1 L’Épître de Paul aux Laodicéens Traduction et notes par Didier Fontaine didie

1 L’Épître de Paul aux Laodicéens Traduction et notes par Didier Fontaine didier@areopage.ent – www.areopage.net fig.1 Zeus Azeis de Laodicée Introduction Tout commence par cette étrange mention que l’on trouve sous la plume de l’apôtre Paul – certains diraient, non de Paul, mais d’un disciple – dans l’épître adressée aux Colossiens (4 :16): kai. o[tan avnagnwsqh/| parV u`mi/n h` evpistolh,( poih,sate i[na kai. evn th/| Laodike,wn evkklhsi,a| avnagnwsqh/|( kai. th.n evk Laodikei,aj i[na kai. u`mei/j avnagnw/teÅ quand cette lettre aura été lue chez vous, faites en sorte qu’elle soit aussi lue dans l’ekklésia des Laodicéens, et de même celle de Laodicée, qu’elle soit lue chez vous. Cette lettre de Laodicée rédigée par Paul a fait couler beaucoup d’encre. Pourquoi n’est-elle pas présente dans le canon actuel du Nouveau Testament ? A-t-elle été perdue, et quelles en sont les implications ?1 Est-ce celle qui nous est parvenue en latin, mais que tous prétendent pseudépigraphe ? Il faut déjà remarquer que l’expression th.n evk Laodikei,aj (celle de la Laodicée) est ambiguë2. Elle peut signifier : soit une lettre écrite par les Laodicéens3, soit une lettre écrite par Paul depuis Laodicée4, soit, plus logiquement, une lettre écrite par Paul aux Laodicéens. 1 Nous n’aborderons en détails pas la thèse de M.-É. Boismard (La lettre de saint Paul aux Laodicéens : retrouvée et commentée, Paris : Gabalda, 1999), assez audacieuse, et qui a d’autres parallèles possibles dans le Nouveau Testament (par ex. d’après R.E. Brown 1 Co contient deux ou trois lettres différentes, cf. Introduction to the New Testament, Anchor Bible Reference Library, 1997, p.512 ; idem pour 2 Co et Php.), selon laquelle cette lettre aux Laodicéens aurait été incluse par l’éditeur du corpus paulinien dans la lettre aux Colossiens : « En la lisant, on a l’impression de suivre le cours de deux lettres quelque peu parallèles. Nous avons alors pensé à ce qu’écrivait Paul à la fin de sa lettre aux Colossiens : il recommandait aux fidèles de Colosses de lire aussi la lettre qu’il écrivait au même moment aux fidèles de Laodicée, lettre dont nous n’aurions plus aucune trace. Mais cette lettre aux Laodicéens n’aurait-elle pas été fusionnée avec la lettre aux Colossiens par l’éditeur des lettres pauliniennes, ce qui expliquerait les doublets contenus dans cette dernière. C’est pour justifier cette hypothèse que nous avons rédigé le présent volume (…). » (p.7). Plus loin, il précise que « la lettre aux Laodicéens se trouve à l’état de membra disjecta dans la lettre aux Colossiens. » (p.8). Citons quelques passages qu’il appelle doublets : 1 :3-5 // 1 :9-10 ; 1:5b – 6a // 1 :23 ; 1:10-12 // 2 :6-7 ; 3 :17 // 3 :23… Il conclut en affirmant qu’il n’y a aucune raison sérieuse de douter de l’authenticité paulinienne de la lettre aux Laodicéens (lettre de sa captivité à Césarée), tout en émettant des réserves sur l’attribution de Colossiens à Paul… L’hypothèse de Boismard, plausible, n’occulte cependant pas à nos yeux le problème des destinataires d’Éphésiens, qui apporte une solution aussi recevable si ce n’est plus. 2 Migne, Dictionnaire, vol. III, p.61 ; Simon, Dictionnaire, p.6 3 Cela peut paraître étonnant, mais les faits indiquent que la pratique existait. Par exemple, 3 Corinthiens, autre écrit apocryphe attribué à Paul, présente (en latin) tant la requête des Corinthiens que la réponse de Paul. « However, while it is grammaticaly possible to interpret Col. 4 :16 in this way, the immediate context requires a different interpetation. The letter is represented as exchangeable with Colossians. Two communities, only a three- or four-hour walk apart on a 2 De cette lettre il ne nous est apparemment rien parvenu en grec5. Le document intitulé Epistola ad Laodicenses se trouve dans un peu plus d’une centaine de manuscrits de la Vulgate, dont le plus ancien est le Codex Fuldensis (546 de notre ère). Une très ancienne traduction nous est par ailleurs conservée dans le Harleian Mss. Cod. 1212, situé au British Museum. Un spécialiste déclare au sujet de sa présence dans ces versions : ... for more than nine centuries this forged epistle hovered about the doors of the sacred Canon, without either finding admission or being peremptorily excluded6. Connue des pères latins (peut-être pas sous la forme que nous lui connaissons actuellement) elle était tenue en estime par Grégoire le Grand7, mais rejetée par Jérôme : « On peut supposer encore que Paul est l'auteur de cette épître [aux Hébreux], et qu'il a retranché au commencement la formule de salut à cause de la haine que les Juifs avaient vouée à son nom. Hébreu lui-même et écrivant à des Hébreux, il employa la langue nationale avec tant d'élégance que les beautés de l'original passèrent dans la traduction grecque. Voilà d'où provient la différence qui semble exister entre cette épître et les autres ouvrages de Paul. Quelques auteurs ont mis sous son nom une épître aux Laodicéens, mais elle est généralement rejetée8. » - Œuvres complètes de Saint Jérôme, Vie des hommes illustres Jusque là, rien de véritablement étonnant. Des difficultés toutefois vont surgir du témoignage assez ancien du célèbre Canon Muratorianus, ou Fragment de Muratori (c. 90). Nous reproduisons ici le texte latin original, non amendé9, dont nous proposons une traduction. 63 fertur etiam ad 64. laudecenses alia ad alexandrinos pauli no 65. mine fincte ad heresem marcionis et alia plu 66. ra quae in catholicam eclesiam recepi non 67. potest 63 il existe aussi une [épître] aux 64. Laodicéens, une autre aux Alexandrins, attribuées faussement à Paul10, 65 pour [soutenir] l’hérésie de Marcion, et plusieurs autres 66. que l’eclesia universelle ne peut pas 67 recevoir11 Cela est troublant, car la soit-disant épître aux Laodicéens qui nous est parvenue, et que nous proposons ici en nouvelle traduction française, ne peut en aucun cas être assimilée à l’épître aux Laodicéens évoquée par le fragment de highway, receive two different letters. The author of Colossians urges its recipients to ensure that each community reads both letters. The word ‘from’ indicates not place of writing but place of access to the letter.” The Anchor Bible Dictionary (ABD), vol. IV, p.232 4 Et les épîtres suivantes ont été proposées : 1 Timothée, 1 et 2 Thessaloniciens ou Galates… 5 Lightfoot, J. B. Saint Paul's Epistles to the Colossians and to Philemon. 9e éd. Londres, 1890, p.281-293, démontre qu’elle a d’abord été rédigée en grec, et en fournit une rétroversion. 6 Lightfoot, op.cit., p. 297. 7 Moralia in Job 35 :20. 8 Lat. Legunt quidam et ad Laodicenses Epistolam ; sed ab omnibus exploditur. 9 Il est un fait que ce fragment nous a été transmis avec de nombreuses fautes d’orthographe et de syntaxe. Aussi notre passage devrait-il se lire : « fertur etiam ad Laodicenses, alia ad Alexandrinos, Pauli nomine fictae ad haeresem Marcionis, et alia plura, quae in catholicam ecclesiam recipi non potest; », cf Daniel J. Theron, Evidence of Tradition: Selected Source Material for the Study of the History of the Early Church (Grand Rapids, Michigan: Baker Book House, 1958): 106-112 qui en propose une reconstruction intégrale. 10 Sur cette pratique, qui était répandue, signalons les remarques que formule Philippe Rolland : « Il a existé une Épître aux Laodicéens, un Évangile de Thomas, un Évangile de Philippe, etc., mais ces écrits n'ont pas été reconnus, parce que le patronage des Apôtres était fictif. Mais la diffusion d'écrits pseudonymiques a commencé bien avant le IIe siècle. Déjà du vivant de Paul, ses adversaires ont fait circuler des lettres présentées comme venant de lui, pour répandre des idées contraires à son enseignement (cf. 2 Th 2,1). Le procédé était évidemment mensonger. C'est pourquoi Paul prenait bien soin d'authentifier ses lettres, en les confiant à des messagers dignes de foi, et en écrivant quelques mots de sa propre écriture (2 Th 3,17-18 ; 1 Co 16,21-24 ; Ga 6,11-18 ; Phm 18-19 ; Col 4,18). Paul n'admettait donc pas qu'on utilise son nom pour un écrit qu'il n'avait pas lui-même dicté, et il mettait en garde les chrétiens contre les faux qui étaient diffusés déjà de son vivant. » - L’origine et la date des évangiles. (emphase ajoutée). Cf une bibliographie sur les lettres deutéropauliniennes dans H. Conzelmann et A. Lindemann, Guide pour l’étude du Nouveau Testament, Labor et Fides, 1999, p.316-317 11 Voici la traduction qu’en donne J.-D. Kaestli : « Il circule aussi une (lettre) aux Laodicéens, une autre aux Alexandrins, écrites faussement sous le nom de Paul pour (défendre) l’hérésie de Marcion, et beaucoup d’autres écrits qui ne peuvent être reçus dans l’Église catholique », in : art. ‘Histoire du Canon du Nouveau Testament’, Introduction au Nouveau Testament, Labor et Fides, éd. D. Marguerat, 2001, 2e éd. aug., p.472. 3 Muratori12. Ceci pour la raison que les vingt versets de cette missive n’ont aucune visée théologique particulière. Elle ne fait, de plus, absolument aucune référence à la doctrine de Marcion, ni pour la condamner, ni pour la réfuter13. Ainsi raisonne le professeur Ehrman : It is difficult to see why a pseudonymous author would uploads/Litterature/ laodiceens.pdf

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