Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International (CC BY-
Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International (CC BY-NC-SA 4.0) Sens-Public, 2016 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 30 nov. 2021 02:41 Sens public La pensée romantique, une révolution des idées Gérard Wormser (Re)constituer l’archive 2016 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1044410ar DOI : https://doi.org/10.7202/1044410ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Département des littératures de langue française ISSN 2104-3272 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Wormser, G. (2016). La pensée romantique, une révolution des idées. Sens public. https://doi.org/10.7202/1044410ar Résumé de l'article Entre 1770 et 1800 se diffuse en Allemagne un ensemble de réflexions concernant l’art et la subjectivité. C’est la philosophie du romantisme. Elle amorce la transformation révolutionnaire européenne. L’essor intellectuel allemand commence par un dialogue avec les Lumières françaises chez Lessing, Herder et leurs successeurs avant de s’infléchir en une réflexion sur l’originalité des expressions culturelles. Radicalisée par Kant, Schelling ou Goethe, cette pensée de la subjectivité, où l’esthétique voisine avec la morale et la métaphysique, englobe la littérature, la philosophie et la religion. Par ses aspirations comme par ses conséquences, elle a modelé la modernité et a ouvert la voie aux formes d’action communicationnelle de cénacles spécialisés dont nos interactions numériques ont retrouvé le fil. Après ce premier article présentant ce mouvement culturel européen, un second traitera de la philosophie du romantisme allemand et de sa transformation académique avant qu’un troisième esquisse le passage de la dialectique au numérique. Revue internationale International Web Journal www.sens-public.org La pensée romantique, une révolution des idées GÉRARD WORMSER Résumé : Entre 1770 et 1800 se diffuse en Allemagne un ensemble de réflexions concernant l’art et la subjectivité. C’est la philosophie du romantisme. Elle amorce la transformation révolutionnaire européenne. L’essor intellectuel allemand commence par un dialogue avec les Lumières françaises chez Lessing, Herder et leurs successeurs avant de s’infléchir en une réflexion sur l’originalité des expressions culturelles. Radicalisée par Kant, Schelling ou Goethe, cette pensée de la subjectivité, où l’esthétique voisine avec la morale et la métaphysique, englobe la littérature, la philosophie et la religion. Par ses aspirations comme par ses conséquences, elle a modelé la modernité et a ouvert la voie aux formes d’action communicationnelle de cénacles spécialisés dont nos interactions numériques ont retrouvé le fil. Après ce premier article présentant ce mouvement culturel européen, un second traitera de la philosophie du romantisme allemand et de sa transformation académique avant qu’un troisième esquisse le passage de la dialectique au numérique. Mots clés : Romantisme, Allemagne, Révolution, Philosophie Bildung : culture « 18e siècle ». Abstract : Between 1770 and 1800, a collection of reflections on art and subjectivity was diffused in Germany. This is the philosophy of romanticism. It begins the revolutionary transformation of Europe. The German intellectual development began with a dialogue with the French Enlightenment by Lessing, Herder and their successors before turning into a reflection on the originality of cultural expressions. Radicalized by Kant, Schelling or Goethe, this thought of subjectivity in which the aesthetics is closely associated with morality and metaphysics encompasses literature, philosophy and religion. By its aspirations as by its consequences, it has shaped modernity and opened the way to the forms of communicative action of specialized cenacles whose digital interactions have rediscovered the thread. After this first article presenting this European cultural movement, a second will deal with the philosophy of German romanticism and its academic transformation before a third sketches the transition from dialectics to digital. Mots clés : Romanticism, Germany, Evolution, Bildung Philosophy : culture « 18th century ». Contact : redaction@sens-public.org La pensée romantique, une révolution des idées Gérard Wormser Pour Junia Le drame romantique est la Révolution française. Quels que furent les motifs immédiats de son déclenchement, les émotions politiques et esthétiques sont indissociables du temps, comme l’ont montré à l’envi Jean Starobinski, Theodor Zeldin ou Mona Ozouf, avant qu’une toute récente Histoire des émotions ne vienne synthétiser ces pensées1. L’historienne remarque le contraste entre des attentes utopiques nourries de réflexions sur l’Antiquité et le sentiment de l’imminence de possibles retournements qui impliquent de saisir le moment favorable pour précipiter les transformations espérées. Il est partout, le thème de l’occasion à ne pas manquer. Ce n’est pas, loin de là, une nouveauté absolue, et il semble même que le cours fiévreux de la Révolution multiplie les circonstances où il semble urgent de saisir et de comprendre un temps fugace qui ne durera guère et ne reviendra plus. Dans le débat sur la réorganisation de la justice, l’Assemblée a entendu Duport […] engager ses collègues à se hâter car […] « les nations n’ont qu’un moment pour devenir libres ». Camille Desmoulins constate « Nous n’étions peut-être pas à Paris dix républicains le 12 juillet 17892 ». Ce nombre n’avait guère augmenté avant la fuite du Roi le 21 juin 1791, commente Mona Ozouf. Les émotions révolutionnaires se nourrissent de parallèles et de confrontations imaginaires où se mêlent les vestiges antiques et les expériences récentes : l’exemple américain peut servir à penser une république. Cette mutation disruptive s’étend en réalité sur les trois dernières décennies du dix- huitième siècle, et il fallut le dix-neuvième siècle entier pour assimiler ou réduire l’ébranlement révolutionnaire dont l‘écho résonne hors d’Europe. Bientôt, l’enjeu consistant à faire coexister les projets républicains avec le machinisme, l’expansion industrielle et le capitalisme, deviendra un autre paradigme de cette question. L’avons-nous résolue ? Ne risquons-nous pas, tout comme le vingtième siècle, de connaître d’inutiles efforts meurtriers pour annuler ce tournant ? Il importe d’en ressaisir la dynamique. 1 Corbin, Alain, Courtine, Jean-Jacques, Vigarello, Georges (dir) Histoire des émotions. 1 : de l’Antiquité aux Lumières, 2 : des Lumières à la fin du XIXe siècle, Paris, Le Seuil, 2016. 2 Ozouf, Mona, « La saison fugitive de l’idée républicaine », in De Révolution en République, les chemins de la France, Gallimard, Quarto, 2015 p.789. Ce thème n’est en effet pas neuf, même chez Lessing quarante ans plus tôt : Wilfried Barner écrit « l’idée de ‘‘l’instant fécond’’ (fruchtbar) ou ‘‘décisif’’ (prägnant), une idée qui, comme on l’a vu depuis longtemps, ne date pas de Lessing, mais remonte au moins à Shaftesbury ; il est vrai qu’Ernst Gombrich déclarait sarcastiquement à propos de ce ‘‘ Lessingianum ’’ qu’il n’était plus valable que pour les photographes de presse » Cf : Revue germanique internationale https://rgi.revues.org/946 p. 140. Publication de l'article en ligne : 2015/09 http://sens-public.org/article1232.html © Sens Public | 2 GÉRARD WORMSER LA PENSÉE ROMANTIQUE, UNE RÉVOLUTION DES IDÉES Le cycle du romantisme intellectuel en Allemagne trouve son achèvement dès la première décennie du dix-neuvième siècle tout comme le cycle révolutionnaire français. Sa fécondité philosophique s’épuise : Hegel critique ses expressions quasi-religieuses et donne le signal du retour à l’ordre dans la pensée. Véritable phénomène de société, l’expansion du romantisme en Europe s’effectuera donc sans revenir sur ces limites conceptuelles. Dissociée d’une pensée historique comme de la métaphysique, la subjectivité investit alors le psychisme : l’engouement romantique propagera bientôt une anthropologie plutôt qu’une philosophie. La période romantique accompagne, au dix-neuvième siècle, une transformation complexe des sociétés européennes, dominées par des idées réactionnaires et marquées par un essor industriel qui ne se préoccupe initialement pas de la condition ouvrière. Ce siècle met les principaux créateurs de plus en plus en marge des cercles dominants. Il y a toutefois une autre approche possible de cette disruption historique. Si nous oublions les changements institutionnels pour nous concentrer sur les mentalités, il est aisé de voir comment deux registres bien aperçus par Mona Ozouf s’opposent : celui de l’école et celui de la maison. Trouvé à l’école, l’incitation à abstraire et généraliser pour l’humanité entière me paraît toujours un projet plus ample et plus noble que le repli sur la singularité : bien des domaines, dans l’existence politique ou professionnelle, exigent la mise entre parenthèses de nos déterminations d’origine. Ici, l’abstraction est libératrice. Trouvé à la maison, le respect des différences m’a convaincue en revanche que la vie ne se réduit pas à des normes abstraites et que l’indifférenciation la priverait de beauté, de charme et d’intérêt. Ici, l’abstraction est mortelle3 . Si Mona Ozouf parle de la Bretagne et de l’inique pression exercée sur son patrimoine linguistique, son témoignage rejoint le dix-huitième siècle. Le débat entre les sensibilités romantiques et révolutionnaires commande une représentation contrastée de l’histoire, orientée sur l’universel et sur les « petites patries », entre recherche de l’unité et force des particularismes historiques et culturels. Le romantisme s’efforce de penser l’historicité des peuples et des sociétés en même temps que ce qui fait figure d’absolu : l’individu – la république – la beauté… Drapés de références grecques et romaines, les acteurs de ce temps s’approprient les transformations uploads/Litterature/ la-pensee-romantique-une-revolution-des-idees-gerard-wormser 1 .pdf
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- Publié le Aoû 24, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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