La lisibilité dans un texte littéraire à l’aide du Français Fondamental : l’exe
La lisibilité dans un texte littéraire à l’aide du Français Fondamental : l’exemple de Pierre et Jean de Guy de Maupassant et de Les Frères Zemganno d’Edmond de Goncourt. Maria CERULLO Université « L’Orientale » de Naples La lisibilité d’un texte littéraire est sûrement due à son degré de compréhension. Un texte très compréhensible a la caractéristique de « l’écriture claire ». À cet égard Tullio De Mauro, l’un des plus célèbres linguistes italiens, affirme que « les mots sont faits pour être compris avant même d’être lus. Celui qui ne se fait pas comprendre enfreint la liberté de parole de ses auditeurs. Il est mal élevé quand il parle en privé. C’est encore pire s’il est journaliste, enseignant, fonctionnaire public, élu du peuple. Ceux qui occupent des fonctions publiques ont le devoir constitutionnel de se faire comprendre. »1 Le chercheur américain Rudolph Flesch fut le premier à affirmer en 1946 que la lisibilité peut être mesurable2. Aujourd’hui, il existe beaucoup de programmes multimédias capables de vérifier la lisibilité d’un texte en analysant le lexique, mais la méthode la plus efficace pour déterminer, dans un texte en langue française, l’emploi du mot, sa structure et sa modernité, reste, à notre avis, le Français Fondamental de G. Gougenheim3. Au 74e Congrès de l’Acfas, Y. Bordet affirme : Le niveau culturel d’une personne se traduit notamment par les niveaux de langue. Mais on aurait tort de penser que le niveau de langue se traduit seulement par le vocabulaire. En fait, bien d’autres éléments interviennent pour « marquer » le niveau culturel ou social d’une personne : attitude, accent, posture, regard, etc. De plus, le français littéraire des différents siècles depuis le Moyen Âge n’a pas subi autant de modifications qu’on pourrait le penser. C’est ce que nous allons montrer en comparant les textes de différentes époques par rapport au Français Fondamental « Gougenheim », au Français Fondamental 1er degré, au Français Fondamental 2e degré notamment. Le Français Fondamental Littéraire (FFL) est une liste de 1650 mots français que j’ai constituée. Elle a été établie essentiellement à partir du Français Fondamental. Par ailleurs, j’ai également constitué un corpus de 40 textes français d’une page, choisis dans des anthologies scolaires, allant du Moyen Âge à nos jours, tous les textes en étant écrits en orthographe moderne. 1 Cf. T. De Mauro, Prefazione in Guida all’uso delle parole, Roma, Editori Riuniti, 1980. 2 Sa méthode pour mesurer la lisibilité fut nommée « Index de Flesch ». La formule est: F = 206 – (0,6 * S) – P. Le nombre 206 est une constante qui sert à tenir les valeurs finales de l’application de la formule entre 0 et 100. Plus la valeur numérique est haute plus le texte est lisible. Le nombre 0,6 est une constante relative à la longueur moyenne des mots. S est le nombre de syllabes contenues dans un échantillon de 100 mots. P est le nombre moyen de mots par phrases présentes dans un échantillon de 100 mots. Pour calculer la lisibilité d’un texte, il faut faire un nombre d’échantillons proportionné à la longueur du texte même. La formule de Flesch a été adoptée aux textes en langue italienne par Roberto Vacca. Sur la base de cette formule, un texte peut être considéré à haute lisibilité, si sa valeur numérique est plus de 60 ; à moyenne lisibilité, si sa valeur numérique est entre 50-60 ; à basse lisibilité, si sa valeur numérique est moins de 40, mais il existe d’autres index de lisibilité, par exemple celui de Gulpease, capable de mesurer non seulement la lisibilité d’un texte, mais aussi les différents niveaux de scolarisation nécessaires pour comprendre un certain texte. 3 La première édition du Dictionnaire fondamental de la langue française (3500 mots) de G. Gougenheim est de 1958, éd. Didier. 2 Les textes du Moyen Âge sont des traductions en français moderne. Il est trop tôt et le corpus étudié trop limité pour en tirer des interprétations. Toutefois, on peut penser que le style est plus important que le vocabulaire et que les « mots-outils » et leur utilisation ont une part importante dans le style4. Donc, écrire avec des mots simples, employer un langage quotidien ne signifie pas qu’il s’agit d’un écrivain pas assez original, mais c’est la place de ce mot et son emploi dans cette phrase qui peuvent déterminer son originalité. Le rapport entre la visibilité et la lisibilité favorise la facilité et la rapidité de la lecture. Un signe connu est plus lisible qu’un signe inconnu et le lecteur a tout de suite une compréhension de l’ensemble, il comprend plus rapidement le sujet du texte et l’essentiel de son contenu. Cette démarche structurale permet de faire des opérations cognitives et langagières menant le lecteur à l’interprétation globale du texte. On peut donc dire que l’écriture est liée à la lecture par le lien de la contextualité structurale. La phrase simple est la mieux comprise si nous considérons que la compréhension, lors de la première lecture d’un texte, est due à notre capacité de mémoriser les informations; il s’agit d’une mémoire immédiate qui nous permet la compréhension de l’idée : Beaucoup d’adultes ou d’enfants comprennent lentement ce qu’ils lisent, non que les concepts soient trop difficiles ou que la motivation et le skill fassent défaut, mais seulement à cause de la complexité de la syntaxe et de la difficulté du vocabulaire utilisé5. Pour un linguiste, l’importance d’un « Dictionnaire fondamental » consiste à connaître d’avance les difficultés d’un texte et à en estimer la lisibilité sans la vérifier par l’expérience du destinataire.6 Ce travail7, visant à une étude sur la lisibilité de deux textes littéraires, a l’intention de montrer les résultats de cette analyse et ses applications pratiques. Le point de départ de ce travail est l’affirmation de Maupassant dans le Roman : « On peut traduire et indiquer les choses les plus subtiles en appliquant ce vers de Boileau : D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir. Il n’est point besoin du vocabulaire bizarre, compliqué, nombreux et chinois qu’on nous impose aujourd’hui sous le nom d’écriture artiste, pour fixer toutes les nuances de la pensée ; mais il faut discerner avec une extrême lucidité toutes les modifications de la valeur d’un mot suivant la place qu’il occupe. Ayons moins de noms, de verbes et d’adjectifs au sens presque insaisissable, mais plus de phrases différentes, diversement construites, ingénieusement coupées, pleines de sonorité et de rythme savants. Efforçons-nous d’être des stylistes excellents plutôt que des collectionneurs de termes rares. 4 Y. Bordet, Étude de la liste. Français fondamental littéraire (FFL), 74e Congrès de l’Acfas. 5 G. Henry, Comment mesurer la lisibilité, Bruxelles, Éditions Labor, 1987, pp. 11-12. 6 D’un point de vue didactique, le « Dictionnaire fondamental » peut être employé pour estimer la difficulté linguistique des manuels scolaires de langue étrangère. En appliquant le principe de la lisibilité, l’enseignant pourra classer les matériaux didactiques en formulaires, avec les activités écrites et orales de difficulté croissante, à travers lesquelles l’étudiant sera capable d’améliorer ses compétences langagières et son apprentissage. 7 La recherche lexicale pour mesurer la lisibilité des textes en question est le résultat du Séminaire de Langue Française sur « La lisibilité d’un texte littéraire : le Français Fondamental dans la littérature » dirigé par Maria Cerullo en 2006-2007 pour les étudiants du Master (« Laurea Specialistica ») de l’Université de Naples « L’Orientale » – Faculté de Lettres et de Philosophie. 3 [...] La langue française, d’ailleurs, est une eau pure que les écrivains maniérés n’ont jamais pu et ne pourront jamais troubler. [...] La nature de cette langue est d’être claire, logique et nerveuse. Elle ne se laisse pas affaiblir, obscurcir ou corrompre. »8 Alors, voici notre question : Combien de Français Fondamental y a-t-il dans l’œuvre Pierre et Jean de Maupassant ? Pour donner des preuves exhaustives nous avons orienté notre recherche sur l’analyse de certaines catégories grammaticales : substantifs, verbes, adjectifs (qualificatifs, démonstratifs, numéraux, possessifs, indéfinis) et adverbes selon leur appartenance au Français Fondamental 1er degré ou Français Fondamental 2e degré. Sous le terme « Autre » sont classés les mots non compris dans le F.F.1 et dans le F.F.2. De l’analyse des substantifs présents dans le texte on relève, en majorité, des mots appartenant au Français Fondamental. Il y a 5.537 mots sur un total global de 7.357 dont 4.128 sont des mots du F.F.1 et 1.409 du F.F.2. Il y a seulement 5 mots étrangers dans le texte. La plupart des mots employés dans le texte font partie du F.F.1 et ils sont classés ainsi : Mots relatifs à des liens familiaux et à des personnes : ami, enfant, famille, femme, fils, frère, garçon, homme, maman, mari, mère, père ; Mots relatifs aux parties du corps : bouche, bras, cœur, corps, doigt, joue, lèvres, main, œil, pied, tête ; Mots relatifs à la maison et aux objets du quotidien : chambre, lit, maison, porte, table, verre ; Mots relatifs au milieu environnant : uploads/Litterature/ la-lisibilitedansuntextelitteraire-maria-cerullo.pdf
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- Publié le Fev 01, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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