1 La France du dix-huitième siècle est pour plusieurs synonyme de jeux de pouvo
1 La France du dix-huitième siècle est pour plusieurs synonyme de jeux de pouvoirs au sein de la cour du monarque, avec comme préoccupations de grands enjeux tels la colonisation de l'Amérique. Mais au-delà de la cour du roi, dans ce même empire monarchique et catholique, se menait ce que l'on pourrait qualifier de révolte littéraire. De nombreux penseurs maniaient la plume pour défendre un idéal de tolérance et d'égalité: L'Idéal des Lumières[1]. Deux d'entre eux ont marqué la littérature par la force de leurs critiques: Il s'agit de Voltaire, direct et acerbe dans son écriture, et de Montesquieu, exprimant ses idées d'une façon plus subtile et astucieuse. Tous deux ont composé une critique sociale en adoptant le concept de récit de voyage, populaire au sein de la France avide de terres nouvelles. Voltaire a écrit L'Ingénu (1767), un conte aux semblants naïfs où un Huron vit une histoire d'amour tragique, tachée par les excès des ecclésiastes. Montesquieu a rédigé lesLettres persanes (1721), roman épistolaire dans lequel deux Persans visitent la France et jettent un regard critique sur la société occidentale, comparant la France à la Perse tout en y décelant les vices des administrations religieuses, monarchique et législatives de la France. Ces deux œuvres, issues du même contexte social et religieux, ont toutes deux été influencées par l’arrivée du récit de voyage en littérature et ont toutes deux fortement critiqué et ce, de façon comparable, la monarchie et ses princes, ainsi que les institutions religieuses. 1. Le voyage et son influence sur la littérature La France du siècle des Lumières était à son sommet en tant qu’empire colonisateur. De nombreux bateaux partaient constamment pour l’Amérique et les autres colonies françaises. Ce climat, qui poussait la population à s’ouvrir sur le monde et à constater son étendue, était propice à la création d’un nouveau genre de littérature : le récit de voyage. Acquérant une multiplicité de formes et étant difficile à définir, le récit dit « de voyage » était un genre hybride aux formes élastiques qui s’adaptait à la volonté de l’écrivain[2]. Au départ intimement lié aux explorateurs et àleurs observations de milieux nouveaux, le récit de voyage est devenu très populaire auprès des auteurs, qui ont décidé de l’employer avec une certaine liberté pour décrire des voyages qui n’ont jamais eu lieu, et qui sont donc de nature fictive. L’intérêt des auteurs du Siècle des Lumières pour le récit de voyage provient de la crédibilité inhérente à ce type de récits. En effet, le récit de voyage a pour réputation de présenter des observations, des faits tangibles et donc des éléments cohérents et indisputables. Des auteurs tels Montesquieu et Voltaire emploient ainsi la thématique du voyage pour offrir à leurs œuvres un élément de crédibilité supplémentaire pour soutenir les propos de leurs critiques sociales. 2. La nature corrompue des hauts-placés La société française de l’époque du Siècle des Lumières était une des sociétés les plus fermées et les plus inégales. En effet, la majeure partie de la population vivait dans des conditions peu enviables, habitant dans de modestes demeures et s’échinant à un emploi qui leur permettait de survivre, sans jamais accumuler de fortune personnelle. Au-delà de la classe populaire, il y avait les marchands et artisans, et au sommet de la pyramide sociale se trouvait la noblesse, l’élite sociale de la France. Ces nobles, tantôt fiévreux courtisans, tantôt ennemis exécrés, cherchaient sans cesse à accroître leur pouvoir et leur influence pour se rapprocher en importance de la couronne française et courtiser le roi. Pour assouvir leurs ambitions, les membres de la noblesse ne cessaient d’acheter des faveurs auprès des individus occupant des postes important, dans l’espoir d’accroître leurs influences. Il n’était pas rare qu’un quelconque législateur fut à la solde d’un noble, accordant à ce dernier une influence 2 considérable sur le secteur que le législateur supervisait, ainsi qu’une certaine immunité politique. La corruption et l’achat de faveurs étaient donc choses courantes. Dans un tel contexte, les penseurs des Lumières, dont plusieurs étaient de rang noble, s’attaquaient avec force à la noblesse française et la législature qu’elle avait corrompue de part et d’autres[3]. 2.1 Opinion d’un Persan au sujet de la législature française Les échelons sociaux en France au courant du 18ième siècle étaient fermés sur eux- mêmes. C’est-à-dire qu’il était pratiquement impossible de gravir ces échelons et de naître paysan pour un jour devenir noble. Cette séparation des classes sociales étaient en bonne partie la conséquence d’un isolement du pouvoir, qui se transmettait d’amis en amis ou par la famille : il n’était pas rare qu’un fils hérite des richesses de son père, même s’il en était indigne. Cet isolement du pouvoir ne plaisait pas à Montesquieu, qui observait des individus suspects acquérir un pouvoir qu’ils ne méritaient pas : « Ici (en France), il y a des gens qui sont grands par leur naissance; mais ils sont sans crédits. Les rois font comme ces ouvriers habiles qui, pour exécuter leurs ouvrages, se servent toujours des machines les plus simples[4] ». Ces mots d’Usbek le Persan témoignent de l’ampleur de la critique faite à la monarchie dans les Lettres persanes de Montesquieu. Ici, Usbek ne se contente pas de comparer le roi à un ouvrier et son entourage à des machines simplistes. L’auteur donne ainsi au législateur un caractère simple, grossier et marqué par les préjugés. Il réduit les législateurs à des outils qui, entre eux, s’utilisent pour atteindre leurs buts. Il y critique la façon qu’a le pouvoir de se transmettre de pères en fils, d’amis en amis aux rythmes des faveurs et redevances, au détriment de la vraie valeur des hommes : « La plupart des législateurs ont été des hommes bornés, que le hasard a mis à la tête des autres, et qui n’ont presque consulté que leurs préjugés et leurs fantaisies [5]». Ce genre de pratique a pour but de laisser perpétuellement entre les mêmes mains les rênes du pouvoir en faisant fi de la logique qui dicterait de choisir un chef selon ses compétences, et non la qualité de sa naissance. Cette pratique malsaine n’est, selon Montesquieu, pas limitée aux hautes sphères de la monarchie, mais à la majorité des sphères législatives de la société française. C’est ce partage de pouvoir selon les amitiés qui est la cause de la corruption de la majorité des sphères de la société française. Ainsi, Montesquieu s’attaque à l’ensemble de la société en ciblant un mal qui corrompt l’entièreté de la société française. Ces critiques d’ensemble reviennent périodiquement chez Montesquieu qui, lorsqu’il aborde un sujet en particulier, s’assure de jeter un regard sur plus d’une société et ce, qu’il critique la corruption chez les législateurs ou bien la religion. Pour Montesquieu, la démarche à suivre pour guérir la société française de la corruption commence par la séparation des pouvoirs. Les intérêts des religieux ne devraient en aucun cas influencer la succession d’un roi ou d’un quelconque législateur. Il en va de même entre le roi et ses législateurs, et vice-versa. L’intérêt des pouvoirs supérieurs à se mêler des affaires de pouvoirs moins importants ne fait que centraliser le pouvoir vers l’État ou l’Église et réduit l’influence des autres législateurs. Il va sans dire qu’une telle centralisation des pouvoirs n’est pas représentative du désir du peuple, et c’est pour cela que Montesquieu reproche aux hauts-placés de la société (souvent appelés les princes) leurs ambitions[6]. 2.2 Le Huron et la corruption Voltaire, en tant que grand défenseur de l’équité et de la justice, a toujours eu à l’égard des législateurs un mépris farouche. À travers L’Ingénu, il s’attaque avec humour aux différents législateurs du roi de France, assignant aux serviteurs de la couronne des traits de 3 caractères et des défauts qui les définissent entièrement. Un exemple éloquent est présent à travers le personnage du bailli qui, en rencontrant le Huron peu après son arrivée chez le prieur de Notre-Dame de la Montagne, n’a de cesse de questionner le nouvel arrivant, outrepassant les limites de la politesse : « L’impitoyable bailli, qui ne pouvait réprimer sa fureur de questionner, poussa enfin la curiosité jusqu’à s’informer de quelle religion était M. le Huron »[7]. Sa curiosité, associée à des termes violents tels « la fureur » et « impitoyable », dévoile le désir du représentant du roi de savoir tout au sujet de tout le monde, ainsi que sa couardise : il ne peut effectivement rien faire de plus menaçant que poser des questions et utiliser sa position auprès des autres législateurs du roi pour influencer les autres. Voltaire ne se limite pas à critiquer les baillis, s’attaquant ouvertement à la nature distante des législateurs et autres princes, sans oublier le roi. Le Huron, s’étant rendu à Versailles dans l’espoir de pouvoir parler au roi, aura en effet la mauvaise surprise de ne pas rencontrer celui-ci ni même ceux qui servent directement sous lui car les gens d’État sont inaccessibles, absents, et peu intéressés par les préoccupations du peuple. La quête de l’Ingénu, perçue comme noble, attire immanquablement uploads/Litterature/ la-france-du-dix-lettres-persnes.pdf
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- Publié le Jul 08, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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