Gildas Sagot L'Homme aux Cent Visages Métamorphoses/1 Illustrations de Philippe

Gildas Sagot L'Homme aux Cent Visages Métamorphoses/1 Illustrations de Philippe Mignon Gallimard Métamorphoses Série de quatre Livres dont vous êtes le héros, Métamorphoses va vous plonger dans un monde millénaire, imprégné de légendes effroyables ou merveilleuses, riche de trésors et de secrets cachés. Dans cet univers d'aventures à vivre en solitaire, armé de trois dés, d'un crayon et d'une gomme, vous présiderez à la destinée de Jack Madrygal, un homme doué d'un fantastique pouvoir de transformation. Ce premier livre de la série Métamorphoses va vous entraîner dans une contrée sauvage et mystérieuse du monde de Thulé, à la recherche de L'Homme aux Cent Visages. L'Œuf de Féerie Pour vous, Jack Madrygal, tout commence dans la grande bibliothèque du château de vos ancêtres, le jour de votre quatre- vingt-dixième anniversaire. Depuis plus de trente ans, vous vivez seul et vous passez le plus clair de votre existence dans un laboratoire sinistre et poussiéreux, entouré d'alambics, de cornues, d'ouvrages savants et d'antiques grimoires, travaillant sans relâche à fabriquer des poudres et des potions dans le but, jamais atteint, de vous hisser au-dessus des forces humaines, de triompher du temps. Hélas, après des années d'échecs, vous désespérez de jamais parvenir à vos fins, de percer les secrets de l'immortalité. Un livre en main, vous tentez d'oublier vos expériences ratées, vos dernières déconvenues. Par chance, Dame Nature vous offre cette nuit une occasion rêvée de chasser vos idées noires, un spectacle merveilleux de puissance et de beauté. Vous abandonnez votre livre, vous éteignez la lumière et vous tournez votre fauteuil face à la plus haute fenêtre de la bibliothèque. Dehors, des éclairs de chaleur, fulgurants, tracent dans le ciel des lignes de feu sinueuses et ramifiées. Ils repoussent l'obscurité d'une nuit profonde et donnent un aspect irréel aux rosiers dont les branches, derrière les vitres, oscillent au gré des hurlements du vent. L'air est chargé d'électricité. L'orage menace. Votre visiteur arrive avec les premières gouttes de pluie, dans un roulement de tonnerre. Sa silhouette, une ombre grise auréolée de lumière, vous est révélée par la foudre. A cette vision, irrationnelle, imprévisible et inexplicable, vos muscles se crispent instantanément. Mais les années passées dans l'espoir d'acquérir une puissance surnaturelle vous ont heureusement préparé à admettre l'invraisemblable, non sans crainte, mais sans défaillir. Dans l'obscurité retrouvée, votre esprit un moment glacé recouvre toute sa lucidité. « C'est un démon ! » pensez-vous quand, pour la seconde fois, le feu du ciel lève le voile sur l'être mystérieux qui se tient entre vous et la fenêtre. Cela mesure plus de deux mètres et n'a rien d'humain. Les épaules sont bien trop larges, les hanches trop étroites, les membres trop gros et la tête anormalement longue. Vous êtes terrifié, cloué à votre fauteuil, la gorge serrée quand le démon déclare d'une voix rauque, puissante et mielleuse : - Donne-moi l'Œuf de Féerie, Jack Madrygal. - L'Œuf de Fé... de Fé... Féerie ? demandez-vous, tremblant et balbutiant. - Donne-moi l'Œuf de Féerie ! Cette fois, aucun doute n'est permis : il s'agit d'un ordre ! Ce qui a pour effet de vous donner un véritable coup de fouet. L'objet du désir de votre visiteur se trouve sur la grande table où, quelques minutes auparavant, vous avez posé votre livre. Ce doit être cette petite pierre de forme ovoïde et de couleur bleue que vous avez achetée hier à un certain Yemric Deneb. De cet homme, vous aviez pensé qu'il n'était qu'un piètre commerçant ou un voleur pressé de se débarrasser du fruit de ses rapines. Il vous avait cédé un sac lourd de pierres rares pour une bouchée de pain. A tâtons, dans le désordre de vos livres et de vos notes, il vous faut un long moment pour retrouver la roche. La peur dicte votre conduite et vous êtes tout à fait résolu à satisfaire la volonté du démon. Mais, dès l'instant où vous touchez la pierre, la terreur qu'il vous inspire s'évanouit comme par enchantement. Vous sentez qu'une vie anime cette roche dont la douceur, chaleureuse, vous donne l'impression de tenir un petit animal blotti dans le creux de vos mains. Tout à coup, une énergie fantastique part de la pierre et se propage dans votre corps. En vous s'écoule la sève d'une puissance extraordinaire qui, à en juger par la peau de vos mains, entrevue à la faveur d'un éclair, possède le don de vous rajeunir. Ainsi, ce dont vous rêvez depuis tant d'années devient enfin réalité. Sous l'apparence d'une roche se cache un esprit bienfaisant dont les pouvoirs magiques viennent de vous rendre le corps du bel homme, fort, vif et adroit, que vous étiez à l'âge de vingt ans. - Donne-moi l'Œuf de Féerie ! hurle le démon. - A mon âge, répliquez-vous, surpris de votre courage, qui ne craint point la mort ne craint point la peur. Sur ces mots, un coup de tonnerre dont nul fracas terrestre ne saurait donner l'idée accable vos oreilles. La foudre tombe à l'endroit précis où votre visiteur se trouvait encore un instant auparavant. Les vitres volent en éclats. Sur le plancher, le feu prend instantanément. Abasourdi, il vous faut plus d'une minute pour redevenir maître de vos pensées. Le feu gagne rapidement. Il dévore les murs couverts de livres. Au plafond, les poutres apparentes craquent. Vous devez fuir, échapper à ce brasier surnaturel. Mais vous êtes entouré de tous côtés par un cercle de feu. La situation est désespérée quand le démon réapparaît devant vous, au milieu des flammes. Son visage est celui d'un seigneur, modelé dans l'argile de la puissance et de la cruauté. Et il est complètement défait, bien que ses yeux soient comme deux braises qui dardent sur vous un regard malveillant. - Pour la dernière fois, Jack Madrygal, donne-moi l'Œuf de Féerie ! - Allez au diable ! répondez-vous sèchement, dans un brusque accès de colère, convaincu que cette créature infernale, si elle l'avait pu, vous aurait déjà volé votre bien puis tué sans autre forme de procès. - Qu'il en soit ainsi, dit alors le démon. Mais les miens te retrouveront, Jack Madrygal. Et ils te conduiront à moi, dans le Château de l'Oubli où je te réserve une éternité de souffrances. Que la chasse commence ! Soudain, une vague de chaleur suffocante s'abat sur vous. Il ne vous reste plus qu'à espérer... Tout semble perdu quand un nouveau miracle se produit. Au moment critique où vous allez être brûlé vif, l'Œuf de Féerie vient à votre secours. De nouveau, vous sentez cette énergie fabuleuse envahir votre corps. Alors, l'image d'une créature de légende s'impose à votre esprit, avec force. Aussitôt, unis dans une symbiose parfaite, vous et l'Œuf de Féerie devenez cette créature : la Salamandre des premiers sorciers, capable de vivre dans le feu et de traverser un océan de flammes. C'est ainsi, sous la forme d'un petit batracien noir marbré de taches jaunes, que vous quittez votre demeure, échappant d'extrême justesse à son effondrement. Puis, dès que vous sortez du brasier, vous reprenez forme humaine pour réaliser, confondu, pantois, que vous n'êtes pas au bout de vos surprises. Ce paysage que vous découvrez à la lumière de l'incendie de votre château, vos vêtements, l'épée que vous portez au côté dans un superbe fourreau, ce sac à dos qui pèse sur vos épaules redevenues fortes et larges... Tout cela dépasse l'entendement et vous devez déployer des trésors de persuasion pour parvenir à vous raisonner. En votre for intérieur, vous savez que vous n'êtes pas victime d'une hallucination. Si l'Œuf de Féerie ne vous avait pas métamorphosé... Vous comprenez soudain que votre allié magique s'est lui aussi transformé ! Vous ne pouvez pas le voir, ni le toucher, mais vous sentez sa présence. Par quelque prodige de la magie, il a pris la forme d'une entité immatérielle qui vous enveloppe, vous et tout ce que vous portez sur vous, comme une seconde peau. Soucieux de répondre aux questions qui assaillent votre esprit, vous décidez d'examiner votre mystérieux équipement. Vous portez un pourpoint et un pantalon de drap blanc. Vos pieds sont chaussés de bottes de cuir. Un large ceinturon enserre votre taille. Il supporte, dans un fourreau de métal noir et lisse... Quand votre main se referme sur le pommeau de l'épée qui pend à votre côté, vous éprouvez une impression de sécurité et de puissance. Cette sensation étrange donne à votre bras le courage de tirer du fourreau une arme d'une beauté merveilleuse, faite d'un acier d'une extraordinaire pureté. « C'est un chef-d'œuvre ! » pensez-vous, étonné de votre aptitude à manier et à rengainer cette lame d'une légèreté stupéfiante. Quelques secondes plus tard, vos mains plongent dans le sac d'où vous sortez une gourde, une grosse boîte de fer- blanc, une bourse, un cylindre de cuivre et un miroir. La gourde est pleine d'un breuvage à l'odeur sucrée. La boîte contient un petit pain rond enveloppé dans une serviette brodée. Dans la bourse de cuir, vous trouvez douze pièces d'or frappées à l'effigie d'une femme au front ceint uploads/Litterature/ metamorphoses-1-l-x27-homme-aux-cents-visages.pdf

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