Tous droits réservés © Département des littératures de l'Université Laval, 1989

Tous droits réservés © Département des littératures de l'Université Laval, 1989 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 04/07/2021 6:11 p.m. Études littéraires L’intertete Mallarmé/Duchamp (exemples) André Gervais Mallarmé : Inscription, Marges, Foisonnement Volume 22, Number 1, été 1989 URI: https://id.erudit.org/iderudit/500889ar DOI: https://doi.org/10.7202/500889ar See table of contents Publisher(s) Département des littératures de l'Université Laval ISSN 0014-214X (print) 1708-9069 (digital) Explore this journal Cite this article Gervais, A. (1989). L’intertete Mallarmé/Duchamp (exemples). Études littéraires, 22(1), 77–90. https://doi.org/10.7202/500889ar Article abstract It is a question of indicating, from the point of view of intertextuality (according to Jean Ricardou and Michael Riffaterre), seven or eight precise and chorage points between some poems and proses of Stéphane Mallarmé and some pictorial (readymades) and literary (notes, aphorisms) works of Marcel Duchamp, French and American artist and anartist of the twentieth century. Which goes to show that, exceeding the friendship between Mallarmé and Manet for example, it necessarily extends beyond both the century and the literary enclosure. L'INTERTEXTE MALLARMÉ/DUCHAMP (EXEMPLES) André Gervais Au fond je considère l'époque contemporaine comme un interrègne pour le poète, qui n'a point à s'y mêler : elle est trop en désuétude et en effervescence préparatoire, pour qu'il y ait autre chose à faire qu'à travailler avec mystère en vue de plus tard ou de jamais et de temps en temps à envoyer aux vivants sa carte de visite, stances ou sonnet, pour n'être point lapidé d'eux, s'ils le soupçonnaient de savoir qu'ils n'ont pas lieu. Stéphane Mallarmé à Paul Verlaine (1885) Il est typique qu'un minimum d'effort suffise à Duchamp pour qu'il ne soit jamais oublié. Il laisse faire, d'ailleurs, et il inspire plutôt qu'il n'agit lui-même et c'est pourquoi, au sens le plus ample du terme, il est un meneur de jeu. Ses manifestations personnelles, depuis trente ans, sont de simples cartes de visite qu'il dépose négligemment çà et là pour rappeler sa présence attentive. Robert Lebel, Sur Marcel Duchamp (1959) • En 1885, on est, mallarméennement parlant, à la veille de deux événements importants : c'est bien en 1886, en effet, que le poète écrit d'une part la première mouture de Crise de vers (où il dit toute l'importance du tout récent vers libre), d'autre part, semble-t-il, les premiers quatrains des Loisirs de la poste (intitulés, lors d'un premier rassemblement en 1892-1893, Récréations postales)l. En 1958, on est, du- champiennement parlant, à la veille, également, de deux événements importants : c'est bien en 1959 que paraîtront finalement d'une part Marchand du sel, première édition des écrits, d'autre part Sur Marcel Duchamp, premier livre sur (et premier catalogue raisonné de) l'œuvre, ces deux titres (dont l'un est le contrepet 1 Les éditions utilisées sont les suivantes : Œuvres complètes, I, Poésies, éd. Cari Paul Barbier et Charles Gordon Millan, Paris, Flammarion, 1983 (édition désignée par l'abréviation Poésies) ; Igitur. Divagations. Un coup de dés, préface d'Yves Bonnefoy, Paris, Gallimard (coll. « Poésie »), 1976. Voir les longues notes relatives à la petite histoire des Récréations postales — comme on disait, à la même époque, « Récréations scientifiques » (rubrique de la Nature, revue alors célèbre) — dans l'éd. Flammarion, pp. 502-504. L'extrait, cité en épigraphe, de la lettre (dite « Autobiographie ») de Mallarmé à Verlaine est dans l'éd. Gallimard, p. 375. Études Littéraires Volume 22 N° 1 Été 1989 ÉTUDES LITTÉRAIRES VOLUME 22 N° 1 ÉTÉ 1989 syllabique de l'autre) formant tel diapason dont la résonance transatlantique s'entendra claire- ment durant les années i9602. Dans les quatrains des Récréations, qui furent peut-être très précisément les premières cartes de visite envoyées, généralement avec indication pressante au facteur, à tel ou telle destinataire ami(e), je vois déjà le lexique duchampien percer, ici et là, par exemple dans : Au fond de Saint-Jammes, Neuilly, Le docteur Fournier n'a d'idée, Songeur, prudent et recueilli, Que de courtiser l'orchidée 3. Ce poème, qui paraîtra en 1920 dans les Vers de circonstance, est contemporain d'une part du célèbre télégramme (« PODE BAL ») envoyé le 1er juin 1921 au beau-frère Jean Crotti, habitant alors à Neuilly, en réponse à une invitation de participer au Salon Dada de Paris, d'autre part de cette étiquette (inscrite « VOUS POUR MOI ? », indication pressante au porteur pris pour destinataire) imprimée à plusieurs exem- 2 Les éditions utilisées sont les suivantes : Ducbamp du signe [ici siglé DDS] — réédition augmentée de Marchand du sel —, éd. Michel Sanouillet et Elmer Peterson, Paris, Flammarion, 1975 ; Marcel Duchamp, Notes [ici siglé N], préf. de Pontus Hulten, éd. et trad. de Paul Matisse, Paris, Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, 1980. Les quelques notes citées ici le sont textuellement, sans aucun sic d'usage. Le livre de Robert Lebel, paru (en 1959, je le rappelle) à Trianon Press à Paris (et en même temps, en traduction, à Londres et à New York), est reparu (sous le titre Marcel Duchamp), dans une version revue et augmentée d'une dizaine de chapitres mais sans les illustrations et le catalogue, dans la coll. « Les dossiers » chez Belfond à Paris en 1985. L'extrait, cité en épigraphe, est dans l'édition Trianon, p. 56. Enfin, quelques analyses, ici reprises, reformulées et réorganisées, sont dans André Gervais : la Raie alitée d'effets. Apropos of Marcel Duchamp [ici abrégé en la Raie], Montréal, Hurtubise H M H (coll. «Brèches»), 1984. 3 Poésies, p. 491. « Saint-Jammes » : sic. 4 J'emprunte l'idée de confronter ces déclarations parce qu'elles contiennent toutes deux la locution «carte de visite » à Chris Hassold : The Possibilités of Chance. A Comparative Study of Stéphane Mallarmé and Marcel Duchamp, Ph. D., The Florida State University Collège of Arts and Sciences, 1972, pp. 153-154. Voir aussi Mary Ann Caws : « Mallarmé and Duchamp : Mirror, Stair, and Gaming Table », dans The Eye in the Text. Essays on Perception, Mannerist to Modem, Princeton, Princeton University Press, 1981, pp. 141-157. On trouve d'autres brèves remarques sur les rapports M. / D. dans Robert Lebel (voir n. 2), pp. 26 et 95-96 ; dans Lawrence Steefel, The Position of Duchamp's « Glass » in the Development of His Art [i960], New York et Londres, Garland Publishing, Inc., 1977, pp. 78, 305-307 et 353 ; dans Octavio Paz, Marcel Duchamp. L'Apparence mise à nu... [1968 pour le premier texte et 1973 pour le second], Paris, Gallimard (coll. « Les essais »), 1977, pp. 17-18 et 80-83. 78 plaires en 1922 et toujours susceptible d'être attachée à un colis, une boîte ou une valise ordinaire ou diplomatique. D'autre part encore, de ce ready-made intitulé L.H.O.O.Q. (1919), qui est une reproduction en couleurs (format carte postale) de la Joconde rectifiée de mous- taches et d'un bouc, et peut-être surtout d'un bref aphorisme (« Orchidée fixe. ») publié en 1924 et sur lequel je reviendrai. On le voit : ces « cartes de visite » 4 ne sont pas nécessairement des «œuvres», mais souvent les bribes d'un métadiscours sur l'œuvre, le travail d'une si- gnature à et de l'œuvre. Tout cela, déjà, pour introduire, à peine. Un jeu déjà biface. * * * Duchamp, né en 1887, lit Mallarmé, dira-t-il en 1966, depuis 1911 : «Je n'étais pas très, très littéraire à ce moment-là. Je lisais un peu, surtout Mallarmé ». En 1946, il dira : « Mallarmé était un grand personnage. Voilà la direction que doit prendre l'art : l'expression intellectuelle, L'INTERTEXTE MALLARMÉ/DUCHAMP plutôt que l'expression animale5. » À cette épo- que (1911-1913), Duchamp, selon les noms qu'il désignera dans ses déclarations à partir de 1946, lit Laforgue (Moralités légendaires et les poèmes), Roussel (Impressions d'Afrique), Paw- lowski (Voyage au pays de la quatrième dimen- sion), Brisset (les Origines humaines), Apolli- naire (Alcools et les Peintres cubistes) et Stirner (l'Unique et sa propriété), au moins 6. S'il lit ces titres dans des éditions parues ces années-là ou depuis le début du siècle, dans quelle édition lit- il, en 1911, Mallarmé ? Est-il possible que ses frères Gaston et Raymond (nés en 1875 et 1876), étudiants en 1894 à Paris en droit et en médecine, et fabriquant alors leur pseudonyme (le premier devenant Jacques Villon, le second Raymond Duchamp-Villon) à partir de leur découverte des Œuvres complètes de Villon d'après les manuscrits et les plus anciennes éditions publiées pour la première fois par Auguste Longnon en 1892, se soient alors procuré l'édition Perrin des Vers et prose de Mallarmé publiée en 1893 ? À moins qu'il s'agisse, plus tard, de l'édition Deman des Poésies, publiée en 1899 ? Pure conjecture, ici, bien sûr. Mais il n'est pas inutile de la faire, s'agissant de tout jeunes artistes qui savent déjà choisir et composer leur nom à partir uploads/Litterature/ l-x27-intertete-mallarm-educhamp 1 .pdf

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