Karen Blixen Le festin de Babette Traduit du danois par Marthe Metzger Gallimar
Karen Blixen Le festin de Babette Traduit du danois par Marthe Metzger Gallimard Karen Blixen est née en 1885 à Rungstedlund, près de Copenhague, dans une famille aristocratique. Son père, le capitaine Wilhelm Dinesen, avait écrit de célèbres Lettres de chasse. Karen Blixen étudie les Beaux-Arts à Copenhague, suit des cours de peinture à Paris, en 1910, et à Rome, en 1912. Elle épouse en 1914 son cousin, le baron Bror Blixen Finecke, dont elle divorcera en 1922. De 1914 à 1931, elle habite au Kenya, où elle est propriétaire d’une ferme. Cette partie de sa vie lui inspire son livre le plus connu, La ferme africaine. Elle avait débuté dès 1907 en écrivant des récits dans un journal littéraire danois, sous le pseudonyme d’Osceola. Elle signera ses livres de divers noms : Isak Dinesen, Pierre Andrézel, Karen Blixen. Et elle écrira tantôt en anglais, tantôt en danois. Loin du côté vécu et presque autobiographique de La ferme africaine, l’autre versant de son œuvre est marqué par des œuvres d’imagination fantastique et baroque, comme les Sept contes gothiques et les Contes d’hiver. Tel est cet auteur, à part dans son pays et dans son temps. Karen Blixen est morte en 1962. Quand il reçut le prix Nobel, Ernest Hemingway, qui a chanté lui aussi les paysages de l’Est africain, déclara qu’il regrettait qu’on ne l’ait pas plutôt donné à l’auteur de La ferme africaine. TITRE ORIGINAL : ANECDOTES OF DESTINY (ISAK DINESEN) © GYLDENDALSKE BOGHANDEL NORDISK FORLAG COPENHAGEN-DANEMARK, 1958. © ÉDITIONS GALLIMARD, 1961, POUR LA TRADUCTION FRANÇAISE. Sommaire Le plongeur 7 Le festin de Babette 19 I DEUX DAMES DE BERLEWAAG 20 II L’AMOUREUX DE MARTINE 22 III L’AMOUREUX DE PHILIPPA 25 IV UNE LETTRE DE PARIS 28 V VIE PAISIBLE 31 VI LA CHANCE DE BABETTE 34 VII LA TORTUE 38 VIII LE CANTIQUE 41 IX LE GÉNÉRAL LÔWENHIELM 44 X LE DÎNER DE BABETTE 47 XI LE DISCOURS DU GÉNÉRAL LÔWENHIELM 51 XII LA GRANDE ARTISTE 54 Tempêtes 58 I LA VISION DE LA TEMPÊTE 59 II UN RÔLE À DONNER 62 III L’ENFANT DE L’AMOUR 65 IV Mme ROSS 69 V LE MAÎTRE ET L’ÉLÈVE 71 VI UNE TEMPÊTE 73 VII LE COURAGE 76 VIII LA MAISON DE LA PLACE DU MARCHÉ 81 IX UN BAL À CHRISTIANSSAND 85 X ÉCHANGE DE VISITES 87 XI UNE HISTOIRE DE FIANÇAILLES 90 XII FERDINAND 96 XIII Mme HOSEWINCKEL VA À L’ÉGLISE 100 XIV VIEILLES GENS ET VIEILLES HISTOIRES 103 XV HISTOIRE DE JENS AABEL ET D’UN SAGE CONSEIL 106 XVI LE MAÎTRE ET L’ÉLÈVE 110 XVII LA LETTRE DE MALLI 118 L’éternelle histoire 122 I MR CLAY 123 II ELISHAMA 126 III LA PROPHÉTIE D’ESAÏE 130 IV L’HISTOIRE 134 V LA MISSION D’ELISHAMA 138 VI L’HÉROÏNE DE L’HISTOIRE 142 VII VIRGINIE 146 VIII VIRGINIE ET ELISHAMA 149 IX LE HÉROS DE L’HISTOIRE 153 X LE SOUPER DE L’HISTOIRE 157 XI LE BATEAU 161 XII LE DISCOURS DU VIEUX MONSIEUR DANS L’HISTOIRE 164 XIII LA RENCONTRE 168 XIV LA SÉPARATION 170 XV LE COQUILLAGE 175 L’anneau 179 Le plongeur C’est Mira Jama qui a raconté cette histoire. « Un jeune étudiant en théologie, du nom de Saufe, vivait à Chiraz. Il était brillamment doué et avait le cœur pur. En lisant et relisant le Coran, il se prit à penser aux anges avec une intensité telle que son âme vivait en leur compagnie, bien plus qu’en celle de sa mère, de ses frères, de ses camarades d’études ou de tout autre habitant de Chiraz. « Il ne cessait de se répéter les paroles du livre sacré : « ... par les anges, qui entraînent les « âmes des hommes avec violence ; par ceux qui « attirent les âmes des autres avec douceur ; par « ceux qui planent dans l’air sur l’ordre de « Dieu ; par ceux qui précèdent et font pénétrer les justes dans le paradis ; et par ceux qui, soumis à Dieu, dirigent les affaires de ce monde en subordonnés. » « Le trône de Dieu, se disait-il, est sans doute placé trop haut pour que l’œil de l’homme puisse l’atteindre, et l’âme humaine tremble devant lui. Mais les anges radieux se meuvent entre les espaces azurés de Dieu et nos sombres maisons, nos sombres écoles. Nous devrions être à même de les voir et d’entrer en contact avec eux. » « De toutes les créatures, se disait Saufe, les oiseaux doivent être celles qui ressemblent le plus aux anges. L’Écriture ne dit-elle pas : tout ce qui se meut dans le ciel et sur la terre adore Dieu, et les anges font de même. » « Il est certain que les oiseaux se meuvent à la fois dans le ciel et sur la terre. « N’est-il pas dit plus loin : Ils ne sont point gonflés d’orgueil pour dédaigner de servir ; ils chantent ; ils font ce qui leur est commandé... » Les oiseaux font de même sans aucun doute. Si nous essayons d’imiter les oiseaux en tout, nous serons plus semblables aux anges que nous ne le sommes à présent. « Mais, en plus de ces choses, les oiseaux sont pourvus d’ailes. Il serait bon que les hommes fabriquent des ailes à leur usage, pour les élever jusqu’aux régions où règne une brillante et éternelle lumière. Un oiseau qui développerait jusqu’à son extrême limite la puissance de ses ailes pourrait croiser, ou dépasser, un ange sur un des sentiers sauvages de l’éther. Peut-être l’aile d’une hirondelle a-t-elle effleuré le pied d’un ange ? ou encore l’œil de l’aigle, au moment où les forces de l’oiseau étaient presque épuisées, a-t-il rencontré le regard paisible d’un de ces messagers de Dieu ? « Et Saufe prit une résolution : « J’emploierai tout mon temps et toutes mes connaissances à chercher le moyen de construire des ailes pour mes semblables. » Il décida, en conséquence, de quitter Chiraz pour étudier les mœurs des créatures ailées. Jusqu’à présent, il avait subvenu aux besoins de sa mère et de ses petits frères, en instruisant les fils de gens riches, et en copiant des manuscrits anciens. Sa famille objecta qu’elle serait réduite à la pauvreté sans lui. Mais il affirma que les résultats auxquels il parviendrait un jour les dédommageraient des privations de l’heure présente. Ses maîtres, qui avaient prévu pour lui une belle carrière, vinrent le voir pour lui faire comprendre que si le monde subsistait depuis si longtemps sans que les hommes puissent communiquer avec les anges, il devait sans doute en être ainsi, et il en serait également ainsi dans l’avenir. Le jeune Softa les contredit respectueusement : — Jusqu’à ce jour, dit-il, personne n’a vu les oiseaux migrateurs s’en aller vers des contrées chaudes qui n’existent pas, ou des rivières se frayer une route à travers les rochers pour s’écouler dans un océan introuvable. Dieu ne crée pas la nostalgie ou l’espoir, sans qu’une réalité ne réponde à cette nostalgie ou à cet espoir. La nostalgie que nous éprouvons est notre garantie. Heureux ceux qui ont le mal du pays, car ils rentrent chez eux. À plus forte raison, s’écria-t-il, emporté par la force de sa pensée, combien le monde des hommes se porterait-il mieux s’il pouvait consulter les anges, et apprendre d’eux le plan de l’univers, que les anges, eux, lisent facilement, parce qu’ils le voient d’en haut ! « Sa foi dans son entreprise était si forte qu’à la fin de l’entretien les maîtres renoncèrent à le persuader d’y renoncer. Ils se convainquirent, en l’écoutant, que la renommée de leur élève pourrait bien, à l’avenir, les rendre eux-mêmes célèbres. « Après cela, le jeune Softa vécut pendant un an avec les oiseaux. Il se fit un lit dans les hautes herbes, où la caille gazouille, il grimpa dans les vieux arbres, où les tourterelles et les grives construisent leurs nids. Il se fit un siège dans le feuillage et y resta immobile au point que sa présence ne troubla aucun de ses petits compagnons ailés. Il parcourut de hautes montagnes et voisina, juste au-dessous de la limite des neiges, avec un couple d’aigles, dont il observa les allées et venues. Revenu à Chiraz, ayant acquis beaucoup de savoir et d’expérience, il se mit à travailler à la fabrication de ses ailes. Il lut, dans le Coran : Béni soit Dieu, qui a fait les anges et les a pourvus de deux, de trois, ou de quatre paires d’ailes... et il décida de faire trois paires d’ailes à son usage : les unes devant être fixées aux épaules, les autres à la taille et les dernières aux pieds. Au cours de ses pérégrinations, il avait rassemblé plusieurs centaines de plumes provenant d’ailes d’aigles, de cygnes, de busards. Il s’enferma avec son butin et travailla avec tant de zèle qu’il ne vit plus personne et ne parla plus à personne. Mais il chantait en faisant sa besogne ; les passants s’arrêtaient pour l’écouter et disaient : — Le jeune Softa loue le Seigneur et uploads/Litterature/ le-diner-de-babette-karen-blixen-pdf.pdf
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- Publié le Sep 18, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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