LA TENTATION LITTÉRAIRE DE L ’ART CONTEMPORAIN sous la direction de Pascal Moug

LA TENTATION LITTÉRAIRE DE L ’ART CONTEMPORAIN sous la direction de Pascal Mougin les presses du réel FIGURES Cet ouvrage fait suite au colloque international « La tentation littéraire de l’art contemporain » qui s’est tenu au Lieu unique à Nantes les 16 et 17 octobre 2014, organisé dans le cadre des travaux de l’équipe THALIM « Écritures de la modernité » (Université de la Sorbonne nouvelle / CNRS) en partenariat avec le Lieu unique, l’École supérieure des beaux-arts de Nantes métropole et le programme « Les Contemporains – Littérature, arts, théorie » (Université Paris-Diderot / Université Paris 13). Il est publié avec le soutien de l’équipe THALIM et du programme « Les Contemporains ». Collection « Figures » LA TENTATION LITTÉRAIRE DE L ’ART CONTEMPORAIN sous la direction de Pascal Mougin les presses du réel INTRODUCTION Art, littérature : du séparatisme historique aux convergences actuelles Pascal MOUGIN I. HISTORIQUES Images et mots dans l’art contemporain en Belgique (d’)après Magritte Denis LAOUREUX L’artiste en romancier « amateur » selon Jean Le Gac Anne MŒGLIN-DELCROIX Une possible réconciliation de l’image et du texte dans la peinture française des années 1980 Camille DEBRABANT Édouard Levé ou « la mort de l’auteur » (dans l’art contemporain) Jean-Pierre SALGAS II. MODÈLES OU PRÉTEXTES LITTÉRAIRES ? Modèles littéraires à l’œuvre dans le film essai. Le cas Montaigne Véronique TERRIER HERMANN Anne de Sterk et Dominique Petitgand : paroles manquées Marion DANIEL Entretien. Texte, littérature, exposition Jean-Max COLARD, Nicolas FOURGEAUD, Mathieu COPELAND, Y oann GOURMEL III. L’AUTORITÉ LITTÉRAIRE : USAGE ET CONTESTATION De quelques usages récents de la littérature par la performance : Benjamin Seror, Louise Hervé et Chloé Maillet Nicolas FOURGEAUD 7 39 41 59 81 97 119 121 131 149 165 167 SOMMAIRE Présence des textes et représentation du Texte dans Doubles-jeux de Sophie Calle Sylvia CHASSAING IV . AVATARS DE LA FICTION La mise en récit de l’œuvre de Philippe Thomas : esquisse d’une analyse de la structure narrative Émeline JARET Fictions de l’art, arts de la fiction Laurence CORBEL De rerum fabula / de rerum natura : le livre de la nature et ses fictions Émilie FRÉMOND V . ÉCRITURE-IMAGE Peint avec la langue. Arnaud Labelle-Rojoux, un artiste qui écrit Laurence PERRIGAULT Dalida Shakespeare Arnaud LABELLE-ROJOUX Le devenir-image de la littérature : peut-on parler de « néo-littérature » ? Magali NACHTERGAEL INDEX DES NOMS ILLUSTRATIONS ET COPYRIGHTS LES AUTEURS 193 205 207 221 235 255 257 273 285 299 311 317 Introduction. Art, littérature : du séparatisme historique aux convergences actuelles PASCAL MOUGIN Écrivains performeurs et artistes du langage Les interférences contemporaines de l’art et de la littérature s’observent dans ce que la critique récente appréhende sous les termes de « littérature hors du livre », de « littérature d’exposition » ou encore de « littérature plasticienne1 ». Le phénomène vaut sans doute d’être envisagé comme un paradigme inédit, conséquence de ce « pictorial turn » plus large théorisé par William Mitchell et qui aurait, depuis la décennie 1990, institué la visualité en modèle de référence2 : la littérature actuelle, comme les autres productions symboliques, ne pourrait se comprendre que dans sa dépen- dance aux images et donc, pour sa part la plus inventive, que comme une 1. Voir en particulier les numéros de revues et ouvrages suivants : L’Art même (Bruxelles), n° 55, 2e trimestre 2012, « Art contemporain et littérature » ; Elisa BRICCO (dir.), Le Bal des arts. Le sujet et l’image, écrire avec l’art, Macerata, Quodlibet, coll. « Quodlibet studio. Lettere. Ultracontem- poranea », 2015 ; Jérôme GAME (dir.), Art Press 2, n° 26, août-sept.-oct. 2012, « MAC/Val : ce que l’art fait à la littérature » ; Jérôme GAME, Sous influence. Ce que l’art contemporain fait à la littérature, MAC/Val, coll. « Chroniques muséales », 2012 ; Bernard GUELTON (dir.), Fiction et médias, intermédialités dans les fictions artistiques, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Arts et monde contemporain », 2011 ; Images et récits. La fiction à l’épreuve de l’intermédialité, Paris, L’Harmattan, 2013 ; Denis LAOUREUX (dir.), Textyles (Bruxelles, le CRI), n° 40, 2011, « Écriture et art contemporain » ; Magali NACHTERGAEL (dir.), Textuel, n° 52, 2007, « Lectures de l’art contem- porain (1970-2000) » ; Olivia R OSENTHAL et Lionel RUFFEL (dir.), Littérature, n° 160, déc. 2010, « La Littérature exposée. Les écritures contemporaines hors du livre ». Sur la notion de « littérature plasticienne » voir en particulier : Jean-Max COLARD, « Quand la littérature fait exposition », dans Littérature, n° 160, op. cit., p. 74-88. 2. Voir William J. T . MITCHELL, Picture Theory. Essays on Verbal and Visual Representation, Chicago, University of Chicago Press, 1995 ; du même auteur, traduit en français : Iconologie : image, texte, idéologie [1986], Paris, Les Prairies ordinaires, 2009 ; Que veulent les images ? Une critique de la culture visuelle [2005], Dijon, Les presses du réel, 2014. Le pictorial turn intervien- drait après le linguistic turn des années 1950-1970 et le narrative turn des années 1980-1990, qui avaient successivement fait du langage et du récit le modèle d’intelligibilité de la culture en général, et légitimerait les visual studies comme discipline désormais susceptible d’englober toutes les autres. Magali Nachtergael, dans la dernière contribution de cet ouvrage, revient sur cette hypo- thèse. 7 émanation des arts visuels, si bien que les œuvres d’artistes et les œuvres d’écrivains ne seraient plus guère démarquées. Mais cette zone nouvelle d’indistinction relative se situe en fait au point de rencontre de deux che- minements croisés, historiquement distincts : d’un côté des écrivains ou poètes qui vont vers les arts visuels, l’exposition ou la performance scé- nique3, de l’autre des artistes qui mobilisent le langage d’une manière plus ou moins intégrée au reste de leur production – langage « représenté » plastiquement, expositions parlées, associations texte-image ou combi- naisons intermédiales plus larges, écrits, fictionnels ou non, publiés sous forme de livres à part entière4. Les premiers, écrivains performeurs ou écrivains plasticiens, s’inscri- vent dans un courant qui, en France, remonte à l’avant-garde poétique et expérimentale des années 1970, en rupture avec le textocentrisme alors dominant et son attachement au support papier : cette dissidence s’incarne dans la revue Doc(k)s fondée en 1976 par Julien Blaine, tournée vers la « poésie action » et le dialogue avec les artistes, dans les séances de lectures publiques organisées à partir de 1977 par Emmanuel Hocquard au dépar- tement de l’ARC du musée d’Art moderne de la Ville de Paris ; elle hérite elle-même du courant plus ancien de la poésie sonore (travail au magné- tophone de Bernard Heidsieck et Henri Chopin, recherches sur le son, l’es- pace et la vidéo de Giovanni Fontana) ; elle s’est prolongée dans les années 1990 par la Revue de littérature générale ou encore les éditions Al Dante. Les seconds, artistes « écrivant » ou artistes écrivains, héritent d’une histoire de l’art longtemps marquée – on y reviendra – par une tradition séparatiste de la peinture et de la poésie, tradition qui culmine avec le purisme visuel du modernisme tardif mais qui sera contestée à partir des années 1960 par les artistes Fluxus et la notion d’intermédia, avant le 3. Quelques noms : Olivier Cadiot, Christophe Fiat, Jérôme Game, Jean-Y ves Jouannais, Jean- Charles Massera, Jérôme Mauche, Emmanuelle Pireyre, Olivia Rosenthal, Frank Smith, Kenneth Goldsmith aux États-Unis. 4. Voir le recensement de romans ou récits d’artistes lancé par les deux commissaires David Maroto et Joanna Zielinska dans le cadre du projet The Book Lovers [http://www.thebook lovers.info]. On relève parmi les quelque trois cents références réunies beaucoup d’artistes émer- gents, des artistes en production confirmés (entre autres Rodney Graham, Richard Prince, Liam Gillick, Hubert Renard, Valérie Mréjen) à côté de quelques autres plus anciens (Francis Picabia, Jean de Bosschère, Isidore Isou). Voir aussi, sur l’art narratif d’aujourd’hui : Mike BRENNAN, « Neo-narration : Stories of Art », 2010 [http://www.modernedition.com/art-articles/neo-narration/ neo-narration.html]. 8 tournant linguistique de l’art opéré par l’art conceptuel. Ces deux temps forts permettront à l’art de s’orienter vers la narrativité dans la décennie suivante, puis d’affirmer un tropisme véritablement littéraire dans les années 1990. Peintres-poètes et poètes-peintres, modèles littéraires de l’art, transfuges L’histoire de la littérature et l’histoire de l’art qui convergent aujourd’hui n’en sont bien sûr pas à leur première rencontre. D’abord parce qu’il y eut de tout temps des peintres-poètes et des poètes-peintres – mais on peut objecter qu’il s’agit de cas individuels, isolés, et que la dou- ble activité, occasionnelle (Picabia romancier, Picasso auteur dramatique) ou plus régulière (William Blake, Hans Arp), demeure peu significative d’un rapprochement intrinsèque des deux disciplines5. Reste que, en par- ticulier dans la période récente, l’art ne serait pas ce qu’il est sans la litté- rature elle-même : la fortune plastique de Mallarmé, Roussel, Jarry , Borges, Bioy Casares, Queneau, Perec, Beckett, Robbe-Grillet, Duras, entre autres, est considérable et reconnue comme telle par les artistes, qui sont 5. L’exposition « Peintres-poètes / Poètes-peintres » organisée en 1957 au musée de Saint-Gall (catalogue : Malende Dichter–Dichtende Maler, Zurich, Verlag der Arche, 1957) a uploads/Litterature/ la-tentation-litteraire-de-l-x27-art-contemporain-pascal-mougin-sous-la-direction.pdf

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