Nathalie Heinich La sociologie de l’art Nouvelle édition Éditions La Découverte
Nathalie Heinich La sociologie de l’art Nouvelle édition Éditions La Découverte 9 bis„ rue Abel-Hovelacque 75013 Paris L'auteur tient à remercier Johan Heilbron, Dominique Merllié, Frédéric Vandenberghe et Pierre Verdrager pour leur lecture attentive, ainsi que la Fondation Boekman d ’ Amsterdam pour son hospitalité. Catalogage Élcctrc-Bibliographic Hk in ic h. Nathalie [.a sociologie de l'art. - Paris : [.a Découverte, 2004. - (Repères ; 328) ISBN 2-7071-4331-6 Rameau : art et société Dcwcy : 306.53 : Anthropologie sociale et culturelle. Sociologie de l'art Public concerné : I e t 2* cycles. Public motive I.e logo qui figure au dos de la couverture de ce livre mérite une explication. Son objet est d'alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’ccriu tout particulièrement dans le domaine des sciences humaines et sociales, le déve loppement massif du photocopillage. I.e Code de la propriété intellectuelle du l" juillet 1992 interdit en effet expres sément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or. cette pratique s’est généralisée dans les établissements d'enseignement supérieur, provoquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité meme pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd'hui menacée. Nous rappelons donc qu'en application des articles L. 122-10 à L. 122-12 du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction à usage collectif par photo copie, intégralement ou partiellement, du présent ouvrage est interdite sans autori sation du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC. 20. rue des Grands- Augustin», 75006 Paris). Toute autre forme de reproduction, intégrale ou partielle, est également interdite sans autorisation de l’éditeur. Si vous désirez être tenu régulièrement informé de nos parutions, il vous suffit d'envoyer vos nom et adresse aux Éditions La Découverte. 9 bis, rue Abel- Hovçlacquc. 75013 Paris. Vous recevrez gratuitement notre bulletin trimestriel À la Découverte. © Éditions La Découverte, Paris, 2001, 2004. Introduction Une recherche menée en Italie il y a quelques années concluait que seule 0,5 % de la production sociologique peut être considérée comme relevant de la sociologie de l'art (Stras- soldo, 1998|*. Une telle proposition appelle immédiatement deux remarques, qui nous plongent d'emblée au cœur du problème posé par cette discipline : d'une part, les critères déli mitant scs frontières sont particulièrement fluctuants, de sorte qu’il n’est pas facile de s’entendre sur ce qui en relève ou pas ; d’autre part, son importance ne peut de toute façon se mesurer à son poids quantitatif, car elle engage des enjeux fondamentaux pour la sociologie en général, dont elle ne cesse d'interroger les limites. S’il est si difficile de marquer les bornes de la sociologie de l'art, c'est qu'elle est en étroite proximité non seulement avec les disciplines traditionnellement en charge de son objet (histoire de l'art, critique, esthétique), mais aussi avec les sciences sociales connexes à la sociologie (histoire, anthropo logie, psychologie, économie, droit). C'est pourquoi une enquête menée auprès de l'ensemble de ces disciplines concé derait probablement davantage de poids à la sociologie de l'art, car cette appellation peut être revendiquée bien au-delà de la sociologie proprement dite. Les sociologues qui étudient l’art, notait un chercheur anglais dans les années soixante, ne se diffé rencient guère des historiens sociaux, des historiens d’art ou des critiques d’art |Barnetl, 1965, p. 198] : la remarque garde aujourd'hui, pour une part, sa pertinence. * Les références entre crochets renvoient à la bibliographie en fin d'ouvrage. 3 Sociologie des sociologues de Part Tout d'abord, qui sont donc les sociologues de l’art ? Cette question admet deux types de réponses : historique, en termes de généalogie, et sociologique, en termes de statut profes sionnel. Commençons par celle dernière, en essayant de nous repérer dans la situation actuelle de la discipline : une brève sociologie institutionnelle des sociologues de l’art constitue la meilleure introduction à la diversité des traditions intellectuelles qui s’y croisent. Les sociologues de l’art se trouvent, tout d’abord, à P université : c’est leur plus ancienne origine. Paradoxalement, ce n’est pas en sociologie qu’on a le plus de chances d’en rencontrer, mais plutôt en histoire de l’art ou en littérature — indice cloquent de l’emprise de l’objet sur la discipline. Dans ce contexte, il s’agit plutôt d’une sociologie de commentaire, souvent centrée sur les œuvres, dont elle propose des interpré tations. Elle entretient des liens étroits avec l’histoire, l’esthé tique, la philosophie, voire la critique d’art. Ses résultats sont publiés dans des revues ou des ouvrages savants. La seule revue spécialisée dans ce domaine, en langue française, est Sociologie de l'art, restée marginale depuis sa création dans les années quatre-vingt-dix. Très différente est la sociologie de l’art qui se pratique dans les institutions d’cnqucte, tels les services des études des grandes administrations — le phénomène n’ayant guère plus d’une génération. Là, la méthodologie est essentiellement statis tique, et les œuvres ne sont guère étudiées : publics, institutions, financements, marchés, producteurs en sont les objets privi légiés. Le plus souvent, la circulation des résultats se fait par des rapports d’enquête — la «littérature grise» —, exceptionnel lement par des ouvrages accessibles au public. Un troisième lieu enfin est celui des institutions de recherche : instituts ou fondations à l’étranger, CNRS, École des hautes études en sciences sociales et Grandes Écoles en France. La production y est variée, allant du commentaire lettré à l’analyse statistique ; entre les deux, l’enquête qualitative — entretiens, observation — y trouve davantage sa place qu’à l’université ou dans les administrations. Moins dépendante des pesanteurs académiques, d’un côté, et des demandes sociales d’aide à la décision, de l’autre, cette sociologie de l’art est relativement affranchie des fonctions normatives (établissement de la valeur 4 esthétique), très présentes dans les problématiques universi taires, comme des fonctions d'expertise, déterminantes dans les services d'études. Aussi est-ce probablement celle qui répond le moins mal aux critères de la recherche fondamentale, centrée sur une fonction d'investigation : raison pour laquelle, sans doute, ses publications sont celles qui trouvent le plus d'écho au sein de la discipline, et parfois au-delà. Il convient de garder ces distinctions présentes à l’esprit pour aborder l’histoire de la sociologie de l’art : celle-ci en effet n’a guère connu, jusqu’à la dernière génération, que l’exercice universitaire et, qui plus est, rarement dans les départements de sociologie — lorsqu’ils existaient. La spécification de la sociologie Il n’existe probablement aucun autre domaine de la socio logie où coexistent des générations intellectuelles, et donc des critères d’exigence, aussi hétérogènes. Par rapport à la double tradition de l'histoire de l'art, qui traite des relations entre les artistes et les œuvres, et de l'esthétique, qui traite des relations entre les spectateurs et les œuvres, la sociologie de l'art pâtit à la fois de sa jeunesse et de la multiplicité de ses acceptions, reflétant la pluralité des définitions et des pratiques de la sociologie. En outre, la fascination qu'exerce souvent son objet, et l’abondance comme la diversité des discours qu'il suscite n'aident guère à s’interroger sur les méthodes, les outils ou les problématiques. Comment construire une approche spécifi quement sociologique lorsqu'on a affaire à un domaine déjà surinvesti par d'innombrables travaux (songeons aux biblio graphies pléthoriques auxquelles condamne la moindre investi gation sur un auteur ou un courant déjà étudié par l'histoire de l'art) et à ce point chargé de valorisations ? L'art et la littérature sont un bon objet pour la tradition huma niste, qui voudrait faire du sociologue une forme accomplie de P« honnête homme», car c’est un objet valorisant par lui- méme, intéressant a priori quiconque est familier des valeurs cultivées. C'est précisément ce qui en fait un mauvais objet pour le sociologue, dès lors du moins que celui-ci cherche avant tout non à « parler de l’art », mais à faire de la bonne sociologie, qui ne se défausse pas de ses exigences propres sur les qualités de 5 son objet. Celui-ci semblant parfois suffire à justifier l'intérêt d'une recherche, il a engendré maints travaux qui n'ont d'autre raison de passer à la postérité que leur intérêt documentaire pour l'histoire des sciences sociales. Et c’est bien à ce titre que certains d'entre eux seront cités ici. C’est pourquoi une claire spécification de ce qui relève proprement de la sociologie — par-delà l'intérêt que l'on peut avoir pour son objet — nous paraît absolument nécessaire en matière de sociologie de l'art. Bien que cette préoccupation ne soit pas partagée par l'ensemble des sociologues de l’art, c’est elle qui guidera notre présentation, au fur et à mesure des problèmes soulevés. La spécification de Part Une autre contrainte de rigueur concerne la délimitation de l'objet propre à la sociologie de Part. Celle-ci est souvent confondue, ou associée, avec la sociologie de la « culture ». Ce terme, on le sait, est excessivement polysémique, notamment en raison du décalage entre l'acception française, plutôt centrée sur les pratiques relatives aux arts, et l'acception anglo-saxonne, plus anthropologique, élargie à tout ce qui concerne les mœurs ou la civilisation dans une société donnée [Cuche, 20041 . Nous ne traiterons ici que uploads/Litterature/ la-sociologie-de-l-x27-art.pdf
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- Publié le Mai 12, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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