"La crise de la conscience européenne. 1680-1715" de Paul Hazard Publié en 1935
"La crise de la conscience européenne. 1680-1715" de Paul Hazard Publié en 1935, ce livre défendait une thèse – les idées des Lumières sont apparues dès la fin du XVIIe siècle – qui est aujourd’hui devenue un fait établi et reconnu par tous les historiens sous l’expression que l’auteur avait donnée pour titre à son livre : la crise de la conscience européenne. Un livre incontournable. Paul Hazard est un universitaire qui s’est notamment intéressé à l’histoire de la littérature et des idées, en particulier au XVIIIe siècle. Né en 1878 à Noordpeene, dans le Nord, il entre à l’École normale supérieure en 1900 et obtient l’agrégation de lettres en 1903. Il est d’abord nommé professeur à la Sorbonne en 1913, puis, en 1925, à la chaire de littératures modernes et comparées au Collège de France. Sa carrière est couronnée en 1940, lorsqu’il est élu à l’Académie française. Il s’éteint le 12 avril 1944. Sa thèse, La Révolution française et les lettres italiennes, fut publiée en 1910. Il dirigea, avec Joseph Bédier, un médiéviste français, une Histoire illustrée de la littérature française, publiée en 1923-1924. Il fut aussi l’auteur d’une Vie de Stendhal, en 1927. C’est après cette date qu’il consacra ses recherches à la littérature européenne au XVIIIe siècle. En 1935, il publie son fameux ouvrage, La Crise de la conscience européenne. 1680-1715, qui est un succès immédiat et prolongé, dépassant largement le cadre des historiens de la littérature. Il a enfin écrit La Pensée européenne au XVIIIe siècle, qui fut publiée après sa mort, en 1946. Remise en cause de l’âge classique Dans la préface, l’auteur oppose le XVIIe et le XVIIIe siècle : « La majorité des Français pensait comme Bossuet ; tout d’un coup, les Français pensent comme Voltaire : c’est une révolution. » C’est à cette révolution que Paul Hazard veut s’intéresser dans son livre. En parlant de l’esprit du XVIIIe siècle, l’auteur écrit encore : « Nous avons voulu montrer, précisément, que ses caractères essentiels se sont manifestés beaucoup plus tôt qu’on ne croit d’ordinaire ; qu’on le trouve tout formé à l’époque où Louis XIV était encore dans sa force brillante et rayonnante ; qu’à peu près toutes les idées qui ont paru révolutionnaires vers 1760, ou même vers 1789, s’étaient exprimées déjà vers 1680. » C’est ainsi que l’écrivain d’art Louis Gillet a pu écrire, à propos du livre de Paul Hazard : « plus de trente ans avant la mort de Louis XIV, toutes les idées de la Régence, celles de Montesquieu, de Voltaire, de Diderot, sont prêtes : la Révolution est faite. » Quatre parties divisent le livre. La première s’intéresse aux « grands changements psychologiques ». Cinq chapitres la composent. Le premier s’appelle « De la stabilité au mouvement ». Il est introduit par la phrase de Pascal : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre. » L’âge classique se caractérisait par la stabilité, c’est-à-dire par la peur des surprises, la crainte des remises en cause. Mais, à la fin du XVIIe siècle le goût des voyages en Europe s’étend : Italie, France, Allemagne, Angleterre… Les voyages lointains, hors d’Europe, contribuent également à la mise en mouvement, à rompre la stabilité. Ces voyages ont une conséquence importante du point de vue des idées : ils donnent une leçon de relativité. En voyageant, on peut comparer les mœurs, les religions, les philosophies, les principes et, du coup, il est possible de douter, parce que l’on se pose des questions : « Qui a raison ? qui a tort ? » Le chapitre deux s’intitule « De l’ancien au moderne ». Paul Hazard part de la querelle des Anciens et des Modernes, qui voit les seconds dénoncer le culte de l’antiquité, la valorisation du passé, et préférer à ce dernier le présent. Il explique que ce doute envers le passé vient du fait que l’histoire est fausse. L’histoire moderne, l’histoire romaine, l’histoire grecque ne sont que des charlataneries. « Aujourd’hui, l’heure du doute est venue » note l’auteur. « On acquiert cette triste sagesse, qui consiste à savoir qu’on ne sait rien. » Même la Bible est mise en doute, par le biais de la chronologie. Le constat s’impose : l’histoire est « un amas de fables […] et ensuite un amas d’erreurs ». Dans le troisième chapitre, « Du Midi au Nord », l’auteur explique que l’hégémonie intellectuelle de la France en Europe est concurrencée par une puissance du nord, l’Angleterre. Cela est du, en particulier, à l’exil des protestants, chassés de France après la révocation de l’édit de Nantes en 1685 et qui traduisent les œuvres d’auteurs anglais. Mais la Hollande aussi joue un rôle international : des protestants persécutés y trouvent refuge et y créent des journaux. « Hétérodoxie » est le titre du quatrième chapitre. L’anticonformisme est véhiculé par les gazettes françaises de Hollande, pays qui imprime à tour de bras, notamment les ouvrages que l’on censure dans les autres pays. La Hollande, mais aussi la Suisse, et l’Angleterre sont les pays des esprits libres. L’auteur montre que le non conformisme a pour conséquence l’émiettement des sectes, puisque chacun est libre de penser à sa guise et qu’aucune autorité, pas même protestante, ne peut décréter ce qu’il faut penser. Paul Hazard prend l’exemple du socinianisme, qui préconise une approche rationnelle de la Bible. On doute, on ne fait plus confiance à l’autorité : « Le temps de l’hétérodoxie est venu. » Celui de Pierre Bayle aussi, qui est l’objet du chapitre suivant. Paul Hazard résume ainsi la pensée de Bayle : « ne rien accepter, sans un jugement préalable de son propre tribunal. » Bayle défend la raison, qui est incompatible avec la religion. Il oppose les « religionnaires » aux « rationaux », dont il fait partie. Ainsi, dans sa première partie, Paul Hazard montrait que la stabilité voulue par l’âge classique était menacée par de grands changements psychologiques dus aux voyages, aux doutes sur l’histoire, aux hétérodoxies… Les « rationaux » détruisent… pour mieux reconstruire Aussi, l’auteur expose les luttes « contre les croyances traditionnelles », titre de sa deuxième partie. Un premier chapitre est consacré aux rationaux. Ces derniers « accouraient à [l’]appel » de la raison. Ce sont les libertins, qui revendiquent la liberté de l’esprit et des sens. C’est aussi la diffusion du cartésianisme, c’est-à-dire la confiance dans la raison. C’est Malebranche, à la fois chrétien et cartésien. C’est Spinoza, qui pense que la démocratie est la forme la plus rapprochée du droit de nature. C’est encore Toland, qui est « ivre de raison », selon la belle expression d’Hazard, et qui affirme que la croyance en l’immortalité de l’âme n’est pas seulement chrétienne mais païenne. Bref, comme le note l’auteur, « elle ne s’arrête plus, cette raison déchaînée ». Puis, dans les chapitres suivants, Paul Hazard énumère ce contre quoi les rationaux se battent. D’abord, contre les miracles (« La négation du miracle », chapitre deux), dans la mesure où ces derniers consistent en une violation des lois de la nature : « Le miracle répugne à la raison » écrit l’auteur. Ensuite, contre l’Écriture sainte, considérée comme l’autorité suprême (« Richard Simon et l’exégèse biblique », chapitre trois). Dans son Histoire critique du Vieux Testament, Richard Simon explique que la critique refuse l’a priori. Et il soumet la Bible à l’examen, comme n’importe quel texte profane. Bossuet est l’objet du quatrième chapitre dans la mesure où il est le représentant « d’une tradition de toutes parts attaquée ». Il est inquiété par Spinoza, Malebranche, Ellies du Pin, les chronologistes… Enfin, le cinquième chapitre s’intitule « Leibniz et la faillite de l’union des Eglises ». Leibniz souhaite réunir l’Europe divisée depuis la Réforme en opérant le rapprochement entre protestants et catholiques. Mais il échoue et les « ennemis du christianisme se réjouissent et triomphent » note Paul Hazard. L’autorité, donc, ne vaut plus. Dans cette lutte contre les croyances traditionnelles, « on a substitué un signe négatif au signe positif ; et quand meurt Louis XIV, la substitution paraît accomplie ». C’est un véritable travail de démolition qui a eu lieu. Mais, ajoute l’auteur, « l’Europe n’aime pas les ruines » et les rationaux vont reconstruire. C’est pourquoi la troisième partie s’intitule « Essai de reconstruction ». Le premier chapitre est consacré à « l’empirisme de Locke ». À une époque où l’on doute, où l’on remet tout en cause, Locke donne une certitude : le fait psychologique. Dans son fameux Essai concernant l’entendement humain, publié en 1690, il rebâtit une morale qui possède un caractère de certitude car elle dépend des réalité psychologiques. Le deuxième chapitre de la partie s’intéresse au déisme et à la religion naturelle. Après avoir insisté sur les caractères négatifs du déisme (suppression de la contrainte, de l’autorité, de la valeur de l’Ecriture sainte, rejet de l’intervention divine dans le cours des choses humaines), l’auteur expose ses caractères positifs. Le déisme, uploads/Litterature/ la-crise-de-la-conscience-europeenne.pdf
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- Publié le Oct 08, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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