LA MÉTALANGUE DE LA STYLISTIQUE : LE CAS DU CORAN Hedi Jatlaoui Presses univers

LA MÉTALANGUE DE LA STYLISTIQUE : LE CAS DU CORAN Hedi Jatlaoui Presses universitaires de Caen | « Syntaxe et Sémantique » 2006/1 N° 7 | pages 181 à 190 ISSN 1623-6742 ISBN 9782841333004 DOI 10.3917/ss.007.0181 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-syntaxe-et-semantique-2006-1-page-181.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses universitaires de Caen. © Presses universitaires de Caen. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Nous avons choisi ici l’exemple du Coran, dont la démarche métalinguistique nous a semblé pertinente à plus d’un titre. En effet, le Coran, en se présentant comme un produit textuel hors norme, a dû, pour se démarquer des genres d’écriture de l’époque, et de la poésie en particulier, employer de nouvelles appellations pour désigner les éléments qui forment sa structure, les fondements qui constituent sa législation et le comportement qui qualifie les différents protagonistes sur le terrain religieux. Le Coran adopte une stratégie qui lui est spécifique et que l’on peut considérer comme un trait stylistique révélateur de ses dimensions créative et interprétative. Summary : This study proposes a reflexion about the metalanguage used in Arabic, as required in creation and development of knowledge. Showing itself as an exceptional textual product, the Koran had to differentiate from literary styles of the time, mainly from poetry, to employ new words to designate its structure, give a foundation to its legislation, and counsel behaviour of protagonists in the religious field. The Koran adopts a specific strategy that we can consider as a stylistic feature revealing its creative and interpretational dimension. L’histoire nous rapporte que la culture arabe a toujours été une culture d’ouverture et que, depuis les origines, la langue arabe a mis en place les dispositifs linguistiques nécessaires pour accueillir et inté- grer toutes les nouveautés culturelles, conceptuelles et scientifiques qui se sont présentées. L’arabe préislamique et la langue du coran abondent, déjà, d’un lexique étranger (A’jami) qui n’a cessé de s’étendre au fur et à mesure que les Arabes s’installaient dans la sédentarité. Il faut, cepen- dant, reconnaître que la question de la métalangue et de la terminolo- gie dans la civilisation arabe a connu deux grands moments historiques, ancien et contemporain, où il était toujours question de transfert du savoir et d’accès à la modernité. Le premier grand tournant se situe au VIII e et IX e siècle après J.C. Il fallait, alors, traduire les grandes œuvres grecques, persanes, romaines, etc. Le deuxième grand tournant, qui se met en place à la fin du XIX e siècle et qui se prolonge jusqu’à nos jours vise à participer à une sorte de renaissance. © Presses universitaires de Caen | Téléchargé le 01/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 85.27.35.229) © Presses universitaires de Caen | Téléchargé le 01/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 85.27.35.229) HEDI JATLAOUI — 182 — La question terminologique en arabe est abordée sous trois angles : – l’arabisation du terme étranger, en agissant sur sa structure pho- nétique et morphologique pour l’intégrer dans la structure arabe; – la traduction du terme emprunté ; – la création d’un néologisme à partir de la dérivation d’une racine arabe ; cette troisième procédure est la technique utilisée essen- tiellement dans les sciences arabes issues des sciences religieuses musulmanes conçues au départ pour servir à l’étude de ces der- nières, mais qui ont fini par acquérir leur autonomie; c’est le cas des sciences du langage, de la rhétorique, de la critique littéraire… L’un des exemples les plus intéressants de l’usage particulier de la métalangue est celui du Coran. Cet exemple est pertinent à plus d’un titre : c’est un texte sacré, qui, contrairement à l’usage, porte en lui sa propre métalangue. C’est un texte qui se démarque de son contexte religieux sur le plan du contenu, et de son contexte linguistique sur le plan de la forme. Une métalangue à l’intérieur même du texte lui était indispensable pour afficher son caractère hors norme. Nous étudierons la démarche adoptée par le Coran pour choisir sa métalangue, et nous dégagerons les différentes fonctions dont cette métalangue a été chargée pour mettre en place un nouveau système de gestion du monde. 1. La métalangue relative au genre textuel La description du Coran, la présentation de ses différents aspects et des débats qui en découlent ont fait l’objet d’une nouvelle branche du savoir appelée sciences coraniques (du Coran) (әulu :m-lqurБϪ :n). L’un des chapitres de base des ouvrages de cette discipline traite de la dénomination des parties constitutives du Coran. 1.1. Le terme de kur’a ¯n Le lecteur avisé est censé deviner, sans que cela lui soit signifié ex- plicitement, que le Coran est un genre à part. Ce n’est ni de la prose ni de la poésie, c’est une composition hors norme, non humaine, surhu- maine, inimitable et sacrée. Cela se manifeste, entre autres, par un système terminologique spécifique, qui se définit comme tel: kur’a ¯n (le Coran - ), mot cité 70 fois dans le Coran. Ce terme de Kur’a ¯n semble être un néologisme : El Djahez déclare 1 que Dieu a donné à son texte révélé le nom de Kur’a ¯n. Ce nom n’existait pas avant que Dieu ne l’ait 1. © Presses universitaires de Caen | Téléchargé le 01/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 85.27.35.229) © Presses universitaires de Caen | Téléchargé le 01/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 85.27.35.229) LA MÉTALANGUE DE LA STYLISTIQUE : LE CAS DU CORAN — 183 — utilisé. Les commentateurs étaient partagés quant à la racine de ce schème et à sa signification. Il peut être un nom non dérivé pour signifier la parole de Dieu, comme c’est le cas de l’Évangile, comme il peut dériver de Kara’a pour signifier « la lecture » ou de Karaya pour signifier «la collecte» ( ) (AlZAmә), ou de Karana pour signifier aussi «la collecte» et «le regroupement» (Azzarkachi, mort 794/h. in Al Burha ¯n T.1 p. 343, Beiyru ¯t 1988). Le Coran est appelé aussi al Kita ¯b, « le livre ». Le terme de Kita ¯b souligne le caractère écrit du texte par opposition à Kur’a ¯n qui met l’accent sur le caractère oral et récité du texte. Le terme Al Kita ¯b, bien qu’il désigne le Coran en premier lieu, a quelquefois (31 occurrences sur 230) désigné les religions monothéistes précédentes en employant l’expression: (БϪhlu-lkitϪ:b) («les hommes du livre») comme pour rappeler une continuité dans la révélation divine. (En plus de ces deux termes consacrés les savants citent 55 autres appellations du coran extraites du Coran qui ne sont d’une manière ou d’autre que des qualificatifs de Ku’ra ¯n ou du Kita ¯b). 1.2. Le terme de sourate Au deuxième niveau se situe la Sourate. Le Coran est composé de 114 sourates selon le décompte le plus certifié. Le terme étant corani- que, il désigne les parties constitutives du corpus, mais les musulmans n’ont pas pu s’accorder sur l’origine du mot Sourate, ni sur la relation à établir entre le sens étymologique et le sens terminologique. Ainsi la Sourate peut dériver de Su’rat, c’est-à-dire le morceau ou la partie d’un tout, ou bien de su:r («muraille») qui fait du Coran, par métaphore, une muraille dont la Sourate est une pierre ou une partie ; elle peut avoir comme origine Sawara («monter» et «escalader»); dans ce cas, le Coran serait une tour et la sourate un niveau ou un étage qui, tout en étant indépendant, constitue un maillon dans la chaîne coranique, mettant en évidence une harmonie dans la progression et l’enchaînement entre les morceaux révélés le long des 23 années de révélation. La Sourate peut enfin exprimer la qualité d’un édifice haut, grand et beau. Dans ce cas, le terme prend la valeur d’un qualificatif axiologique. Il est évident que, dans la démarche des exégètes, la comparaison entre la Sourate et la muraille est dominante. 1.3. Le terme de’ ¯ aya-(t) : « verset » La ’aya-(t) est à la Sourate ce que la Sourate est au Coran. La ’a ¯yat est une unité textuelle qui entre dans la composition de uploads/Litterature/ la-metalangue-de-la-stylistique-le-cas-du-coran.pdf

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