FRIEDRICH SCHLEGEL LECTEUR CRITIQUE DE JACOBI Alain Muzelle Klincksieck | « Étu

FRIEDRICH SCHLEGEL LECTEUR CRITIQUE DE JACOBI Alain Muzelle Klincksieck | « Études Germaniques » 2015/1 n° 277 | pages 71 à 80 ISSN 0014-2115 ISBN 9782252039670 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-etudes-germaniques-2015-1-page-71.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Klincksieck. © Klincksieck. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Klincksieck | Téléchargé le 03/12/2020 sur www.cairn.info via Carleton University (IP: 134.117.10.200) © Klincksieck | Téléchargé le 03/12/2020 sur www.cairn.info via Carleton University (IP: 134.117.10.200) Alain MUZELLE* Friedrich Schlegel lecteur critique de Jacobi Jacobis Woldemar is a review Friedrich Schlegel wrote in 1796 from the final version of the novel. With this work, the young writer inaugurates the series of his « Charakteristiken ». Under the influence of Fichte’s philosophy, he develops a new form of criticism, a genetic method that explains the poetic works from the point of view of their progressive construction, on the basis that « one can understand a book or a mind only through reconstructing its internal dynamics ». After having showed the weakness of the plot and portrayed Woldemar as a vulgar and selfish immoralist, he refuses to acknowledge the work any specifically philosophical value, arguing that he cannot succeed in finding any consistency in the course of the argument. Finally, the profound unity of the book is to be found, for Schlegel, in the individuality of its creator, whom he defines as a « mystical sophist ». Mit Jacobis Woldemar, einer Rezension, die Friedrich Schlegel 1796 über die endgültige Fassung dieses Romans verfasst, entsteht die erste seiner Charakteri- stiken. Unter dem Einfluß von Fichtes Philosophie entwickelt Schlegel eine neue Art von Kritik, eine genetische Methode, welche die poetischen Werke aus ihrem Werden erklärt, da man erst « ein Werk, einen Geist [versteht], wenn man den Gang und Gliederbau nachkonstruieren kann. » Nachdem er auf die innere Brüchigkeit der Romanhandlung hingewiesen und von der Titelgestalt das Porträt eines immo- ralistischen groben Egoisten entworfen hat, was ihn dazu führt, Jacobis ethische Lehre in Frage zu stellen, spricht er dem Werk jegliche echt philosophische Di- mension ab, da es ihm an einer Kontinuität der philosophischen Gedankenführung fehle. Schlegel erkennt schließlich die eigentliche Grundeinheit des Romans in der Persönlichkeit des Schriftstellers selbst, den er als einen mystischen Sophisten de- finiert. Woldemar, le second roman de Friedrich Heinrich Jacobi, a connu une gestation particulièrement longue. Une première partie de l’ouvrage est publiée en 1775, la même année que son autre œuvre romanesque Allwills Papiere, et elle porte en sous-titre Eine Seltenheit aus der Naturgeschichte. Ce sous-titre disparaît dans la version en deux parties du roman, que l’auteur fait paraître en 1794, pour la republier sous une forme corrigée et définitive en 1796. C’est lors de cette réédition que Friedrich Schlegel se voit proposer par Reichardt, directeur de la revue littéraire Deutschland, d’écrire une recension du roman. Schlegel n’a pas lu la version de 1794 * Alain MUZELLE, Professeur des Universités, Université de Lorraine, 111 rue du Mont Cenis, F-75018 PARIS ; courriel : amuzelle@wanadoo.fr Études Germaniques 70 (2015), 1 p. 71-80 © Klincksieck | Téléchargé le 03/12/2020 sur www.cairn.info via Carleton University (IP: 134.117.10.200) © Klincksieck | Téléchargé le 03/12/2020 sur www.cairn.info via Carleton University (IP: 134.117.10.200) 72 F. SCHLEGEL LECTEUR DE JACOBI lors de sa parution car à l’époque de sa publication il était entièrement occupé par ses études sur l’Antiquité gréco-latine. Deux ans plus tard, la situation du jeune critique n’est plus la même, et ce pour plusieurs raisons. Après sa rupture brutale avec Schiller, qui lui ferme, à lui et à son frère August Wilhelm, les portes de sa propre revue Die Horen, les privant ainsi tous deux de revenus importants pour des intellectuels sans fortune personnelle, il accepte d’abord la proposition de Reichardt pour d’évidentes raisons financières, mais il semble également qu’il le fasse alors sans grand enthousiasme puisque dans une lettre à son frère August Wilhelm du 28 juillet 17961 il se dit prêt à lui laisser la critique de Woldemar si ce travail l’intéresse. Mais il change rapidement d’avis lorsqu’il se plonge dans la lecture des œuvres de Jacobi, comme en témoigne Novalis, chez qui il séjourne durant cette époque de découverte.2 En 1796, Friedrich Schlegel s’est en outre en grande partie éloigné de ses positions « néo-classiques » radicales antérieures, positions esthétiques raillées cette même année par Schiller qui parle à son propos de « gréco- manie »3 dans le distique satirique 320 des Xénies. En 1795, il a rédigé son premier grand ouvrage, le Studium-Aufsatz où, sous prétexte de comparer la littérature antique et la littérature moderne, il a surtout développé une analyse détaillée de la littérature moderne, formule par laquelle il désigne l’ensemble de la production poétique post-antique. Alors que la littérature des Anciens est créatrice de beauté objective, la littérature des Modernes est essentiellement subjective, expression d’une forte individualité, portée à la représentation du laid et productrice de formes qui ne respectent nullement le strict partage des genres poétiques tel que le pratiquaient Grecs et Latins. Or ce qui dans le Studium-Aufsatz est encore connoté négativement par l’admirateur inconditionnel de la poésie grecque, notamment la subjectivité et le non respect de la pureté générique, va se voir réévalué dans la théorie romantique que Schlegel élabore à partir de 1796. Enfin, 1796 est aussi l’année où il découvre la philosophie de Fichte qui va fortement marquer sa conception de l’analyse littéraire. Il déve- loppe sous son influence une méthode génétique qui consiste à analyser jusque dans ses méandres les plus subtils la genèse d’une pensée et 1. « Reichardt hat mir eine Recension des Woldemar angetragen, die ich angenom- men. Willst Du sie aber annehmen, so trete ich gern zurück. » In : Kritische Friedrich- Schlegel-Ausgabe, 35 Bde., hrsg. von Ernst Behler. Unter Mitarbeit von J.-J. Anstett und H. Eichner, Paderborn, München, Wien : Schöningh, 1958 sq., Abteilung 3, Bd. XXIII, p. 325. Abréviation : KA. 2. C’est du moins ce que Jean-Paul rapporte à Jacobi dans une lettre du 27 janvier 1800 : « [Novalis] erzählte mir vor einem Jahr in Leipzig, wie es mit Schlegel […] gegangen sei. Er habe […] alle Deine Werke auf einmal studiert, verschlungen, gepriesen. » Cité par Hans Eichner in : KA, t. II, p. XVIII. 3. « Die zwei Fieber. Kaum hat das kalte Fieber der Gallomanie uns verlassen,/Bricht in der Gräkomanie gar noch ein hitziges aus. » In : Xenien, in : Friedrich Schiller : Gesam- tausgabe der Werke, hrsg. von Gerhard Fricke und H. G. Göpfert, Nördlingen, Deutscher Taschenbuch Verlag, 1965, Bd. II, p. 58. © Klincksieck | Téléchargé le 03/12/2020 sur www.cairn.info via Carleton University (IP: 134.117.10.200) © Klincksieck | Téléchargé le 03/12/2020 sur www.cairn.info via Carleton University (IP: 134.117.10.200) ÉTUDES GERMANIQUES, JANVIER-MARS 2015 73 d’une œuvre considérées comme en mouvement, afin d’en reconstruire la cohérence profonde. Il s’agit en quelque sorte pour lui de reconstituer l’histoire d’une pensée, d’une œuvre considérées comme un organisme se développant selon une loi qui lui est propre. Dans son article de 1804 consacré à Lessing, il reviendra en détail sur sa conception de la critique, qu’il désigne sous le nom de caractérisation : Nichts Leichtes ist es, die Entwicklung auch nur eines Gedankensys- tems und die Bildungsgeschichte auch nur eines Geistes richtig zu fassen und wohl der Mühe wert, wenn es ein origineller Geist war. Es ist nichts schwerer, als das Denken eines anderen bis in die feinere Eigentümlich- keit seines Ganzen nachkonstruieren, wahrnehmen und charakterisie- ren zu können. […] Und doch kann man nur dann sagen, daß man ein Werk, einen Geist verstehe, wenn man den Gang und Gliederbau nach- konstruieren kann. Dieses gründliche Verstehen nun, welches, wenn es in bestimmten Worten ausgedrückt wird, Charakterisieren heißt, ist das eigentliche Geschäft und innere Wesen der Kritik.4 L’article consacré à Woldemar va inaugurer cette méthode, cette carac- térisation donc, et il va le faire d’une manière proprement fracassante pour l’époque, preuve que l’intérêt venu avec l’étude des textes n’a pas conduit le critique à une approbation sans réserve de l’œuvre jacobienne.5 * * * Schlegel commence son article par des remarques positives qui peuvent donner à penser que l’auteur va porter un jugement globalement favorable sur le roman. Il est vrai que la position de Jacobi, hostile à la philosophie des Lumières considérée comme une vision matérialiste et réductrice, n’est pas pour déplaire au jeune critique, ni le fait que l’auteur de Woldemar mette l’accent sur la dimension spirituelle de l’homme, sur son lien, son aspiration à l’infini uploads/Litterature/ alain-muzelle-friedrich-schlegel-lecteur-de-jacobi.pdf

  • 38
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager