sur lequel les historiens se plaignent d'être imparfaitement renseignés 1. I Je ne remonterai pas, faute de documents, aux hérétiques henriciens, précurseurs de ceux du xme siècle, sinon pour dire qu'ils eurent chez nous d'assez nombreux prosélytes, ce qui explique la présence de l'évêque de Cahors, Géraud, parmi les membres de la mission chargée de prêcher dans les États du comte de Toulouse, d'ailleurs sans grand succès, et la sentence d'excommunication qu'il fulmina, au retour du concile de Lalran, (1179) contre les hérétiques du diocèse et leurs fauteurs 2. La pré occupation de l'hérésie se retrouve jusque dans les actes d'hom mage (pue reçoit l'évêque de ses vassaux. Ainsi en 1202 Guillaume de Gras exige du seigneur d'Espanel, lors de son serment de fidélité, qu'il jure de veiller à ce (pue l'hérésie ne se répande pas dans ses paroisses 3. Guillaume de Cardaillac fera davantage : il prendra rang avec plusieurs barons du Quercy dans l'armée de Simon de Montfort, et reportera l'hommage qu'il devait jadis au comte de Toulouse, pour le comté et la cité de Cahors, au chef delà croisade (20 juin 1211) 4; il obtiendra d'ailleurs la même année du roi de France (octobre 1211) la faveur d'être accepté pour son homme- lige et d'être ainsi déchargé de tout devoir envers le comte de Toulouse. Il ne faut pa* oublier (pie les vassaux du comte de Toul ouse, plusieurs fois excommunié, avaient été relevés du serment de fidélité, que même ses biens avaient été donnés au comte de Montfort. L'évêque de Cahors ne pouvait pas, sans courir le risque d'être excommunié à son tour, rester fidèle à son suzerain. D'ailleurs depuis quelques années le Qxierey avait changé de suze- 1. Mgr Douais, Documents pour servir à l'hist. de l'Inquisition, Paris, 1900, t. i, p. 1A8. 2. G. Lacoste, Hist, gêner, du Quercy, Cahors, 1884, t. n, p. 84-85. 3. Ibid., p. 137 et 140. 4. Bibl., nat., collect. Doat, vol. 120 , f. 3. Archiv. nat.t Trésor des Chartes, J. 890, n. 4. L HERESIE ALBIGEOISE 273 rain plusieurs fois, et à peine quinze ans s'étaient' écoulés depuis qu'il avait fallu, à Cahors même, prêter le serment de fidélité au roi d'Angleterre, Richard Cœur de Lion 1. Ceux qui jugent sévère ment l'évêque de Cahors et ses imitateurs dans leur soumission à Simon de Montfort ou au roi de France oublient aussi que les » hérétiques étaient répandus partout, en très grand nombre 2, et que l'hérésie albigeoise n'était pas seulement une doctrine opposée au Credo de l'Église romaine, mais encore une doctrine destructive de la société et de toute société. Dans le Quercy cette doctrine était surtout répandue dans la partie méridionale du diocèse. C'est là que la guerre fut plus terrible 3, c'est là surtout que s'exerça l'Inquisition. Cependant on voit par les dépositions faites devant l'Inquisi teur P. Cellani qu'il y eut des prédications d'hérétiques d'une part à Martel, de l'autre à Saint- Jean de Laur, près de Cajarc, et, comme l'on trouve des hérétiques à Figeac en 1274, on peut assez raisonnablement conclure qu'il devait y en avoir surtout au temps où leur nombre etleur audace allaient toujours croissant; il est probable aussi qu'il devait y avoir quelques hérétiques parmi ceux qui tenaient le château de Capdenac dont Simon de Montfort dut faire le siège en 1214 4, mais nous n'avons rien de précis sur l'hérésie, ni sur l'inquisition, dans le Haut-Quercy. L'auteur d'une histoire de notre pays, restée manuscrite 5, quoique non sans valeur, le chanoine Salvat, met à l'année 1220 l'établissement d'une association formée à Roc-Amadour sous les auspices de l'évêque de Cahors pour arrêter l'envahissement 1. Ce détail n'est pas dans nos historiens locaux ; il se trouve rapporté dans une enquête de l'année 12'iG, publiée en partie par M. Boutaric dans son recueil d'Arrêts du Parlement, t. r, n. 22. Mais depuis que les rois d'Angleterre étaient devenus ducs de Guienne, voisins et rivaux «les comtes de Toulouse, le Quercy avait changé plusieurs fois de maître. 2. M. Molinier, dans Y Histoire du Languedoc, pense que ce nombre était in fime : M. Luchaire, M. Tanon et d'autres pensent tout le contraire, et leur opinion est appuyée sur les faits. Voir d'ailleurs p. 285. 3. On cite parmi les localités les plus éprouvées: Puy-la-Roque, Caussade, Montpezat, Montalzat, Lesparre près Montpezat et Castelnau, Montcuq, Labar- the près Castelnau, Lolmie, Montdenard, Durfort, Puycornet, Lapenche, Caylus, etc. [Hist, dit Languedoc, Toulouse, t. vi, p. 445). 4. Doat, 125, f. 209, acte de soumission des défenseurs de Capdenac. 5. Bibliothèque municipale de Cahors — écriture très menue et très pénible à lire. ANALECTA, T. I 18 274 REVUE D'HISTOIRE DE l'ÉGLISE DE FRANCE de l'hérésie et protéger les maisons religieuses contre les entre prises des sectaires. Mais il ne donne pas d'autre réféi4rence qu'un fragment des statuts rapporté sans aucune date par Lacroix *. Il est probable qu'il faut identifier cette association avec la confé- * dération qui fut organisée en effet à Roc-Amadour, mais en février 1231, conformément aux décrets du concile de Toulouse, sous la présidence du vicomte de Turenne, et qui avait pour objet d'arrêter non seulement les entreprises des hérétiques mais encore et peut-être surtout, les pilleries des routiers 2. On ne peut pas facilement à ces époques démêler avec précision l'élément religieux de l'élément politique, tant ces deux choses se compénètrent.. C'est ainsi qu'il n'est pas très commode, avec les chroniques, de discerner si les partisans de Raymond VI sont des hérétiques convaincus ou seulement des loyalistes attachés à la fortune des comtes de Toulouse. Il est bien certain que, pour les catholiques du temps, c'était autoriser de graves soupçons que de rester fidèle à un prince révolté contre l'autorité de l'Eglise et de ne pas vouloir reconnaître la sentence qui le frappait. Il est certain aussi que c'est dans la partie du diocèse la plus soumise à Ray mond VI que les hérétiques avaient fait le plus d'adeptes; mais pour les premières années du xme siècle les documents locaux manquent à peu près complètement. On peut se rendre compte de la violence des passions soulevées en se rappelant les ruines accumulées par la guerre dans les régions du Bas-Quercy; mais toutes ces ruines ne furent pas l'œuvre des croisés, et l'histoire de Baudoin, frère de Raymond VI, trahi par des seigneurs de la région de uploads/Litterature/ l-x27-he-re-sie-albigeoise-et-l-x27-inquisition-dans-le-quercy-e-albe.pdf