Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert QUE SAIS-JE ? La traduc
Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert QUE SAIS-JE ? La traduction MICHAËL OUSTINOFF Maître de conférences HDR à l'université de Paris-III-Sorbonne Nouvelle et chercheur associé à l'ISCC (CNRS) Quatrième édition mise à jour 9e mille Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Introduction À l’heure de la démocratisation des voyages et des nouvelles technologies, qui nous met en contact avec les langues les plus diverses, la traduction non seulement s’étend mais se diversifie pour prendre de nouvelles formes, qu’il est indispensable de prendre en compte, que ce soit à l’échelle du spécialiste ou du profane. Pourtant, les mécanismes de la traduction demeurent méconnus, notamment parce qu’on la croit réservée aux seuls spécialistes. Son domaine est en réalité bien plus vaste : avant d’être l’affaire des traducteurs ou des interprètes, elle constitue, dans son principe, une opération fondamentale du langage. C’est en partant de là que l’on est mieux à même de comprendre ses différentes manifestations, qu’elles soient écrites (traduction littéraire, traduction journalistique, traduction technique) ou orales (traduction consécutive ou simultanée des interprètes). Six parties seront abordées tour à tour. La première soulignera que l’apparente diversité des langues ne doit pas faire oublier les correspondances qui les relient en profondeur, ce qui permet de mieux Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert comprendre ce qui rend possible le passage de l’une à l’autre. On s’aperçoit alors que la traduction a une portée bien plus générale qu’on le pense habituellement, car elle est présente au sein même de toute langue, par le biais de la reformulation. T oute communication présuppose l’exercice d’une telle faculté, que l’on utilise une langue ou plusieurs. À la question : « Qu’est-ce que traduire ? », il est impossible de répondre sans tenir compte de la dimension historique. On distinguera trois grands axes : celui de la problématique de l’esprit et de la lettre, distinction que l’on peut faire remonter à la traduction des textes grecs par les Romains ou des textes bibliques d’abord en latin (Vulgate de saint Jérôme) puis dans les langues vernaculaires (traductions de Cyrille et de Méthode pour le monde slave [1], Bible de Luther pour l’allemand, Authorized Version pour l’anglais, etc.). Dans cette première période, qui va jusqu’à la Renaissance, ce que l’on recherche, c’est une certaine fidélité à l’original, mais aux XVIIe et XVIIIe siècles s’opère un mouvement de balancier dans la direction opposée : partant du principe qu’une traduction ne pouvait être belle qu’en étant infidèle, les traducteurs se sont détournés de la lettre de l’original comme bon leur semblait. Aujourd’hui, de telles transformations ne sont plus acceptées (elles seraient considérées comme des adaptations), ce qui exige de faire preuve d’une plus grande littéralité. Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert L’histoire de la traduction est indissociable des écrits sur la traduction. La plupart relèvent de la critique des textes, ce qui va de soi dans le cas des textes religieux ou littéraires. C’est dans ce cadre de la critique, entendue au sens large, que l’on doit replacer les théories contemporaines de la traduction, fort nombreuses. Celles-ci peuvent se ranger en deux grandes catégories : celles qui prennent appui sur la linguistique et celles qui débordent ce cadre, quitte à s’en inspirer au besoin. Les différentes manières de traduire aussi bien que les cadres théoriques sont d’une très grande diversité, d’où l’importance de faire apparaître les mécanismes sous-jacents de la traduction, de la façon la plus objective possible. On privilégiera l’approche descriptive (« comment traduit-on ? ») au détriment de l’approche prescriptive (« comment faut-il traduire ? ») ou purement théorique (« qu’est-ce que traduire ? »). En matière littéraire, c’est l’écrit qui a prévalu sur l’oral, du moins dans la civilisation occidentale. C’est pourquoi les études portant sur la traduction orale sont plus rares et plus tardives que celles portant sur la traduction écrite. Ce déficit étant aujourd’hui comblé, c’est un domaine que l’on ne saurait oublier, vu son importance. En raison de la diversité de ses formes, la traduction demande à être examinée dans un cadre plus large, Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert celui de la traduction « intersémiotique » (R. Jakobson), où il ne s’agit plus de passer d’une langue à une autre, mais d’un système de signes à un autre. Cette forme de traduction revêt une importance toute particulière au moment où les nouvelles technologies, notamment avec les transmissions par satellite et Internet, nous plongent dans un monde multilingue et protéiforme où la traduction, sous toutes ses facettes, est appelée à jouer un rôle déterminant. La traduction est devenue une part importante des activités des grands organismes internationaux, qui font appel à des traducteurs et à des interprètes de haut niveau. On n’oubliera cependant pas, en amont, l’importance qu’elle revêt pour l’apprentissage des langues étrangères et, plus fondamentalement, dans la connaissance de sa propre langue, car, comme le disait Goethe, grand traducteur : « Qui ne connaît pas de langues étrangères ne sait rien de la sienne. » [2]. C’est une formule qui peut s’inverser : la connaissance de sa propre langue contient en puissance celle de toutes les autres – au travers de la traduction. La traduction n’est pas qu’une simple opération linguistique : les langues sont inséparables de la diversité culturelle, cette diversité vitale que l’ONU, au travers de l’Unesco, entend défendre afin d’éviter la prolifération de conflits dus au choc des cultures en ce XXIe siècle. Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Notes [1] Voir Roman Jakobson, Selected Writings: Early Slavic Paths and Crossroads, Volume VI, Berlin/New York, Mouton de Gruyter, 1985. [2] Cité par George Kersaudy, Langues sans frontières. À la découverte des langues de l’Europe, Paris, Autrement, 2001, p. 147. Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Chapitre I Diversité des langues, universalité de la traduction Nimrud’s tower was built of words. George Steiner, Language and Silence, 1966. I. Babel et la diversité des langues l y aurait plus de 6 000 langues parlées aujourd’hui, certains disent moins, mais peu importe : leur nombre est tel qu’il serait chimérique de vouloir les apprendre toutes. La tour de Babel constitue la figure emblématique de cette profusion au-delà de ses diverses représentations picturales, et même si la tour a effectivement existé à Babylone (les vestiges en sont encore visibles en Irak), un mythe est fait de mots. I Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Dans la Genèse (XI, 9), le récit se termine ainsi : « Yahvé les dispersa de là sur toute la surface de la T erre et ils cessèrent de bâtir la ville. Aussi la nomma- t-on Babel, car c’est là que Yahvé confondit le langage de tous les habitants de la T erre et c’est là qu’il les dispersa sur toute la surface de la T erre. » [1]. Nulle part on ne trouvera de référence à la traduction, mais lire la Bible la présuppose : rares sont ceux en mesure de lire l’Ancien T estament « dans le texte », c’est-à- dire en hébreu. Impossible de parler de traduction en faisant l’impasse sur les textes bibliques, que l’on soit croyant ou non, ne serait-ce que parce qu’ils ont été et continuent d’être, de très loin, l’objet de la plus vaste entreprise de traduction dans l’histoire de l’humanité : actuellement, la Bible a été traduite dans 2 233 langues. Aucun autre texte d’une égale importance ne se décline en autant d’idiomes. À la diversité des langues, il faut également superposer la diversité des versions : si nous avons pris pour référence la Bible dite de Jérusalem, beaucoup d’autres existent. Indépendamment de la dimension religieuse, la traduction de la Bible fait apparaître trois données fondamentales qui s’appliquent à toute forme de traduction. T out d’abord la question, évidente, du changement de langue : on traduit, car la langue originelle n’est pas ou n’est plus comprise. Si, au iiie siècle av . J.-C., la colonie juive d’Alexandrie traduit en Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert grec la Bible des Septante, c’est pour la rendre accessible au plus grand nombre, ce qui implique de recourir à la langue dominante du moment. C’est pour des raisons analogues que le Nouveau T estament sera rédigé en grec et non dans la langue du Christ, l’araméen. Entièrement traduits ou rédigés en grec, les textes bibliques seront à leur tour traduits en latin, devenu la langue dominante de la chrétienté. La première fonction de la traduction est donc d’ordre pratique : sans elle, la communication est compromise ou impossible. On voit tout le parti que l’on peut tirer de cette faculté : les interprètes avaient rang de prince en Égypte, en raison de l’importance primordiale qu’ils pouvaient revêtir en matière de diplomatie. À l’inverse, on comprend pourquoi la traduction peut s’avérer, au plein sens du terme, la condition de survie d’une langue. Si la pierre de Rosette n’avait pas contenu la traduction d’un uploads/Litterature/ la-traduction.pdf
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- Publié le Nov 09, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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