La place des psaumes dans la prière du matin par Marcus Elhadad (1) « Le judaïs
La place des psaumes dans la prière du matin par Marcus Elhadad (1) « Le judaïsme a résisté parce qu'il a voulu rester lui-même, il a com- pris que le rituel a une face universaliste ouverte sur l'humanité, invention d'une civilisation d'un peuple sans terre ni état . » (Armand Abécassis). KAVANA Chacun admet sans peine que les textes constituant la téfila sont des textes qui comptent et qu 'à ce titre ils doivent être lus avec kavana . Chacun comprend aussi que par kavana on entend que l'orant doit se concentrer et éviter de dire sa prière distraitement. Un aspect de la kavana est peut-être moins connu, le Rav Kook (cité par Netiv Bina) le met en exergue, c'est la compréhension des textes non seulement comme une nécessité intellectuelle, naturelle chez tout lecteur de tout texte, mais comme une condition sine qua non de la kavana et, partant, de la pratique de la téfila elle-même . La Guémara (Chabat 127) affirme que le fidèle qui fait une étude appro- fondie de sa téfila ('Iyoun) en tire un profit en ce monde et dans le monde à venir. Ce terme `Iyoun est interprété par Rachi par kavana. C'est fort de cette interprétation de la kavana qu'il nous a paru perti- nent de proposer quelques réflexions inspirées de divers commentaires classiques pour expliquer quelque peu les six psaumes figurant dans Cha'harit entre Baroukh chéamar et Yiehtaba'h. SIX PSAUMES Cette étude ne doit être considérée ni comme une étude littéraire, même si elle en emprunte quelques procédés, ni comme une étude uni- versitaire de savoir pour savoir. Notre intention est de montrer que des enseignants d'école juive, soucieux à juste raison d'amener leurs élèves à une prière avec kavana, ont le devoir de mettre l'accent sur l'intelli- gence des textes de la téfila, ce qui est, au demeurant, la mission pre- mière de l'école . Les élèves, éclairés sur le sens de ce qu'ils disent en priant, trouveront plus tard en leur coeur la force intérieure pour (1) Contribution de l'auteur au cinquième séminaire sur la Téfila, en décembre 2002, dans le cadre de PIAN. La traduction des termes hébreux est l'initiative de la rédaction. 36/HAMORÉ N` 169-170 - ÉTÉ 2003 atteindre les niveaux supérieurs de la kavana, tels que les définit par exemple S .R. IIirsch : « Si tu prends conscience que les concepts évo- qués dans la téfila passent sans laisser de trace sur ton âme, c'est signe pour toi qu 'il te faut te hâter de t'élever pour que ta téfila produise des fruits. L'étude que nous proposons est loin d'être exhaustive tant sont nombreux les commentaires que nos Maîtres ont consacrés à la téfila. Que peut-on cependant choisir de retenir sur les Pessoukei dezimra ? Les psaumes choisis par nos Sages sont au nombre de six, les six derniers du Séfer Téhilim, qui ont été placés entre la bénédiction Baroukh chéamar d'ouverture et la bénédiction Yichtaba'h de clôture. Le nombre six correspond aux six jours `hol de la semaine, sachant aussi que ce nombre constitue une limite et s 'oppose ainsi à l'épanche- ment d'une prière individuelle spontanée, mais que les six contiennent les termes nécessaires et suffisants du chéva 'h (louange). Rabbi Simlaï enseigne, dans Berakhot 32, que l'orant doit toujours dire dans le séder de la téfila les louanges de Hachem avant d'entamer sa prière. Aboudarham commente et explique ces psaumes comme un « corridor menant à la téfila », aidant l'orant à atteindre la pureté et l'élévation de l'âme indispensables pour lire le Chéma' et la `Amida . La halakha décrète enfin que ces psaumes doivent être lus pour susciter la joie de la mitsva que l'on s'apprête à accomplir. A la question de savoir pourquoi ces psaumes ont été choisis alors que les téhilim sont au nombre de 150, la Guémara répond (Chabat 118) que ces psaumes constituent à eux six le Guémar hahallel, les thèmes qui y sont développés sont essentiellement des louanges . C 'est ce qu'explique la Guémara de Pessa'him 117 : « Pour qui ont été dits les psaumes ? Les Sages répondent : Certains psaumes ont été écrits pour le Kahal, la communauté, d'autres par David pour lui-même . » Les Sages n'ont pas retenu à cette place de Cha'harit les psaumes évoquant les épreuves vécues par David ni ceux inspirés par la détresse, la peur de la mort ou toute autre angoisse . Radak explique que ces six psaumes à eux six constituent une seule téhila . C'est pourquoi la halakha engage à lire ces psaumes distinctement. QU'EST-CE QUE SIGNIFIE LIRE LES PRIÈRES Faire ses prières quotidiennes c'est, en somme, lire des textes ou entendre lire des textes spécifiques et bien déterminés, lecture particu- lière qu'il nous faut d'abord définir pour la distinguer de toute autre lec- ture profane . On enseigne aux enfants, en matière de `hol, qu'on lit un texte pour se documenter, s'informer, lire une histoire, et la meilleure voie dans ce cas, c'est de leur apprendre la lecture silencieuse . On peut aussi aimer entendre la substance sonore d'un texte, vouloir le décla- HAMORÉ Ne 169-170 - ÉTÉ 2003/37 mer ou en communiquer le contenu à autrui, on apprend alors aux enfants à lire à haute voix. Lire un texte pour prier c'est, selon la halakha, articuler les mots, tous les mots du texte et toutes ses lettres distinctement et cela, ni pour communiquer ni pour déclamer mais pour prier, pour entendre soi- même les mêmes textes psalmodiés ou chantés jour après jour, offerts à Hachem comme un korban (sacrifice). La répétition infinie des mêmes textes fait la spécificité de cette lecture différente de tout autre acte de lecture . Autant dire que ces textes doivent être compris, condition pre- mière pour éviter d'en faire une mécanique bruyante ou, pire encore, de leur attribuer des vertus magiques par le fait qu'ils sont abscons. MAIS QU'EST-CE QUE COMPRENDRE UN TEXTE ? On a coutume de dire que pour comprendre il suffit de connaître le sens des mots . Sans minimiser l'importance du vocabulaire, il faut aussi noter la place, dans le processus de compréhension, de la grammaire. On doit aussi prendre en considération le texte en tant qu'unité globale qui a ses règles, au-delà des mots et des phrases . Le texte ne peut se réduire, pour être compris, à son vocabulaire et à sa syntaxe . Il faut en percevoir la cohérence, les enchaînements ; il faut discerner le système verbal qui le gouverne ou encore le système des pronoms et substituts qui le structurent. Le texte en somme dit bien plus que les unités qui le composent . Etude du Psaume 145 : Aehrei Nous nous proposons d'étudier le premier des six psaumes (Aehrei) pour montrer ce que recouvre l'explication d'un texte ; nous commen- cerons par évoquer le lexique de ce psaume. LE LEXIQUE Connaître le sens des mots, comme nous l'avons dit plus haut, est important mais pas suffisant . Il faut en outre discerner l 'organisation des mots qui composent le texte et les liens qu'ils entretiennent entre eux . Il n'y a pas dans un texte des mots importants et d 'autres qui seraient secondaires ; il n 'y a pas davantage de mots-clés qui ouvri- raient des sens cachés : les mots en réalité sont choisis par le scripteur qui les dispose en un système. C'est la rencontre, l'opposition, la conjonction de tous les mots qui donnent sens au texte . De tels exemples se trouvent à profusion dans nos pérouchim (commentaires) classiques. Ainsi Ibn Ezra relève-t-il dans notre psaume que le verset 2 est construit sur une double opposition : bekhol yom (chaque jour) s'op- 38/HAMORÉ N° 169-170 - ÉTÉ 2003 pose à le clam va ëd (à tout jamais) ; le premier qui signifie « tous les jours » en tant que mot isolé prend ici, de par son contraste avec le'olam va'èd le sens de temps quotidien, vie active de l'homme (milei de 'alma), alors que la deuxième expression désigne le temps de la prière, le temps spirituel De même, le verbe avarekh désigne ici, tou- jours selon Ibn Ezra, l'effort de l'homme pour bénir Hachem, pour aboutir à ahalala qui désigne un stade supérieur de prière, de proxi- mité avec Hacheur. Radak note que notre psaume est bâti sur dix attributs de Hachem : noraot, guedoula, guevoura, ma'assé, hod, kavod, tov, tsedaka, mal- khout, niflaot, tous mots qui expriment la grandeur mais qui se distin- guent l'un de l'autre et gagnent en nuances et connotations selon la place qu'ils prennent dans le texte. Après ces éclairages ponctuels, voyons ce que le psaume dans son ensemble offre à l'examen et à l'analyse lexicale. STRUCTURE SÉMANTIQUE Champ lexical Thèmes v .1 '7`1rrttl - rmnm1 - ~nnl~tt _ v .2 1 v .3 11n ni-n] - ~'mYn X11] v .4 n1x111 mx7D] - -nrr --mn v.5 v.6 v.7 01111 11]11 - 111p 1S - 71t7 v .S { 1'1n1 ]1M - 1Dn - n'0x 11s v9 uploads/Litterature/ la-place-des-psaumes-dans-la-priere-du-matin.pdf
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- Publié le Mar 16, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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