MANUEL DE POÉSIE FRANÇAISE Collectionné et préparé Par : Dr. Zouhair M. Mogamis

MANUEL DE POÉSIE FRANÇAISE Collectionné et préparé Par : Dr. Zouhair M. Mogamis Professeur au département de français Faculté des lettres Université AL- Mustansyriah Bagdad 2011 Introduction Ce "Manuel de poésie française", conçu pour les étudiants de la 3e année de notre département, est bien le fruit de plusieurs années de labeur assidu, et de réflexion sur la valeur quantitative et qualitative de son contenu. Faut-il aborder la poésie française dès son origine, ou bien se borner à une certaine période de sa très longue histoire? Doit-on aborder tous les poètes de la période choisie, ou s'en tenir aux plus illustres parmi eux? Puis, se pose le problème de sélectionner les poèmes de tel poète en question. Des soucis de la sorte incitent naturellement à méditer longuement avant de prendre toute décision, compte tenu des besoins de nos étudiants, de leurs prédilections, voire de leur culture, et encore plus de leur niveau en français, sans parler des coutumes et des mœurs qui s'imposent à nous, directement ou indirectement. Ceci dit nous avons tout d'abord opté pour le XIXe siècle, étant donné qu'il est, à nos yeux, si fécond en écoles et en productions littéraires, sans avoir la moindre intention de minimiser ni la richesse, ni l’importance des autres siècles. Ce manuel étudiera la période qui s'étend de 1820 jusqu'au début du xx e siècle; c'est-à- dire du préromantisme jusqu'au présurréalisme, en passant par le Parnasse et l'école symboliste. D'autre part, nous avons été plutôt enclin à n'étudier que les poètes les plus fameux de chaque école ou mouvement. C'est ainsi qu'y figureront par exemple les noms de Lamartine, de Hugo, de Gautier, de Leconte de Lisle, de Baudelaire, de Verlaine, de Rimbaud, et d'Apollinaire parmi bien d'autres noms qui avaient profondément laissé leurs empreintes sur l'ensemble du processus poétique. De chacun de ces poètes gigantesques, nous avons sélectionné quelques poèmes qui nous ont paru utiles à l'agencement et à la succession des écoles littéraires. Quant à l'étude et à 1'analyse de ces poèmes, nous avons cru bon de procéder de manière académique et pratique à la fois afin que 1intérêt soit total pour nos chers étudiants, Les poèmes seront donc annotés, puis accompagnés d'un court sommaire sur le fond, et suivis, enfin, de quelques questions qui serviront de guide pour sonder la compréhension des étudiants. Tout en présentant nos remerciements chaleureux à ceux qui, de près ou de loin, ont gentillement participé à l’accomplissement de ce manuel, nous nous adressons à ses futurs usagers de bien vouloir nous excuser des lacunes et des imperfections qui s’y seraient glissées à notre insu et auxquelles des travaux de la sorte n’échappent que très rarement. Préface Etymologiquement, le mot poésie dérive du verbe grec "poiein" qui signifie fabriquer ou produire1. C'est dire que le poète ne paraît pas comme un simple technicien ou illusionniste, mais plutôt comme un créateur; il est créateur de beautés réelles. Et les Anciens avaient parfaitement raison de qualifier la poésie de "perles de la parole", étant donné que ce n'est nullement un langage ordinaire. Ce qui en fait un langage recherché qui l'élève nettement du dessus de la prose, c'est la façon artistique de le distribuer conformément à des nécessités métriques ou rythmiques. Celles- ci le rapprochent même de la musique, si bien qu’un rapport organique naît aussitôt et lie étroitement les deux arts. Cette affinité ne se restreint pas uniquement au domaine musical, mais le dépasse de beaucoup pour embrasser les arts plastiques, chez les uns, la chimie et l'incantation chez d'antres, la psychanalyse, le psychisme et l'automatisme, chez d'autres encore. Un coup d’œil rapide sur le processus de la poésie française révélera qu'elle a parcouru plusieurs phases, vécu des crises violentes, et subi de multiples mutations affectives à travers les siècles. Les conceptions poétiques étaient également sujettes à des changements subits, profonds et radicaux. C'est ainsi qu'à l'époque classique le poète se préoccupait d'élaborer de belles et édifiantes imitations de la nature. Il croyait avoir le droit de l'embellir du moment qu'il produisait des objets esthétiques. A la place du vocabulaire commun, il utilisait un langage noble et rare, donc métaphorique, à condition de ne pas nuire à la perfection, ni à l'exactitude de la production littéraire. Puis le siècle des Lumières, dont les intérêts étaient plutôt d'ordre politique, philosophique, moral et rationnel pour préparer la voie à la grande Révolution, n’a pas été trop enclin à la poésie. Il l'a négligée et réduite à la portion si minime et congrue qu’elle allait presque s'asphyxier et mourir. Il faudrait louer les efforts de J.-J. Rousseau et de Bernardin de saint-Pierre qui, seuls, lui donnaient le souffle nécessaire pour la sauvegarder. Bien au contraire, le XIXe siècle était le grand âge des démonstrations et des débats. C’était l'âge de la véritable floraison littéraire. Quant à la poésie, elle a connu la plus importante évolution depuis la Renaissance. Mais s'agissait- il d’une évolution où d'une révolution de la poésie? A partir de 1820, date de la publication des "Méditations" de Lamartine, la poésie allait s'imposer comme le genre le plus approprié à l'épanouissement du moi romantique, à l'épanchement des convictions individuelles. Ses tâches ont sensiblement augmenté vis-à-vis des nouvelles conjonctures socio - politiques d'une société en pleine mutation et à la recherche d'elle- même. L'artiste, lui-même, s'est trouvé engagé à jouer un rôle "missionnaire": il devait guider ses semblables vers la liberté, la vérité et la dignité humaine. "Malheur à celui qui rit Alors que Rome brûle" (Lamartine) La période de 1820-1830 marque l'apogée de l'explosion romantique, de l'affirmation, parfois désespérée du moi, de l'apparition du mal du siècle au sein d' une nation éprouvée par la défaite poignante après tant de victoires remportées à l'Est comme à l'Ouest sous la bannière de l'Empire et par les ambitions démesurées de Napoléon. Vers le milieu des années 60 du XIXe siècle et en réaction contre les excès et les facilités du lyrisme sentimental, il s'est développé une nouvelle conception poétique revêtant le caractère d'une recherche technique: le Parnasse et la doctrine de l'Art pour l'Art. Désormais, c'est la forme qui l'emporte sur le fond. Du lyrisme donc, le passage est fait vers la description. La naissance et le développement de la photographie à cette époque n'ont pas passé sans laisser leurs traces sur la littérature, en général, et la poésie, en particulier. Une poésie, pittoresque, marquée pur la précision du travail, l'éclat des comparaisons, la souplesse du vers. C'est Théophile Gautier qui, vers 1850 déjà, a élaboré les principes de la doctrine lorsqu'il a affirmé que: "Il n'y a de vraiment beau que ce qui peut ne servir à rien. Tout ce qui est utile est laid"2. Gautier opte franchement pour le culte passionné de la beauté formelle, et il ne tarde pas d'adresser à ses collègues appels sur appels pour qu'ils cultivent leur travail de leur mieux: "Oui, l’œuvre sort plus belle D'une forme au travail Rebelle, Vers, marbre, onyx, émail"3 C'est dire que la poésie s'apparente aux beaux-arts. D'ailleurs ce culte même du rythme et du verbe a forcé le Parnasse à préparer, un peu malgré lui, le "symbolisme"4. Le succès brillant de Baudelaire, et le charme exquis de sa poésie dérive du mariage heureux entre cette quête de spiritualité et la recherche d'un langage nouveau qui puisse traduire les agitations secrètes de l'âme et les tremblements du corps. C'est ainsi que vers Les années 80 du même siècle a commencé l'ère des initiateurs capables d'enseigner les mystères du monde les plus imperceptibles pour les sens humains. Et la poésie a cessé d'être purement descriptive et gratuite pour devenir un procédé de connaissance du réel. A la suite de Baudelaire, Rimbaud Mallarmé et Verlaine sont persuadés qu'il existe un monde qui dépasse la réalité des choses, et que l'homme vit entouré de symboles. " La Nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles; L'homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l’observent avec des regards familiers". (Baudelaire), Correspondances Ce qu'on appellera vers la fin du XIXe siècle le symbolisme naît et se développe en réaction contre les certitudes scientifiques du positivisme. Baudelaire, le premier, lui a opposé la suprématie de la sensibilité. Il a privilégié l'art de voir au-delà des apparences et le plaisir des sensations rares. A sa suite, Verlaine, Rimbaud, Mallarmé, Corbière, Cros, Laforgue s'intéressaient à ce qui, dans le monde, est resté mystérieux, incertain et fascinant. Cette tendance littéraire a été également favorisée par le développement parallèle de la peinture (cf. L'impressionnisme) et de la musique (cf. Wagner), et par l'exploration toute nouvelle du monde de l'inconscient. Cela exigeait de la poésie une transformation capitale. Son but n'était plus l'esthétique (la science du beau), mais l’heuristique (la recherche de la vérité). Dans sa célèbre lettre à Paul Demeny, du 15 mai 1871, Rimbaud déclare: "Je dis qu'il faut être "voyant", se faire "voyant". Le poète se fait "voyant" par un long, immense et raisonné "dérèglement de tous les sens". Toutes les formes d'amour, de souffrance, de uploads/Litterature/ ldktor-zhyr-mnsk-k-ml.pdf

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