Actes du colloque jeunes chercheurs « L’imposture à l’âge classique », tenu les

Actes du colloque jeunes chercheurs « L’imposture à l’âge classique », tenu les 4 et 5 juin 2010 à l’université Paris-Sorbonne. p. 2 : Introduction · L'imposture politique au théâtre p. 6 : « Figures de l'imposture dans le théâtre politique de la Révolution », Eva Bellot, Université Paris-Sorbonne (Paris IV). p. 19 : « Légitimité et imposture politique dans la tragédie de la Restauration », Maurizio Melai, Université de Pise- Université Paris- Sorbonne. · L'accusation d'imposture et ses ambiguïtés. p. 28 : « Pseudonymes et anonymes, plagiaires et imposteurs, le théâtre de la République des Lettres dans les Auteurs déguisez d'A. Baillet (1690) », Damien Fortin, Université Paris-Sorbonne (Paris IV). p. 43 : « Editer l'œuvre complète de Voltaire : postures et impostures de la dissidence littéraire », Linda Gil, Université Paris-Sorbonne (Paris IV). p. 52 : « Mesmer ou une figure ambivalente de l'imposteur », Barbara Stentz, Université de Strasbourg. · Imposture comique et travestissement p. 62 : « Dissimuler et révéler la vérité : les mensonges dans Tartuffe, la Célimène et Iphis et Iante », Emilia Wilton-Godberfforde, Université de Cambridge. p. 69 : « Hypocrisies cruelles dans les comédies de Dufresny et de Marivaux », Beya Dhraief, Université de Paris III-Sorbonne Nouvelle. · L'imposture libertine p. 77 : « Eros et l'imposture. La civilisation de “l'après-jardin d'Eden” : le masque et la plume », Julienne Turan, Université Paris-Sorbonne (Paris IV). p. 88 : « La Philosophie dans le boudoir : roman des postures contre roman de l'imposture », Bérangère Durand, Université Paris-Sorbonne (Paris IV). · L'imposture et l'équivoque philosophique p. 98 : « Catilina, imposteur conciliant ou le goût du travestissement chez Vauvenargues », Ioana Marculescu, Université Paris-Sorbonne (Paris IV). p. 109 : « Les impostures dans le Rêve de D'Alembert », Marie-Anne Bohn, Université Paris-Sorbonne (Paris IV). p. 117 : Conclusion Actes du colloque « L’Imposture à l’âge classique », organisé les 4 et 5 Juin 2010 à l’université Paris-Sorbonne 1 ! Introduction Les actes que nous proposons sont le résultat d’un colloque de jeunes chercheurs sur « l’Imposture à l’âge classique », qui s’est tenu à l’université Paris-Sorbonne les 4 et 5 juin 2010. Il émanait du Centre d’Etude de la Langue et la Littérature des XVIIe et XVIIIe siècle avec le soutien de l’Ecole doctorale III de l’université Paris-Sorbonne. La notion d’imposture présente une sorte d’évidence et n’a pourtant jamais été un objet d’étude privilégié en littérature jusqu’à aujourd’hui. On sent sa présence latente, régulière, dans les textes et dans la critique. De ce constat est né le désir de la voir fonctionner dans les textes, d’en analyser la portée, etc. Certaines références, pour la période classique, s’imposent de prime abord : l’imposture évoque la figure d’auteur, qui est en train de se constituer ; elle cristallise autour du personnage de la pièce de Molière, Tartuffe, dont le sous-titre est précisément « l’imposteur ». On pense aussi au Traité des Trois imposteurs, serpent de mer de la littérature clandestine de l’âge classique, qui dénonce l’imposture des religions monothéistes. Passé ces quelques références, il reste un continent sans doute à explorer. Jean- Charles Darmon a proposé l’année dernière à l’Ecole Normale Supérieure une journée d’étude sur cette notion, depuis la Renaissance jusqu’à nos jours, ouvrant une direction prometteuse qu’il s’agissait ici, à notre mesure, de suivre du XVIIe siècle au début du XIXe siècle1. L'imposture semble naître avec l'homme, s’y attacher indissolublement. Il serait vain alors de vouloir lui trouver une origine dans l'âge classique ; elle est toujours déjà là, dirait un disciple de Derrida. Zeus, roi de l’Olympe, n’est-il pas le père de l’imposteur, lui qui prend les apparences les plus farfelues pour séduire ses dames ? C’est un thème large et atemporel, doué pourtant d’une véritable cohérence par son évidence sémantique d'une part, autour de l’idée de duplicité mensongère, et d’autre part grâce à la construction, à l’âge classique, d'une tradition littéraire autour de cette notion. Dans le sillage de Molière, l'âge classique reconnaît 1 Les vidéos des différentes interventions sont disponibles en ligne à l’adresse : http://www.diffusion.ens.fr/index.php?res=cycles&idcycle=424 Introduction 2 l'imposteur comme un des caractères (de La Bruyère à Rousseau) grâce auxquels ordonner la diversité des passions et des réactions humaines. La querelle autour du Tartuffe, par ces ramifications politiques, théologiques, autant que littéraires, installe l’imposture au cœur des débats du temps, faisant d’elle une clé d’interprétation des troubles sociaux qui agitent l’Ancien Régime. La littérature assume diversement ce schéma de conduite où l'on cherche à passer pour autre. Toute une myriade de termes gravite autour de l’imposture : duplicité, mensonge, hypocrisie, masque, mystification, etc., toujours en relation avec une apparence trompeuse. Vauvenargues, dans une sentence très suggestive, fait de l’imposture la matrice de toutes les fausses apparences : « L’imposture est le masque de la vérité ; la fausseté, une imposture naturelle ; la dissimulation une imposture réfléchie ; la fourberie une imposture qui veut nuire ; la duplicité, une imposture qui a deux faces » (Introduction à la connaissance de l’esprit humain, 1746). Dans le Dictionnaire universel des synonymes de Guizot (sa première œuvre parue en 1809 - une compilation qui reprend les dictionnaires des synonymes du dix- huitième siècle depuis celui de l’abbé Girard), imposteur désigne « tous les genres de fausses apparences ou de trames concertées pour abuser ou pour nuire ». Cette constellation synonymique qui semble se rassembler sous la bannière de l’imposture incite à utiliser la notion comme une figure archétypale, capable de relier différentes pratiques littéraires, pratiques de pensée, d’écriture, de publication, d’autorisation, et peut-être même de leur donner un horizon anthropologique ou culturel. Norbert Elias nous a appris à considérer l’âge classique comme un moment privilégié de développement de la sphère intime, les individus devant contrôler et dissimuler leurs affects face au pouvoir de contrôle grandissant de la monarchie ; cette dissociation croissante du public et du privé, autant que l'exaltation d'une étiquette rigide, d'un raffinement inégalé de l'apparence sociale, augmente l’écart, le jeu entre la pensée intime et l’apparence sociale, donnant à l’imposture un germe privilégié pour se développer. La sphère privée, cachée, devient un laboratoire de tout ce qui n’a pas le droit de s’exprimer publiquement, étouffé par la censure, jusqu’à l’explosion libératrice de 1789 où l’écart intenable peut se combler momentanément entre apparence sociale et être intime des individus. Y aurait-il alors une affinité particulière de l’imposture avec l’âge classique, sa vision du monde et ses modes d’expression ? C’est une question que les présents actes permettent d’approfondir, à travers les différentes pistes qui y sont explorées : le théâtre, mode fondamental de représentation du monde à l’âge classique, les stratégies éditoriales liées à l’anonymat des auteurs ou à la clandestinité des presses face à la censure royale, le libertinage d’esprit ou de mœurs, Introduction 3 rarement assumé ouvertement, la philosophie des Lumières avec deux représentants particulièrement symptomatiques de leur époque et pourtant savamment personnels : Vauvenargues et Diderot. Si le thème de l’imposture fait les délices de l’esprit le plus sérieux, renvoyant aux querelles théologiques, politiques et esthétiques les plus ardues du temps (l’imposture restant majoritairement associée à l’âge classique à la question religieuse), il est aussi, et peut-être surtout, particulièrement ludique. Le jeu y prend un double sens : la fausse apparence peut- être un jeu interne au texte, jeu entre personnages du texte ou jeu de l’auteur avec ses personnages, chez Marivaux comme dans les mystifications de Diderot. Elle peut aussi devenir un plaisir ludique pour le lecteur, dans l’anachronisme ou le décalage des enjeux ; ainsi des nombreuses « mazarinades » de la période de la Fronde, chacun accusant l’autre d’imposture dans des pamphlets sans fin qui font aujourd’hui sourire par leur subtilité ou leur grossièreté, leur mauvaise foi ou leur chaleur outrancière. Réserve de surprise, de quiproquo, de malentendu, l’imposture donne au critique un objet d’étude dont il aurait tort de se priver. L’imposture enfin apparaît souvent comme le lieu, plutôt que d’une opposition radicale du vrai et du faux, de leur reconfiguration, d’une ambigüité, d’un brouillage. C’est pourquoi elle est souvent réciproque : Molière accuse les dévots d’imposture et à leur tour les dévots l’accusent d’imposture libertine. Rousseau et les philosophes s’accusent mutuellement d’hypocrisie. Les stratégies d’accusation sont parfois plus signifiantes encore que l’imposture elle-même. Pour preuve un épisode qui ne tient à notre période que par son origine, à l’extrême fin du dix-huitième siècle, la mort du dauphin Louis XVII à la prison du Temple. Sa disparition donna lieu à un certain nombre d’impostures au dix-neuvième siècle, dont la plus robuste fut celle d’un certain Nauendorff, horloger allemand qui se prétendait Louis XVII et réussit à convaincre un certain nombre des proches du jeune dauphin encore vivants. En 1887, un journaliste, Pierre Veuillot, écrit une brochure intitulée L’imposture des Nauendorff, qui lui vaut la même année une réponse de cinq cents pages dont le titre est éloquent : L’imposture de P. Veuillot, ou Pierre Veuillot convaincu d’erreur, de mensonge et d’illogisme dans sa brochure « L’imposture des Nauendorf », par un ami de la uploads/Litterature/ l-x27-imposture-a-l-x27-age-classique.pdf

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