Caravelle Le nahualisme dans Hombres de maíz de M. Á. Asturias Marie-Louise Oll

Caravelle Le nahualisme dans Hombres de maíz de M. Á. Asturias Marie-Louise Ollé Citer ce document / Cite this document : Ollé Marie-Louise. Le nahualisme dans Hombres de maíz de M. Á. Asturias. In: Caravelle, n°76-77, 2001. Hommage à Georges Baudot. pp. 593-602; doi : https://doi.org/10.3406/carav.2001.1336 https://www.persee.fr/doc/carav_1147-6753_2001_num_76_1_1336 Fichier pdf généré le 13/09/2018 Résumé RÉSUMÉ- L'analyse du traitement tropique et symbolique du nahualisme dans Hombres de maíz tente de mettre au jour les rapports texte-lecteur que forge l'écriture de M. Á Asturias. Le nahualisme est un exemple probant d'élaboration d'un contrat de véridiction interne au texte qui fonde les conditions de la vraisemblance. L'étude du personnage de « Correo-Coyote » permet de suivre la mise en place progressive de sa double nature. Sa mise en parallèle avec Goyo Yic/« tacuatzin » démontre l'importance diégétique et symbolique du motif du nahual. Abstract ABSTRACT- The analysis of the tropic and symbolic treatment of nahualism in Hombres de Maíz tries to bring out the relations text-reader that M.A. Asturias's writing invents. The nahualism is a probing example of the making up of a veridiction contract internal to the text that installs the foundations for verisimilitude's conditions. The study of the character « Correo Coyote » enables to follow the progressive establishment of his double nature. Its parallel establishment with Goyo Yic/ « tacuatzin » demonstrates the diegetic and symbolic importance of the nahual motif. Resumen RESUMEN- El análisis de los tropos y de su sentido simbólico en el tema del nahualismo en Hombres de maíz intenta poner de manifiesto las relaciones texto- lector, instauradas por la escritura de M. Á. Asturias. El nahualismo es un buen ejemplo de cómo el texto elabora un « contrato de veridicción » propio que fundamenta la verosimilitud. El estudio del personaje del Correo-Coyote permite seguir la progresiva construcción de su doble naturaleza. Su comparación con el personaje de Goyo Yic- Tacuatzín evidencia la importancia diegética y simbólica del motivo del nahual. C.M.H.LB. Caravelle n° 76-77, p. 593-602, Toulouse, 2001 Le nahualisme dans Hombres de maíz de M. A. Asturias par Marie-Louise OLLÉ Université de Toulouse-Le Mirait Quel rôle est dévolu au « couple figurai » de la métonymie et de la métaphore dans l'écriture de M. á. Asturias ? Pour qui aborde cette question un premier constat s'impose : la relativité de la réalisation tropique et la tension entre pôle figuré et pôle littéral sont deux des aspects les plus frappants du texte asturien que les tropes saturent de leur omniprésence. Il n'est rien de moins figé que ce texte. L'instabilité tropique y est stratégie discursive créatrice. Nous nous proposons d'en observer la mise en oeuvre lorsqu'il s'agit tout à la fois d'instaurer le contrat de véridiction1 entre le texte et son lecteur pour que les fondements de la vraisemblance soient posés et de créer les conditions de la lecture symbolique que ce dernier est invité à faire. C'est plus précisément l'instabilité du binôme de la similarité métaphore-comparaison qui contribue à une mise en place — « tout en douceur », pourrait-on dire - du contrat de véridiction. La métaphore asturienne n'est pas un simple fait de langue mais bien un fait de discours dépendant tout autant d'une stratégie d'énonciation que des conditions de réception. La réception du mode et du code de communication du texte asturien dépendra en grande partie des referents du lecteur. Dans ce texte plus encore que dans tout autre, l'intensité de l'effet particulier que * A. J. Greimas définit ainsi le contrat de véridiction : « le discours est ce lieu fragile où s'inscrivent et se lisent la vérité et la fausseté, le mensonge et le secret ; ces modes de véridiction résultent de la double contribution de l'énonciateur et de l'énonciataire, ses différentes positions ne se fixent que sous la forme d'un équilibre plus ou moins stable provenant d'un accord implicite entre les deux actants de la structure de la communication. C'est cette entente tacite qui est désignée du nom de contrat de véridiction. », dans Du sens II. Essais sémiotiques, Paris, Le Seuil, 1983, p. 105. 594 C.M.H.LB. Caravelle toute figure opère sur le récepteur dépend du récepteur lui-même, de l'extension du domaine de ses connaissances. Le lecteur est-il muni d'une solide connaissance du monde culturel mésoaméricain précolombien et de ses mythes ? Sa perception du texte et de ses réalisations discursives se fera alors immédiatement au niveau du symbolique, le contrat de véridiction étant un acquis externe au texte, antérieur à sa lecture. Dans de telles conditions de réception, la métaphore s'estompera et avec elle sa force poétique ; elle sera de l'ordre de l'utilitaire, le simple véhicule de l'expression mythique. Il y aura de la part de ce lecteur saisie immédiate du VOULOIR FAIRE symbolique du texte. Mais si le récepteur est dépourvu d'une partie de l'encyclopédie requise, ses referents ne seront à l'évidence pas les mêmes et sa perception sera différente, cela restituera ou donnera au texte une puissance expressive métaphorique qu'une surprésence de références culturelles gomme dans le premier cas envisagé. L'énonciation métaphorique caractéristique des mythes mésoaméricains aura alors un rôle capital dans l'instauration du contrat de véridiction. Et c'est l'intratextualité, en grande partie grâce à la force expressive des réseaux métaphoriques et symboliques, qui médiatisera la lecture mythique du texte. Dans cette perspective, le cas du nahualisme est particulièrement intéressant à analyser si on considère que l'enjeu du message, et donc le travail du texte qui tout à la fois porte et construit ce message, est d'ouvrir le récepteur à une autre dimension. Il ne s'agit pas d'un simple enjeu ludique mais de faire en sorte qu'une perception autre des rapports entre les éléments constitutifs du monde s'inscrive comme acceptable, une perception qui relève du domaine du symbole. Asturias ne pouvait que jouer avec l'élasticité de la perception de ce phénomène culturel2 pour la mettre au service de la construction du monde et du message qui émanent de son œuvre : la dualité des êtres et des choses et la dialectique de dépassement à laquelle celle-ci oblige. Le nahual est ainsi une bonne illustration de la relativité de la perception tropique. Reposant sur une croyance fort répandue dans le monde méso-américain, il est à la fois métaphore et symbole des possibilités et qualités de l'être dont il est le double, animal ou végétal, voire minéral. On peut ainsi considérer que le nahual est une réalisation accomplie de la métaphore pure, le plus haut degré de la translation où pôle figuré et pôle littéral semblent se confondre à l'instar de la métaphore des « hommes-lions » analysée par A. J. Greimas3. Mais, lorsque, comme cela se produit parfois, le personnage se métamorphose en son nahual, nous ne sommes plus sur l'axe paradigmatique de la similarité mais sur celui, syntagmatique, de la contiguïté car la 2 Voir A. Erice, « Reconsideración de las creencias mayas en torno al nahualismo », dans Estudios de cultura maya, Mexico, UNAM, 1986, vol. XVI, p. 255-270. 3 A. J. Greimas, Sémantique structurale, Paris, PUF, 1986, p. 100-101. Nahualisme chez Asturias 595 transformation juxtapose les deux éléments, homme/nahual. Asturias explore et exploite, dans la plupart de ces textes, les possiblités signifiantes du nahualisme mais aussi les formidables ressources de création romanesque que celui-ci représente. Dans Hombres de maîz> le nahual est un des motifs narratifs les plus spectaculaires. Jouant sur le registre métaphorique et métonymique, le texte propose une série de personnages à corps multiple : l'initié, tout à la fois « Curandero-Venado de las Siete-rozas » et « brujo de las luciérnagas », María Tecún, « piedra allá y gente aquí », Goyo Yic-« tacuatzín » et Nicho Aquino-« Correo-Coyote ». Pour que ce corps multiple qui implique une suppression des frontières entre les espèces soit acceptable par un lecteur non averti, il faut créer les conditions d'un pacte fictionnel dans lequel la clause de « suspension de l'incrédulité » soit plus large. En effet, il ne s'agit pas seulement d'un pacte fictionnel mais d'un véritable enjeu : rendre concevable cette perception de l'être intrinsèque du nahualisme. C'est par paliers, et avec l'appui logistique tropique, qu' Asturias construit cette vraisemblance du corps ouvert et multiple des deux personnages les plus impliqués diégétiquement : Goyo Yic- « tacuatzín»^ et Nicho Aquino-« Correo-Coyote » Nous prendrons le trajet de ce dernier comme exemple de cette stratégie d'écriture. « Correo-Coyote » est le héros éponyme du dernier épisode, le plus long, en grande partie consacré à l'aventure du courrier structurée autour de la disparition de sa femme et de la rencontre du « viejo de las manos tiznadas », un des avatars de l'initié. Ce dernier sera le guide du voyage souterrain que Nicho, Correo et Coyote, entreprend et qui sera une descente métaphorique au cœur de la connaissance. Par le titre et dès les premières lignes, le lecteur se voit contraint d'établir une relation entre Nicho Aquino, le courrier de San Miguel Acatan et l'animal. Mais c'est sur un simple plan métaphorique que s'opère cette première association par les sèmes /mouvement/ et /vélocité/ du uploads/Litterature/ le-nahualisme-dans-hombres-de-maiz.pdf

  • 34
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager