LA NORME LINGUISTIQUE DANS LE DICTIONNAIRE DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE Henriette Wa

LA NORME LINGUISTIQUE DANS LE DICTIONNAIRE DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE Henriette Walter Presses Universitaires de France | « La linguistique » 2016/1 Vol. 52 | pages 55 à 68 ISSN 0075-966X ISBN 9782130733935 DOI 10.3917/ling.521.0055 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-la-linguistique-2016-1-page-55.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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A first glance on the word list of the entries bears witness of the desire to exclude from it cer- tain categories of words : rare or obsolete vocabulary, words of regional usage and also technical terms - the latter having been published in another dictionary, by Thomas Corneille, as a complement to the Dictionnaire de l’Académie. We can also notice that Grammatical remarks are few, whereas some precise comments can be found here and there about most favourite pronunciations. En partant de la définition de la norme linguistique conçue comme un ensemble de règles fondées sur les usages considérés comme des modèles à suivre, on peut dire que la notion d’une norme pour la langue française date en prin- cipe du début du xviie siècle, avec la création de l’Académie française. I. L’Académie française Après le xvie siècle, qui avait été caractérisé par un foi- sonnement lexical sans précédent, mais parfois jugé excessif, l’Académie française, créée en 1635, sera dotée d’une mission précise, exprimée de la manière suivante à l’article 24 de ses Statuts : « La principale fonction de l’Académie sera de travail- ler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences » (Statuts, 1635). LA NORME LINGUISTIQUE DANS LE DICTIONNAIRE DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE par Henriette Walter 26, rue de Clichy 75009 Paris henriettewalter@neuf.fr © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 20/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 31.179.183.194) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 20/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 31.179.183.194) 56 Henriette Walter Mais le flou entourant cette notion de pureté entraînera de fréquentes hésitations sur la formulation des règles, qui déboucheront souvent sur des normes fluctuantes. Pour réaliser l’ensemble de ce programme, un diction- naire et une grammaire sont immédiatement mis en chan- tier, mais leur élaboration prendra beaucoup de temps : le Dictionnaire de l’Académie ne sera publié qu’en 1694. Et depuis cette date, il constituera pendant des siècles le modèle privilégié d’un dictionnaire à visée résolument normative, bien différent d’un dictionnaire encyclopédique comme le Dictionnaire universel « contenant generalement [sic] tous les mots, tant vieux que modernes, & les termes de toutes les sciences et des arts », d’Antoine Furetière, par exemple, qui était paru en Hollande en 1690, quatre ans avant celui de l’Académie. II. Le modèle italien En France, l’élaboration d’un tel dictionnaire par une académie était une première, mais elle avait été précédée en Italie par le dictionnaire de l’Accademia della Crusca, déjà publié à Venise en 1612 (Parodi, 1998). Ce dictionnaire ita- lien était à la fois historique et philologique, et il foisonnait de citations puisées chez Dante, Boccace, Pétrarque, et d’une manière générale chez des auteurs italiens du xiiie au xvie siècle (Nencioni, 1998 : 17). Il est bon de faire remarquer que ce choix de citations littéraires était particulièrement bienvenu en italien, car cette langue était restée pendant des siècles une langue essentiellement écrite : de ce fait, elle permettait une lecture encore aisée d’œuvres des siècles passés (Nencioni, 1998 : 19). Tel n’était pas le cas pour les œuvres en ancien et moyen français, devenues trop difficiles d’accès aux non-spécialistes. Cette caractéristique contraignante conduira les académiciens français à concevoir autrement le choix des exemples qui devaient illustrer les entrées de leur dictionnaire, alors que, dans la première édition (Catach, 1998), le projet de l’Aca- démie française avait justement été d’y réunir – je cite – un © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 20/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 31.179.183.194) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 20/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 31.179.183.194) 57 La norme linguistique « trésor et magasin des termes simples et des phrases reçues », en les puisant dans les œuvres de « tous les auteurs morts qui avaient écrit le plus purement ». Mais il fallait tenir compte du fait que, contrairement à l’Italie, où Dante, Boccace et Pétrarque avaient depuis long- temps acquis une réputation qui allait très au-delà de ses fron- tières, il n’y avait pas encore en France d’auteurs déjà devenus des « classiques ». On décida donc bientôt de ne pas orienter le contenu des entrées vers les écrits des siècles passés. Si bien que la 1re édition du Dictionnaire de l’Académie se fera sur de tout autres bases : ce sera un ouvrage sur l’usage contempo- rain, qui allait être élaboré avec une préoccupation majeure, celle de ne prendre en compte que le « bon usage ». Or, à quoi correspondait ce « bon usage » ? Vaugelas le définit comme « la façon de parler de la plus saine partie de la cour conformément à la façon d’écrire de la plus saine partie des auteurs du temps » (Vaugelas : 10), ce qui ne nous dit rien sur la forme et l’emploi du vocabulaire favorisé. Mais on peut s’en faire une idée en examinant et en analysant dans le détail les entrées et le corps du Dictionnaire, pour lequel une première constatation s’impose : il se caracté- rise tout d’abord par des exclusions. III. Le « bon usage » : les exclus Les éléments du vocabulaire qui devaient être absents du Dictionnaire appartenaient à trois domaines lexicaux : 1. les mots rares et « entièrement sortis d’usage » ; 2. les mots et expressions de caractère régional ; 3. le vocabulaire technique, qui ne devait pas y figurer non plus. Or, conformément aux statuts, qui prévoyaient de rendre la langue française « capable de traiter les arts et les sciences », ce vocabulaire technique fera au contraire l’objet d’un ouvrage à part. La réalisation en sera confiée à Thomas Corneille, dont le Dictionnaire des termes des Arts et des Sciences, utile complément au Dictionnaire de l’Aca- démie, paraîtra en 1694, la même année que celui-ci. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 20/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 31.179.183.194) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 20/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 31.179.183.194) 58 Henriette Walter IV. Le « bon usage » : les favoris Face à ces exclusions programmées, l’Académie allait en revanche mettre à l’honneur le vocabulaire dit du « bon usage ». En conséquence, et puisque l’ensemble du diction- naire devait refléter les usages contemporains, on n’y ferait figurer aucune citation des écrivains des siècles précédents, mais uniquement des exemples forgés de toutes pièces par les académiciens eux-mêmes : cette décision reflétait sans équivo- que le désir d’illustrer chacune des définitions des entrées du dictionnaire en restant fidèle au « bon usage » tel qu’il avait été défini par Vaugelas. tout au long de ses pages, les préférences lexicales de l’Académie sont donc manifestes et clairement exprimées, tout au moins sur le plan de la langue écrite – on aura aussi sans doute remarqué, dans la citation de Vaugelas ci-dessus, son insistance sur « la façon d’écrire de la plus saine partie des auteurs du temps ». En revanche, les prescriptions portant sur la prononciation des mots y sont plutôt rares et dispersées : on a souvent bien du mal à les repérer à l’intérieur des différentes entrées du dictionnaire (Walter, 1998 : 351-356) car, comme on pouvait s’y attendre, elles sont le plus souvent mêlées à des considérations sur l’orthographe, souci majeur des acadé- miciens, et omniprésentes dans l’ensemble de l’ouvrage. V. orthographe et Prononciation En effet, si l’on peut aisément, grâce aux éditions succes- sives de ce dictionnaire, retracer dans le détail l’histoire de l’orthographe du français depuis plus de trois siècles, il est beaucoup plus problématique d’y repérer l’évolution de la norme en matière de prononciation. On trouve bien, çà et là, des indications sur les formes orales recommandées pour tel ou tel mot, mais uploads/Litterature/ la-norme-academie.pdf

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