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Meta Lah UDk 81'42:070 Université de Ljubljana* Le Fait DiveRS: UNe NaRRatiON DÉFaiLLaNte? 1. Le Fait DiveRS: UN GeNRe, UNe RUBRiQUe, UN tyPe De texte OU UN CONCePt? Le fait divers: un genre très ancien,1 mais toujours aussi difficile à décrire et à définir. Histoires relatant des accidents, meurtres, viols que tout le monde lit mais que personne n’avoue lire... Même si « cette rubrique est encore dévalorisée socialement » (Lits 2001 : 1) et malgré le fait que les faits divers « occupent traditionnellement la place la moins noble dans la hiérarchie de l’information » (Bégorre Bret et al. 2004 : 1), la quantité des articles appartenant à cette rubrique augmente et ils sont passés dans d’autres médias, p. ex., à la télévision, où ils sont « désormais souvent abordés en première partie de journal télévisé » (ibid : 2). Le fait divers « raconte une histoire qui se détache sur le fond de toutes celles qui ne sont pas racontées et qui sont la norme » (ibid : 4), donc une histoire hors du commun. Bégorre Bret et al. citent Barthes selon qui « le fait divers (...) procéderait d’un classement de l’inclassable, il serait le rebut inorganisé des nouvelles informes; son essence serait privative, il ne commencerait d’exister que là où le monde cesserait d’être nommé, soumis à un catalogue connu (politique, économie, guerre, spectacles, science, etc.) » (ibid : 10). Lits (2001) et adam (2001) constatent qu’il s’agit d’un genre peu étudié par les chercheurs qui traitent de corpus souvent trop limités. Selon Lits, qui décrit son expérience avec des étudiants originaires d’autres pays, il s’agit d’une catégorie fortement marquée culturellement; il se demande s’il ne s’agit pas d’un genre strictement francophone. Ces étudiants originaires surtout d’espagne, du Portugal, de l’afrique francophone et des pays latino-américains, après avoir appris que l’objet du séminaire d’analyse de presse porterait sur le fait divers, n’ont pas compris quel serait l’objet de l’étude, « non en raison de leur incompréhension du français, mais par méconnaissance du terme générique qui n’était pas transposable comme tel dans leur réalité culturelle » (2001 : 2). Dans les journaux de leurs pays respectifs, les faits divers sont classés différemment et ne sont pas rubriqués. Selon Lits, « l’échantillon d’étudiants non francophones ne dispose donc pas de la compétence générique pour comprendre l’objet de l’analyse qui leur est proposé, puisque dans leur culture et dans leur langue, cette catégorie journalistique n’existe pas » (ibid : 3). Pourtant, López alonso et Séré décrivent une expérimentation faite auprès d’apprenants espagnols: « Pour faciliter la reconnaissance du type, les textes ont été * adresse de l'auteur : Filozofska fakulteta, Oddelek za romanske jezike in književnosti, aškerčeva 2, 1000 Ljubljana, Slovénie. Mél: meta.lah@guest.arnes.si 1 Dans la presse francophone, les premiers faits divers apparaissent à la fin des années 1830 (Dubied 2001 : 2–3). 59 présentés sous leur forme authentique, pour le fait divers et la recette de cuisine il n’y a eu aucune difficulté à identifier le prototype textuel » (1996 : 444). Selon nos expériences, les apprenants slovènes n’ont aucune difficulté à reconnaître le genre. en Slovénie (comme dans certains pays, mentionnés par Lits, p. ex. l’italie, l’espagne ou certains pays d’amérique du Sud), ce genre de texte apparaît dans la rubrique kronika (la chronique) ou črna kronika (la chronique noire). il faut donc annoncer aux apprenants un « članek iz črne kronike » (un article de la chronique noire) et ils reconnaissent le type de texte. Nous supposons que même si dans différentes langues les faits divers sont nommés et rubriqués différemment, le concept reste le même. Serait-il donc possible de trouver dans différentes cultures et différentes langues des faits divers comparables? 2. Le Fait DiveRS: UN texte De tyPe NaRRatiF OU UN MÉLaNGe De PLUSieURS tyPeS? en général, on aurait tendance à dire que le fait divers est un texte de type narratif. Ce type de texte, comme le disent Bégorre Bret (2004 : 4) et al., raconte une histoire qui se détache des autres. Dans ces textes « l’irruption de l’inhabituel dans le quotidien fait naître l’intuition d’une causalité à l’oeuvre » (ibid.). Chaque fait divers contient donc cette composante d’inhabituel dont parle eco, que nous citerons un peu plus loin. Dans les faits divers, les auteurs utilisent un lexique de caractérisation des personnages, des lieux et des moments et les indicateurs temporels, ce qui est typique pour les textes narratifs (tagliante 1994 : 131). en principe, un fait divers contient tous les « ingrédients narratifs, prescrits par l’ancienne rhétorique (qui, quand, où, comment, à qui, pourquoi) » (Petitjean 1987 : 84). Pour pouvoir analyser les textes regardons d’abord la définition d’une séquence narrative: Récit Séquence narrative (adam 1994 : 104) tisset (2000 : 181) résume les caractéristiques de la séquence narrative de la façon suivante: Complication Déclencheur 1 (noeud) Pn2 action ou evaluation Pn3 Résolution Déclencheur 2 (dénouement) Pn4 Situation finale Pn5 Situation initiale (Orientation) Pn1 60 61 « - Mise en intrigue et unité d’action. Un assemblage d’événements et d’actions ayant un commencement, un milieu et une fin; tout est élaboré en vue du dénouement. - temporalisation et causalité. Les événements se succèdent de telle sorte qu’ils semblent déterminés les uns par rapport aux autres; les événements postérieurs trouvent leur causalité dans les événements antérieurs. - Unicité d’un sujet et transformation des prédicats: les prédicats d’être, d’avoir ou de faire avec réussite ou échec. Pour former un récit, les séquences peuvent être coordonnées linéairement, enchâssées ou montées en parallèle. » eco reprend la définition de van Dijk et souligne la composante d’inattendu, inusuel ou étrange: « ...une narration est une description d’actions qui requiert pour chaque action décrite un agent, une intention de l’agent, un état ou un monde possible, un changement avec sa cause et le propos qui le détermine; on pourrait ajouter à cela des états mentaux, des émotions, des circonstances; mais la description est importante [...] si les actions décrites sont difficiles et seulement si l’agent n’a pas un choix évident quant au cours des actions à entreprendre pour changer l’état qui ne correspond pas à ses propres désirs; les événements qui suivent cette décision doivent être inattendus, et certains d’entre eux doivent apparaître inusuels ou étranges » (1985 : 137). Dans le Dictionnaire d’analyse du discours, adam, qui est l’auteur de l’article, choisit comme exemple de séquence narrative une « brève »: « ainsi, dans cette brève journalistique de F. Fénélon: ‘a peine humée sa prise (1), a. Chervel éternua (2) et, tombant du char à foin (3) qu’il ramenait de Pervencheres (Orne), (4) expira (5).’ La proposition (1) apparaît comme le noeud (Pn2) d’un récit qui commence sans exposé de sa situation initiale: c’est parce qu’il prend du tabac à priser (cause volontairement choisie) que le malheureux Chevrel éternue (conséquence involontaire). La proposition (2) apparaît comme la réaction Pn3. La proposition (4), insérée tardivement dane le cours de la phrase (la parenthèse indicatrice du lieu se trouve généralement plutôt en tête), explique ce que fait le personnage sur le char; soit la situation initiale du récit (Pn1). Le lien entre le participe présent de (3) et le passé simple final (5) est un lien de cause à effet dans lequel (3) apparaît comme le dénouement Pn4 et (5) comme la situation finale Pn5. » Si le fait divers raconte une histoire (qui répond à toutes les questions posées habituellement et, en plus, mentionne quelque chose d’inhabituel), on pourrait supposer que le fait divers est une narration. Pourtant, Petitjean souligne que le fait divers est hétérogène, du point de vue énonciatif (il rapporte une pluralité des voix) et du point de vue textuel, parce qu’il est « dominé par une structure narrative qui implique actions, descriptions, dialogues et commentaires et [...] n’est pas dépourvu d’enjeux explicatifs et argumentatifs. » (Petitjean 1987: 73–74). Dans cet article, c’est surtout le côté textuel qui nous intéresse: nous allons nous concentrer sur l’analyse des faits divers dans différentes langues et essayer de voir quelle y est la place de la narration. 3. aNaLySe D’UN Fait DiveRS DaNS DiFFÉReNteS LaNGUeS 3.1 Présentation du problème Nous partons de l’hypothèse que le fait divers, portant sur un même thème, a une structure textuelle comparable dans différentes langues et contient au moins une partie (une séquence) narrative. Nous avons rassemblé un corpus de faits divers portant sur le même sujet dans les langues suivantes: français, espagnol, italien, anglais, allemand, slovène et croate.2 Le choix du fait divers a été difficile. en lisant la presse internationale tout l’été 2008, nous avons trouvé deux faits divers « internationaux »: le premier portant sur le crash d’avion à Madrid et le deuxième qu’on pourrait classifier comme « insolite », à savoir l’histoire de l’effigie d’Hitler dans le musée tussaud à Berlin, décapitée tout de suite après son exposition. Ce fait divers se prête à l’analyse: il a été publié dans les médias du monde entier, de plus, il ne s’agit pas d’un fait divers sanglant: il n’y a pas de uploads/Litterature/ le-fait-divers-une-narration-defaillante 1 .pdf

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