Université Paris Diderot Paris 7 Sorbonne Paris Cité UFR D’ÉTUDES PSYCHANALYTIQ
Université Paris Diderot Paris 7 Sorbonne Paris Cité UFR D’ÉTUDES PSYCHANALYTIQUES Mémoire de Master 1 Psychologie présenté par : Felipe DIAZ PEÑA Quelques remarques sur le concept psychanalytique de masochisme pour aborder la subjectivation et le lien social contemporains Observations à partir du sujet, de l’objet et de l’idéal Mémoire dirigé par Stéphane THIBIERGE 03/05/2019 2 “Cuando despertó, el dinosaurio todavía estaba allí” (Augusto Monterroso) 3 Remerciements Je tiens à remercier Monsieur Stéphane Thibierge qui l’année 2017 est allé au Chili pour transmettre quelques éléments de son rapport à la psychanalyse. Je le remercie aussi d’avoir accepté de diriger et d’accompagner le travail de ce mémoire dont le problème de recherche s’est ébauché au fil de sa visite à Santiago. Je suis redevable à tous ceux qui ont eu l’ouverture de me transmettre quelque chose de leur rapport à la psychanalyse et à la clinique. Leurs apprentissages ont certainement nourri ce travail. Spécialement, je voudrais remercier ceux qui sont de l’autre côté de l’Océan Atlantique et derrière la Cordillère des Andes : Pablo Cabrera, Pablo Reyes, María Elena Sota, et Claudia Vergara. Merci à tous ceux qui m’ont accordé un moment pour écouter mes inquiétudes, doutes, découvertes et progrès. Sans aucun doute, ces discussions ont enrichi ce travail. Finalement, je voudrais remercier Rodrigo Díaz et Gloria Peña qui ont été un soutien inestimable dans ce processus d’écriture et de travail. Je leur serai toujours reconnaissant. 4 Table des Matières INTRODUCTION .................................................................................................................... 5 Antécédents .................................................................................................................... 6 La nouvelle économie psychique et la prépondérance du moi-idéal ...................................... 6 Une perversion ordinaire : la dénégation à la place du refoulement ...................................... 8 La société contemporaine et la pente vers le masochisme ................................................... 10 Proposition du problème de recherche et du plan de travail ..................................... 11 CHAPITRE I : MASOCHISME ET AVENEMENT DU SUJET : L’OBJET COMME POINT PIVOT .. 13 1.1 Le masochisme originaire : articulation du symbolique et de l’imaginaire ........ 13 1.2 Se faire jeter aux chiens : l’identification à l’objet dans la scène masochiste .... 19 1.3 Jouissance et angoisse : le rapport du masochiste à l’Autre ............................... 24 CHAPITRE II : LA DIALECTIQUE MASOCHISTE : UN LIEN QUI SE PASSE DU PERE SANS S’EN SERVIR ............................................................................................................................... 29 2.1 La femme-bourreau : idéal incarné du masochiste ............................................. 29 2.2 Rejeter le père symbolique : le contrat masochiste............................................... 34 2.3 Subversion de la loi et seconde naissance comme fixation du moi-idéal ............ 38 CHAPITRE III : POUVONS-NOUS PARLER D’ELEMENTS MASOCHISTES DANS LE LIEN SOCIAL CONTEMPORAIN ? .............................................................................................................. 45 3.1 L’évaporation du père et une société du maternel ............................................... 45 3.2 La présence de l’objet, la soumission comme réponse, et le langage masochiste ...................................................................................................................................... 51 3.3 Un lien qui tient du moi-idéal : ébauche d’une articulation entre néolibéralisme et masochisme .............................................................................................................. 57 CONCLUSION ..................................................................................................................... 65 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 70 5 Introduction Depuis quelques années, plusieurs sociologues, philosophes, anthropologues et psychanalystes ont témoigné d’une modification dans la subjectivité contemporaine associée à l’économie libérale. Ces changements ont fait couler beaucoup d’encre parmi les chercheurs, les intellectuels et les psychanalystes qui y ont travaillé. À l’intérieur du champ psychanalytique, des mots comme "hypermodernité", "néolibéralisme", "perversion ordinaire" et "nouvelle économie psychique" s’avèrent des concepts qui tentent de rendre compte de ces mutations dans le lien social contemporain. Ces aspects nouveaux relèveraient d’une économie psychique différente de celle qui a été classiquement décrite à propos du sujet névrotique. Aujourd’hui, nous aurions affaire à de nouvelles formes de jouissance qui éclipseraient le désir et à un surinvestissement de l’image narcissique. Certains psychanalystes ont proposé que ces mutations du lien social donneraient lieu à des subjectivités dont le fonctionnement ressemble à celui de la perversion. Ils développent certains éléments spécifiques qui soutiendraient cette idée : le passage d’une économie du désir à celle d’une exhibition de la jouissance, l’engouement pour des objets présents dans le réel qui assureraient la satisfaction, l’opération de refoulement mise en cause, et la substitution du refoulement par l’opération de dénégation, parmi d’autres. Tout cela rendrait compte d’une subjectivité qui s’éloignerait des coordonnées qui ont été définies pour la névrose et qui se rapprocherait de la perversion. Dans ce mémoire, nous voulons reprendre ce qui a été remarqué et travaillé depuis la psychanalyse sur les changements de la subjectivité. Nous établissons comme socle de notre travail le rapprochement de la structure perverse à la subjectivité contemporaine fait par différentes psychanalystes qui se sont intéressés à cette problématique. Cela nous permettra de proposer une possibilité d’aborder le lien social à partir d’une structure perverse spécifique : le masochisme. Nous essayerons d’articuler quelques éléments de la perversion masochiste avec des caractéristiques spécifiques de la constitution subjective contemporaine. Ainsi, nous voudrions présenter, ci-après, les antécédents théoriques de notre recherche pour, ensuite, présenter le problème de recherche. 6 Antécédents La nouvelle économie psychique et la prépondérance du moi-idéal L’ouvrage de Charles Melman L’homme sans gravité est une tentative remarquable de cerner les éléments qui caractérisent les sujets contemporains. Charles Melman indique que nous assistons, aujourd’hui, au développement d’une nouvelle économie psychique qui ne relève plus du refoulement du désir -tel qu’elle a été envisagée par Freud- mais de l’exhibition de la jouissance. Dans cette époque, précise Melman, « il y a une nouvelle façon de penser, de juger, de manger, de baiser, de se marier ou non, de vivre la famille, la patrie, les idéaux, de vivre soi-même »1. Le sujet de cette nouvelle économie psychique aurait du mal à maintenir un rapport à l’opacité. Il exige l’éclaircissement aveuglant des lumières. Ainsi, les sujets de la société contemporaine seraient passés d’une économie qui appartient au domaine de la représentation, à celle d’une présentation immédiate de l’objet. De cette façon, pour Melman, l’économie psychique inhérente à la découverte freudienne de l’inconscient serait perturbée dans la mesure où le sujet contemporain n’aurait plus affaire à la perte de cet objet que Lacan a nommé objet petit a. À cet égard, Charles Melman signale : « Cette perte met en place une limite et (…) cette limite a la propriété d’entretenir le désir et la vitalité du sujet »2. Aujourd’hui, la nouvelle économie psychique ne porterait plus sur cette perte mais sur sa présence constante. Elle est dirigée par un impératif de transparence et d’exhibition de la jouissance qui tend à ravaler le désir au niveau du besoin. Le sexe, ne garderait plus ce statut dérangeant et sacré qui lui était attribué auparavant. Au contraire, il est mis au même niveau que la faim ou la soif. « Aujourd’hui, le sexe peut être traité comme une jouissance orificielle ou instrumentale comme les autres »3. Un aspect remarquable du propos de Charles Melman c’est l’analogie qu’il fait avec le progrès de l’économie libérale. La visée de l’économie libérale serait de nous fournir toujours des objets merveilleux et adaptés à nos besoins. 1 C. Melman. L’homme sans gravité, Paris, Éditions Denoël, coll. Folio essais, 2002, p. 18. 2 Ibid. p.25. 3 Ibid. p. 35. 7 Jean Pierre Lebrun, dans l’avant-propos de cet ouvrage, nous dit qu’il y a « une congruence entre une économie libérale débridée et une subjectivité qui se croit libérée de toute dette envers les générations précédentes -autrement dit produisant un sujet qui croit pouvoir faire table rase de son passé »4. Nous pourrions dire, d’un sujet qui croit être libéré du rapport à son héritage, qu’il n’est plus concerné par la division subjective. L’homme sans gravité n’arrive point à repérer sa fracture entre l’énoncé et l’énonciation, c’est un sujet figé à sa propre image solide de statue. Il s’agit « d’un sujet qui a perdu sa dimension spécifique. Ça n’est sûrement plus le sujet qui relève de cette ek-sistence (…) C’est devenu un sujet entier, compact, non-divisé »5. Melman signale que l’une des conséquences de cette organisation sociale basée sur les lois du marché est l’appauvrissement du lien social. En effet, dans L’homme sans gravité, nous remarquons que l’économie de marché générerait des communautés qui se regroupent autour d’un même objet de satisfaction. Cet appauvrissement du lien impliquerait que l’idéal du moi perd sa consistance comme instance symbolique capable de réguler les échanges entre les sujets. Au contraire, l’idéal du moi se confondrait, de plus en plus, avec le moi-idéal, ce qui générerait un lien social qui tient de l’image narcissique de chacun des sujets qui s’y situent. À cet égard, le psychanalyste Serge Lesourd souligne que le lien social contemporain ne relève plus de l’idéal du moi, mais de la toute-puissance du moi-idéal infantile. Le problème avec cette transformation, nous dit-il, c’est que le sujet reste à la merci des impératifs féroces du surmoi qui, tel qu’il est souligné par Lacan, vocifère « Jouis ! » et le sujet ne peut qu’y répondre « J’ouïs »6. Ainsi, l’image narcissique du sujet contemporain devient plus rigide, le sujet se fragilise puisqu’il reste dépourvu de moyens pour faire avec cet impératif de jouissance. Ainsi, Charles Melman souligne la ressemblance de cette nouvelle économie avec les éléments qui constituent la structure perverse. Le rapport du pervers à l’objet témoigne de quelques similitudes uploads/Litterature/ le-masochisme.pdf
Documents similaires










-
26
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 02, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.6695MB