1.1.L ’ histoire du terme postmodernité Le terme de post-modernité, né avec les
1.1.L ’ histoire du terme postmodernité Le terme de post-modernité, né avec les années 1970(même si sa genèse date de 1870 en tant qu’il sert a désigner la peinture impressionniste anglaise), et qui a une certaine consécration en France avec Lyotard à partir des années 80, renvoie indéniablement aujourd’hui à une certaine négativité critique. En effet, ce qui est entendu par ce terme semble dépréciatif. Le contexte mondial et national est pour une certaine part cause de cette critique: société en crise de repères, en crise de normes morales, perte du politique par l’individu narcissique, zombification des hommes liee a la consommation et au systeme de la mode, etc... On reconnait ici la langue-liste des griefs qui se donnent comme leitmotivs dans les discours de rappels a l’ordre. L’epoque post-moderne – definie comme l’effondrement des meta-recits au sens de Lyotard dans La condition postmoderne – implique l’effacement de toute forme d’unite intentionnelle permettant un monde commun. Un effacement au profit de la dispersion des interets prives, qui recherchent avant tout a s’accomplir, a obtenir des plaisirs. Cette epoque caracteriserait ainsi une derive vers une certaine forme d’hedonisme, conduisant les individus a perdre de vue l’urgence des questions politiques ou a en rester tres superficiels aussi bien au niveau de leur conscience sociale qu’au niveau de leur creation artistique ou litteraire, comme a plusieurs reprises La post-modernite – en tant que dissolution des unites meta-historiques, politiques, de classe, etc... – serait determinee par la liaison entre l’hyper-acceleration de la production et de la diffusion symbolique d’une part, et la mise en relation, dans la seule volonte du temps present et de ce qui peut advenir, du processus d’individuation et de la consommation, d’autre part. La verite ne serait plus eparpillee dans chaque discours. Elle ne serait plus qu’un essaim de contradictions. Cette deperdition de la conscience est caracterisee, depuis la premiere partie du XXeme siecle, par le processus de transformation technologique du monde, qui peut mener a la pensee d’une esthetique de la disparition. Paul Virilio, en marque les traits dans son essai eponyme : « Le monde percu cesse d’etre juge digne d’interet a force d’etre theatralement exhume, analyse, epure par les pilleurs de tombe. (...) La pensee collective imposee par divers medias vise a annihiler l’originalite des sensations, a disposer de la presence au monde des personnes en leur fournissant « Le moderne ou meme l’avant-gardisme, ce n’est pas la table rase, c’est au contraire le lien maintenu (le lien amoureux : passionne et conflictuel) avec la culture, avec la bibliotheque : c’est l’idee du moderne qui vehicule et refonde la tradition. (...) L’oubli du moderne est aussi oubli de cela et l’art post-moderniste a souvent transforme la profondeur substantielle de ce dialogue en un academisme de la citation et du collage ». Il est evident que pour une part Prigent a ici raison dans sa critique des nouveaux academismes (cut-up, collage, ready-made), mais la ou reside un impense pour lui, c’est dans les principes de la hierarchisation historique de ce qui importe du point de vue du passe. En effet, Prigent, ouvrant une histoire parallele de la litterature (la reouvrant, au sens ou ce geste d’ouverture est une constante chez les avant-gardes, cherchant sans cesse leur genealogie, comme cela se percoit des Raoul Haussmann), subordonne aux prin- cipes fondateurs de cette histoire (la question du reel, de l’authenticite d’etre de l’animal parlant a travers l’invention idiolectale de la litterature) le reste de l’histoire de la litterature. Resolument moderne, Prigent semble rester assujetti a une verite qui ordonne un meta-recit, et en cela ne peut que juger negativement l’horizontalisation des principes existentiels et referentiels des hommes : un stock d’informations destine a programmer leur memoire. Par la mediation technologique et sa vitesse, il y a une production exponentielle d’informations et de donnees, dans laquelle peu a peu se distille toute forme reelle d’interet. La pensee unique qui apparait alors tient a la production et la consommation des productions et symboles ephemeres de la societe. Or cette pensee unique se definit, me semble-t-il, comme une structure comportementale dans un rapport au monde pragmatique et consumeriste et non comme une forme ideologique. Constat paradoxal : le monde post-moderne semble etre caracterise par sa fragmentation infinie, non pas selon des traits singuliers, mais selon une seule et unique logique, pragmatiquement determinee, de la capitalisation et de la consommation. Dialectique de l’imitation et processus d’individuation En effet, par les processus d’uniformisation, de repetitions mediatiques de l’information, de constructions de simulacres, il y a bien une surdetermination qui [im]pose la conscience dans le rapport a des institutions symboliques. Ces processus predeterminent non pas seulement ses choix mais aussi les conditions de reception des donnees a choisir en enfermant chaque chose dans l’unite de significations symboliques. Toutefois, comme le note Gilles Lipovetsky, dans une certaine opposition a la conception de l’epoque post-moderne , ces processus de controle de la volonte et de la perception des indivi- dus se font eux-memes deborder par un processus d’individuation en oeuvre dans l’activite meme de l’imitation. Il nomme cela proces de personnalisation. Il est evident que l’individu pour se constituer – symboliquement, linguistiquement, identitairement – absorbe et repete l’ensemble des determinations qui lui sont rattachees par la diversite des pouvoirs instituants. Toutefois, ce processus de construction de soi par la reconnaissance des autres – qui s’adressent a l’individu, le nomment, lui repondent, qui impliquent de sa part la repetition –, est lui-meme dialectiquement suivi par celui de la differenciation, voire de l’individuation. Si ce trait est surtout caracteristique de l’habitus bourgeois, comme le note Bourdieu, il n’est qu’a lire le fourmillement des classes proletaires dans la litterature du XIXeme siecle pour s’apercevoir que cette differenciation n’est pas determinee selon les seules conditions de classe. Elle est une constante anthropologique liee a la question du desir, de sa satisfaction et de la demarcation au desir lui-meme. On reproche aux individus de repeter, d’imiter. Toutefois la dynamique de leur processus d’individuation les amene aussi a se differencier, a s’opposer, a mettre en critique les modeles qui leur seraient proposes tout aussi bien explicitement qu’implicitement. Lipovetsky note que la reproduction, au sens ou certains evenements reintroduisent la sur-determination des meta-recits qui initient des processus d’imitation sociale. En bref, on pourrait penser que c’est l’impact affectuel de l’evenement qui induit une situation de repetition et d’adhesion pour l’individu, lui permettant de se repositionner face a un impact affectuel qui l’a ebranle. L’engagement de la population americaine lors de l’attentat du WTC et son appui a la decision d’attaquer l’Irak temoignent parfaitement de cette reification du meta-recit, toutefois eux-memes traduits – comme les nombreux reportages sur des hommes particuliers en ont temoigne. La reproduction d’une valeur ou d’une ideologie devrait etre interrogee pragmatiquement quant a sa possibilite. En ce sens, parler de post-modernite n’evacue aucunement la question de l’imitation et production a l’identique de normes symboliques sociales, liees a la consommation, ne correspond qu’au debut de la societe democratique. Le narcissisme actuel, fonde sur la consommation, « represente ce degagement de l’emprise de l’Autre, cette rupture avec l’ordre de la standardisation des premiers temps de la societe de consommation ». Il y a bien des imitations, mais elles se micro-localisent, se micro-particularisent. Elles ne concernent plus que des micro- angularites et, ceci, toujours dans la dynamique d’une intensification pensee par l’individu. L’impossible sujet Contrairement a la modernite qui est hantee par l’unite authentique du sujet, meme si elle la pense comme l’impossible meme du langage, (pure negativite ou aporie), la pensee post- moderne tente de saisir non pas un sujet, mais une dynamique d’individuation. S’il y a une condamnation de la post-modernite, elle se fait a l’aune de cette preconception – heritee de la metaphysique occidentale – du sujet en tant qu’unite d’etre enveloppant la verite d’un sens de l’existence, ou, encore, la verite d’une relation au monde. Ecartelees entre modernite et tradition, les oeuvres postmodernes instaurent un dialogue different avec l’histoire, paradoxe d’une nouvelle simplicite qui veut pourtant esquiver l’expression nostalgique d’un retour. Le compositeur Wolfgang Rihm presente l’esprit postmoderne comme un vaste ensemble de renaissantegiques : instabilite de la zone frontiere entre tradition et modernite, deni d’une ecriture complexe et parametree en faveur d’un langage simplifie, ou encore abandon d’un style international au profit des langues vernaculaires. Par-dela les particularites des oeuvres postmodemes, il convient de prendre acte d’une prise de conscience des createurs qui decident d’instaurer, par des modalites renouvelees, un dialogue avec l’histoire. Assurement c’est pour notre epoque une chose naturelle alors meme qu’elle s’oriente vers la connaissance historique et s’investit dans des operations de restauration – il n’est que de songer a l’engouement suscite par la musique baroque ces dernieres decennies, faisant resurgir du tombeau les partitions oubliees, ou tantot a la pointe de l’avant-garde moderniste, encore d’evoquer le developpement des labels d’enregistrements historiques. Neo-garde, neoclassicisme, neoavant-garde, neo-romantisme, nouveau-neo- romantisme,nouveau-neo-avant-gardisme, postneonouveau, post-romantisme-avant- gardiste,post-neo-nouveau-vieux-avant-gardisme»1. Une telle confusion n’est pas sans reveler un peu de verite : aujourd’hui, les criteres qui designent la condition postmoderne d’une oeuvre sont pour le moins uploads/Litterature/ le-postmodernisme 2 .pdf
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- Publié le Mai 11, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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