A. DE LAMARTINE PAR LUI-MEME 1790-18~.7 Pe~ ALPHONSE LEMERRE, ÉDITEUR 2~t, PASS
A. DE LAMARTINE PAR LUI-MEME 1790-18~.7 Pe~ ALPHONSE LEMERRE, ÉDITEUR 2~t, PASSAGE CHOISEUL, 2~t MDCCCXCII A. DE LAMARTINE PARLUI-MÊME OEUVRES DE A. de Lamartine l~ volumes petit in-12 couronne, à 6 fr. le volume. (PetiteBibliothèque littéraire) PREMIÈRES MÉDITATIONS. Ivol. NOUVELLES MÉDITATIONS. 1 vol. HARMONIES POÉTIQ.UES. Ivol. JOCELTN. I VOI. LA CHUTE D'UN ANGE. I VOI. RECUEILLEMENTS POÉTIQUES. 1 Vol. POÉSIES INÉDITES. IYot. LES CONFIDENCES. GRAZIELLA I Vol. LES NOUVELLES CONFIDENCES. I vol. RAPHAEL. Ivol. LETAILLEUR DE PIERRES. I VOI. VOYAGE EN ORIENT. 2Tol. LECTURES POUR TOUS. I VOI. 11a iti tiri des ~uvres de Lamarune j'ao exemplairer sur ~apier vergi, au prix de 6 francs le volume. Tous droits réservés. ..AVIS DE Z.'E'D/'TB!7~ Cette autobiographie'de Lamartine est, pour ainsi dire, inédite. Elle fut publiée par l'auteur à la fin de l'édition de ses Œuvres complètes en quarante volumes, qui ne pouvait s'acquérir que par souscription à la collection entière. Elle comprend la partie des MÉMOIRES POLITIQUES jusqu'à l'HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848. C'est le dernier livre que Lamartine ait écrit (186~), et sans contredit l'un des plus remarquables. Les Confidences, Les Af~Mot~M inédits ne dépassaient pas sa jeunesse. Ici c'est l'homme raconté et jugé par lui-même. Aussi ce titre nous a semblé le mieux approprié à ce volume. Ce livre résume les notes biographiques éparses dans les préfaces, dans les commentaires des Poésies, dans les Entre- tiens littéraires, dans la Correspondance; et contient des aperçus nouveaux écrits avec l'autorité que donne la vie à ses derniers IIi AVIS DE L'ÉDITEUR jours et un relief de style qui marque une œuvre testamen- taire. LES MÉMOIRES POLITIQUES étaient précédés d'une introduction, se rattachant plus aux circonstances privées qui déterminèrent la publication des oeuvres complètes, qu'au volume que nous publions. Nous n'avons pas cru devoir la reproduire. Lamartine est aujourd'hui hors du temps, dans la postérité. Le livre qui l'explique n'a pas besoin de préface pour le lecteur. 1 LAMARTINE PAR LUI-MÊME Z,7'U~ P~c~YE~ 1 ~~T~t~'A! raconté dans les Confidencesce qui ?)\J pouvait être raconté de ma vie d'heu- ~J' reuse et sainte famille, de belle jeu- nesse et de poésie innée; j'y renvoie mes lecteurs, et, laissant de côté dans l'ombre tout ce qui touche à la vie de l'âme dans ces années ou l'âme est tout l'homme etoù l'amour est l'âme tout entière, je vais rechercher dans mes notes éparses, con- fuses, incomplètes, tout ce qui dans ma vie et dans ces jeunes années mêmes a touché de près ou de LAMARTINE PAR. LUt-MËME 2 loin à la politique. On aura ainsi deux hommes très distincts en moi, parce qu'en réalité la nature me fit double l'homme de cœur et l'homme de bon sens, l'homme intérieur et l'hommeextérieur. Je sais bien que les envieux et les ignorants, les uns fournissant des dénigrements aux autres, affirment que je ne suis et que je ne fus jamais qu'un homme d'imagination, et que la politique, réservée à la médiocrité, ne fut jamais qu'une prétention de monamour-propre. Je ne perds pas mon temps à discuter avec eux ils ont peut-être raison; j'ai peut-être tort. Mais, tort ou raison, l'instinct ou le génie de la haute politique naquit avec moi. Ce n'est pas autre chose que le bon sens le plus vulgaire appliqué à la conduite des gouvernements et à l'organisation de la société selon les lieux et les temps; la droiture d'esprit dans les grandes choses et l'énergie de caractère dans les grands dangers de la vie publique. Un héros de bon sens, voilà le grand homme poli- tique. Je ne le fus pas, les circonstances ne me permirent pas de l'être; mais ce tue là, du moins, la vocation secrète et constante de ma vie dès l'âge où la nature, plus forte que le préjugé, parle dans l'homme. Cette vocation était naturelle dans un jeune homme bien doué, qui était né au milieu d'un temps essentiellement politique, d'une famille et d'une société presque exclusivement occupées de la chose publique, à peine échappées à l'échafaud LIVRE PREMIER populaire pour tomber dans la tyrannie militaire, et àla tyrannie militaire pour voir leur pays tomber dans deux invasions. Les scènes de la Terreur, celles du 18 brumaire, les conquêtes de Bonaparte, les incursions de Vienne et de Berlin, les mas- sacres de Madrid et l'incendie de Moscou, les revers de la Bérézina, l'anéantissement de Leipzig, les deux invasions françaises; le retour de l'île d'Elbe, payé si cher par la France et expié par tant de sang à Waterloo; le double retour des Bourbons acclamé par l'immense majorité du pays à cause de la paix et de la liberté rentrées avec eux; l'op- position naissante et ingrate, à peine rassurée sur l'étranger, ouvrant la lutte avec la charte de Louis XVIII et ne trouvant jamais assez de liberté, tant qu'elle n'aurait pas celle de chasser les bien- faiteurs tels étaient les sujets de conversation qui, dans ma famille; frappaient sans cesse mon esprit; comment la politique n'y serait-eUe pas entrée par tous les pores? L'air même que je res- pirais était passionné! Mais, quoique royaliste, cette passion était libérale. Aucun de nous n'avait vu avec peine la révolution modérée que deman- dait la France en 1789. Tous étaient constitu- tionnels comme la noblesse de province, surtout indignée des faveurs exclusives de la noblesse de cour et des privilèges scandaleux qui faisaient trois peuples d'une seule nation. Aucun d'eux n'avait émigré, désertion àl'étranger qui offensait leur patriotisme. Les doctrines réformatrices et LAMARTINE PAR LUI-MÊME 4 constitutionnelles de l'Assemblée constituante, dans son côté droit, étaient leurs doctrines. Mirabeau et La Fayette, liés d'idées et de corres- pondance avec deux de mes oncles, étaient leurs orateurs quand ils n'étaient pas factieux de paroles pour se faire pardonner leur génie monarchiste. J'étais moi-même ce qu'on était autour de moi, monarchiste comme ma famille, bourbonien comme le temps, libéralet constitutionnel comme l'atmosphère. L'air ambiant à dix-sept ans fa- çonne l'homme à son image. Quand je m'examine bien aujourd'hui, après tant de vicissitudes d'opinion et de règne qui m'ont mené de nécessités en nécessités jusqu'à la république, le plus beau des gouvernements à fonder, si les hommes étaient capables de le maintenir et dignes de le pratiquer en se respec- tant les uns les autres et en se faisant eux-mêmes respecter, je trouve que je suis, au fond, bien près de ce que j'étais alors, monarchiste de raison, libéral de tendance, anti-anarchiste de passion, bourbonien légitime de justice et d'honnêteté, républicain d'occasion et d'idéal; au fond, phi- losophe plus sceptique que fanatique de formes politiques, trouvant tout bon de ce que le temps et les circonstances imposent momentanément aux peuples, même l'intermittence des gouverne- ments nécessaires. Les peuples sont comme les hommes, ils vivent dutemps, ils changent comme lui. Il ne faut pas demander à l'homme, être LIVRE PREMIER <- contingent et mobile, la forme parfaite et im- muable de l'Être absolu et éternel 11 1 Je brûlais, en 181~).,d'entrer dans une carrière qui pût m'ouvrir les portes de la vie active. Mon père, mon grand-père, tous mes aïeux avaient servi le roi dans les armées, depuis la bataille de Fontenoy, où l'un de mes grands-oncles était mort sous le feu de la colonne anglaise et où le roi avait institué la croix de Saint-Louis, cette noblesse dans la noblesse. Fils unique, portant le nom et le cœur de la famille, je désirais naturel- lement entrer dans l'armée; je le désirais depuis l'âge de quinze ans. Mais mes parents n'avaient pas permis que j'entrasse dans les écoles mili- taires de Bonaparte pour en sortir officier dans un de ses régiments. Cette oisiveté n'était pas saine. On m'avait envoyé voyager seul en Italie avant l'âge. On peut voir dans l'épisode intitulé G?-~W/a, des CONFIDENCES, comment j'y avais enflammé mon cœur et évaporé mon imagination de dix- huit ans dans des amours naïves et champêtres avec la fille du pauvre pêcheur d'Ischia, près de Naples. J'étais revenu. Mon départ l'avait tuée. LAMARTINE PAR. LUI-MEME 6 Après l'avoir pleurée quelques mois et m'en être souvenu longtemps comme d'un rêve du matin qu'on retrouve le soir, je m'étais, non consolé, mais distrait dans les loisirs de la campagne. Chasses, chevaux, chiens, courses de châteaux en châteaux voisins avec les jeunes gentilshommes de la contrée, élevés dans la même oisiveté que moi par les mêmes motifs de famille; liaisons légères avec de jeunes femmes, reines poétiques de ces réunions, et toutes très hostiles à Napo- léon et très ardentes royalistes pour ce rêve de restauration qui commençait à apparaître de loin à la France comme un horizon de paix et de liberté après le naufrage inévitable et prochain de la tyrannie. Voilà le milieu dont j'étais en- touré et qui formait, à mon insu, ce que je pre- nais pour des opinions. Je dois avouer cependant que mes études plus fortes d'antiquité que celles de la société dont j'étais environné; mon voyage en Italie, ou la haine du joug de Bonaparte était poussée alors jusqu'au fanatisme, haine dont j'avais été fortement inoculé dans les sociétés anti- françaises et uploads/Litterature/ lamartine-par-lui-meme 1 .pdf
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- Publié le Apv 25, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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