1 La splendeur balzacienne de Plus Belle la vie Habitués aux séries télévisées

1 La splendeur balzacienne de Plus Belle la vie Habitués aux séries télévisées populaires, les Britanniques observent avec une certaine ironie les commentaires enthousiastes que suscite le succès du soap diffusé chaque soir à 20 h 20 sur France 3. Les unes des journaux en font un phénomène de société, les critiques y voient une réponse balzacienne contemporaine et les sociologues un moyen de lutter contre les préjugés, de briser les tabous et même de changer la face de la France grâce a sa veine populaire et à la noblesse de ses idéaux. S'agit-il d'une nouvelle théorie intellectuelle? D’un traité de politique? ou encore d'un mouvement religieux? Rien de tout cela, quoique le phénomène en question inspire à ses adeptes le même culte fervent. Il s'agit de psychologie du quotidien, de l’observation fouillée et sans concession de la réalité au travers du prisme de la fiction et d'une caméra de télévision. Bref, il s'agit d'un soap opera. Plus belle la vie, feuilleton quotidien sur les aventures et les mésaventures d'un groupe de Français moyens dans un Marseille inondé de soleil, est la première série à grand succès que connaît la France depuis plusieurs décennies. Certains diront même la première de l'histoire de la télévision, dans ce pays qui, jusqu'á présent, refusait de copier les formules anglo-saxonnes en vogue. Tous les soirs de la semaine, à 20 h 20, environ 6 millions de personnes s'installent pour leur dose quotidienne d'émotions et d'aventures par procuration. Mi-novembre, la série a enregistré un record avec 6,8 millions de spectateurs et une part d'audience de plus de 25 %. 2 France 3, la chaine publique qui a lancé la série en 2004, lui a offert récemment une soirée entière, diffusant quatre épisodes à la suite. TF1 et France 2, qui au même horaire d'« access prime time» proposent leur JT, n'ont que leurs yeux pour pleurer la désaffection de leurs téléspectateurs. Ce succès est si fulgurant et si inattendu que même les créateurs de la série ne l'avaient pas imaginé. «Il y avait des séries de ce genre dans les années 1970. [Notamment Vive la vie! avec Micheline Presle et Daniel Ceccaldi, dont les 143 épisodes ont été diffusés à partir de 1966.] Mais, depuis, le genre était complètement tombé en déshérence », remarque Christophe Marguerie, président de la maison de production Telfrance. [Avant Plus belle la vie], « les chaînes n'avaient tout simplement pas envie de tenter l'aventure. Nous avons été les premiers. Nos concurrents s'y essaient maintenant et lancent eux aussi leurs propres séries ... mais elles ne décollent pas» On attribue le « phénomène PBLV», comme l'appellent les médias, à plusieurs facteurs. Ses créateurs assurent avoir inventé une série qui « tend un miroir à la société française » en décrivant la vie quotidienne et les tracas de gens ordinaires. Voila une ambition qui peut sembler bien banale aux Britanniques que nous sommes, accros de longue date à Coronation Street ou East Enders [deux séries populaires diffusées depuis 1960, pour la première, et depuis 1985, pour la seconde], mais, en France, c'est un fait rare, suffisamment en tout cas pour que le sociologue Michel Maffesoli assure pompeusement que Plus belle la vie marque « le retour de l´importance du banal, au sens étymologique du terme ». Offrant à la saga télévisée des références littéraires, Michel Maffesoli n'hésite pas à écrire que PBLV serait l’équivalent contemporain de La Comédie humaine, l'imposant chef- d’œuvre de Balzac. 3 « Notre beur" est avocat et notre Noir, cadre supérieur » Les sujets de société abordés vont de l'immigration au racisme, en passant par les sectes et l'homophobie. Le casting met en scène toutes les générations, toutes les couleurs de peau et toutes les orientations sexuelles. Les ados se droguent, les homosexuels s’embrassent et la policière d’origine maghrébine livre sur deux fronts sa guerre contre la discrimination. « Nous avons fait le choix délibéré de ne pas éluder les problèmes les plus délicats de la société française et de les aborder de face, par l´intermédiaire de personnages auxquels les spectateurs tendent á s'identifier », explique Thierry Sorel, directeur adjoint de l'unité fiction de France 3. « Nous ne faisons pas la morale, nous ne jugeons pas, mais la série aide les gens à comprendre d'autres points de vue. » Ses créateurs sont convaincus qu'une série télé peut avoir des répercussions bénéfiques sur la société si elle donne à voir des personnages réalistes, et non des stéréotypes. « Notre Beur n'est pas épicier mais avocat. Notre Noir est cadre supérieur », insiste Christophe Marguerie. Une approche qui agace aussi. «La série se veut très républicaine (tout le monde est tolérant envers tout le monde, c'est cool d'être gay), mais en réalité cette vision est très problématique », estime Marie-Hélène Bourcier, sociologue et militante des droits des homosexuels. «Les personnages ont quarante ans de retard. Tout cela est très négatif, ça n'a rien d'un progrès » Mais la success story de Plus belle la vie semble partie pour durer. Ces derniers mois, au-delà de la série télévisée, s'est développée toute une gamme de produits dérivés, ainsi qu'un magazine destiné aux fans qui se 4 vend à plus de 1 million d'exemplaires par mois. Ouverte en juillet dernier à Marseille, la boutique consacrée à PBL V reçoit des centaines de visiteurs chaque jour, la plupart venus spécialement pour visiter la ville qui a inspiré leur fiction. L’office du tourisme de Marseille s'en frotte les mains et organise des visites des studios de tournage et du quartier du Panier, dont s'inspireraient les ruelles et les places ombragées du quartier fictif appelé le Mistral. Comme le reconnaît son directeur, Maxime Tissot, interrogé par France Soir, «c'est la meilleure carte de visite que l'on pouvait espérer ». Lizzy DAVIES, The Observer, dans Courrier international, nº 944, 4 décembre 2008. VOCABULAIRE :  Briser : V. romper, destrozar.  Fouillé,e : exhaustivo,a  Même: incluso, hasta.  Jusqu´à présent : hasta ahora.  Par procuration:  Mi-novembre: a mediados de noviembre.  Une part d´audience: una couta de audiencia.  Une soirée entière : una tarde, noche entera.  Ne + verbo + que : solo, solamente.  Diffuser : transmitir, difundir.  Notamment : especialmente, particularmente, sobre todo.  À partir de : a partir de, desde.  Tomber en déshérence :  Remarquer : comentar, observar. 5  Maison de production : compañía de producción.  Tout simplement : sencillamente  Concurrents : competidores.  Essayer : probar, intentar.  Décoller : despegar.  Tendre : tender.  Les tracas : problemas, preocupaciones.  Ambition : ambición, aspiración.  Suffisamment : suficientemente.  En tout cas: de todas maneras, en cualquier caso, en todo caso.  Hésiter : dudar  cadre supérieur :  mettre en scène : dirigir, interpretar.  La choix : la elección.  Convaincus : convencidos  Convaincre : convencer.  Semble partie pour durer : parece hecha para durar.  Ainsi que: así como, y también.  Consacrer : consagrar, dedicar.  Le tournage : el rodaje.  La ruelle : el callejón.  Ombragé : Sombreado.  L´aprroche: el enfoque, aproximación.  Agacer : molestar, provocar.  Se veut : se vouloir  Bref : total, en resumen. 6 uploads/Litterature/ la-splendeur-balzacienne-de-plus-belle-la-vie.pdf

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