Au XVIIème siècle, la médecine n’est encore qu’une science peu développée. Moli

Au XVIIème siècle, la médecine n’est encore qu’une science peu développée. Molière, auteur de comédies notamment, aime se moquer de la société et la critiquer, malgré le fait qu’il soit lié par le mécénat à Louis XIV. Il dénonce par le rire certaines professions, et notamment les médecins et les apothicaires (pharmaciens) dans son ultime pièce de théâtre, Le Malade Imaginaire en 1673. Cette comédie reprend l’histoire d’Argan, un hypocondriaque qui fait vivre un enfer à sa famille. Le texte que nous allons étudier est la scène d’exposition (Acte I, scène 1) durant laquelle Argan monologue sur scène. Nous allons analyser ce texte selon trois mouvements. De la ligne 1 à la ligne 15, nous pouvons voir qu’il y a une mise en scène comique d’Argan ; des lignes 16 à 29, nous parlerons du dialogue imaginaire avec M. Fleurant et enfin, de la ligne 30 jusqu’à la fin, nous montrerons qu’Argan est un vieillard ridicule. ARGAN, assis, une table devant lui, comptant avec des jetons les parties de son apothicaire. Trois et deux font cinq, et cinq font dix, et dix font vingt ; trois et deux font cinq . « Plus, du vingt-quatrième, un petit clystère insinuatif, préparatif et rémollient, pour amollir, humecter et rafraîchir les entrailles de monsieur. » (lecture de la facture) Ce qui me plaît de monsieur Fleurant, mon apothicaire, c’est que ses parties sont toujours fort civiles. « Les entrailles de monsieur, trente sols. » (phrase non verbale) Oui ; mais, monsieur Fleurant, ce n’est pas tout que d’être civil ; il faut être aussi raisonnable, et ne pas écorcher les malades. Trente sols un lavement ! (ponctuation expressive) Je suis votre serviteur, je vous l’ai déjà dit ; vous ne me les avez mis dans les autres parties qu’à vingt sols ; et vingt sols en langage d’apothicaire, c’est-à-dire dix sols ; les voilà, dix sols. + répétitions « Plus, dudit jour, un bon clystère détersif, composé avec catholicon double, rhubarbe, miel rosat, et autres, suivant l’ordonnance, pour balayer , laver et nettoyer le bas-ventre (voca scato) de monsieur, trente sols. » Avec votre permission, dix sols. « Plus, dudit jour, le soir, un julep hépatique, soporatif et somnifère , (énumération inutile) composé pour faire dormir monsieur, trente-cinq sols. » Je ne me plains pas de celui-là ; car il me fit bien dormir. Dix, quinze, seize, et dix-sept sols six deniers. « Plus, du vingt- cinquième, une bonne médecine purgative et corroborative, composée de casse récente avec séné levantin, et autres, suivant l’ordonnance de monsieur Purgon, pour expulser et évacuer la bile de monsieur, quatre livres. » Ah ! (ponctuation expressive) monsieur Fleurant (apostrophe), c’est se moquer : il faut vivre avec les malades. Monsieur Purgon ne vous a pas ordonné de mettre quatre francs. Mettez, mettez (impératif) trois livres, s’il vous plaît (marque de politesse). Vingt et trente sols. « Plus, dudit jour, une potion anodine et astringente, pour faire reposer monsieur, trente sols. » Bon, dix et quinze sols. « Plus, du vingt-sixième, un clystère carminatif, pour chasser les vents de monsieur, trente sols. » Dix sols, monsieur Fleurant. « Plus, le clystère de monsieur, réitéré le soir, comme dessus, trente sols. » Monsieur Fleurant, dix sols. « Plus, du vingt-septième, une bonne médecine, composée pour hâter d’aller et chasser dehors les mauvaises humeurs de monsieur, trois livres. » Bon, vingt et trente sols ; je suis bien aise que vous soyez raisonnable. « Plus, du vingt-huitième, une prise de petit lait clarifié et dulcoré pour adoucir, lénifier, tempérer et rafraîchir le sang de monsieur, vingt sols. » Bon, dix sols. « Plus, une potion cordiale et préservative, composée avec douze grains de bézoar, sirop de limon et grenades, et autres, suivant l’ordonnance, cinq livres. » Ah ! monsieur Fleurant, tout doux, s’il vous plaît ; si vous en usez comme cela, on ne voudra plus être malade (antithèse) contentez-vous de quatre francs, vingt et quarante sols. Trois et deux font cinq et cinq font dix, et dix font vingt. Soixante et trois livres quatre sols six deniers. Si bien donc que, de ce mois, j’ai pris une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept et huit médecines ; et un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze et douze lavements ; et, l’autre mois, il y avait douze médecines et vingt lavements. Je ne m’étonne pas si je ne me porte pas si bien ce mois-ci que l’autre. Je le dirai à monsieur Purgon, afin qu’il mette ordre à cela. Allons, qu’on m’ôte tout ceci. (Voyant que personne ne vient, et qu’il n’y a aucun de ses gens dans sa chambre.) Il n’y a personne. J’ai beau dire : on me laisse toujours seul ; il n’y a pas moyen de les arrêter ici. (Après avoir sonné une sonnette qui est sur la table.) Ils n’entendent point, et ma sonnette ne fait pas assez de bruit. Drelin, drelin, drelin. Point d’affaire. Drelin, drelin, drelin. Ils sont sourds… Toinette. Drelin, drelin, drelin. Tout comme si je ne sonnais point. Chienne ! coquine ! Drelin, drelin, drelin. J’enrage. (Il ne sonne plus, mais il crie.) Drelin, drelin, drelin. Carogne (terme péjoratif), à tous les diables ! Est- il possible qu’on laisse comme cela un pauvre malade tout seul ? (question rhétorique) Drelin drelin, drelin. Voilà qui est pitoyable ! Drelin, drelin, drelin ! Ah ! mon Dieu ! Ils me laisseront ici mourir (hyperbole). Drelin, drelin, drelin. Lecture linéaire et organisée de ce texte : I. Une mise en scène comique. Dans un premier temps, nous allons voir que Argan est mis en scène de façon comique. Tout d’abord, il est seul sur scène et monologue face au public, comme s’il se parlait à lui-même : « trois et deux font cinq. » Le côté comique de ce monologue transparaît à partir des très nombreuses énumérations de chiffres, liées au vocabulaire de l’argent : « cinq font dix et dix font vingt. », que l’on retrouve à la fin de chaque phrase ou presque puisque Argan lit une facture : « trente sols ». C’est une facture qu’il tient de son apothicaire M. Fleurant, et qui contient donc logiquement le champ lexical de la médecine : « clystère », « lavement »… Toutefois, ce champ lexical est ridicule, puisqu’il est suivi d’énumérations dénuées de sens et répétitives : « le julep hépatique, soporatif et somnifère ». Argan, seul face au public, se montre ridicule ; si l’on rajoute le comique de gestes lié au fait de compter les pièces, on se retrouve face à un personnage qui pousse au rire. II. Un dialogue imaginaire. Le côté ridicule d’Argan déjà évoqué est renforcé par le fait qu’il soit seul sur scène, mais qu’il discute malgré tout avec M. Fleurant. En effet, les guillemets correspondent aux parties que lit Argan et qui ont été écrites par l’apothicaire : « Plus le clystère de Monsieur… » Argan réagit à ces remarques comme si l’apothicaire était en face de lui : il l’apostrophe, en disant « Monsieur Fleurant ! », et va s’indigner face aux prix des remèdes, comme le montre l’interjection « Ah ! » suivi du point d’exclamation. Tout cela met en valeur l’avarice du personnage principal. Enfin, Argan termine la lecture de sa facture en soulignant les richesses qu’il faut avoir pour se permettre d’être malade, avec l’antithèse ridicule : « On ne voudra plus être malade », comme si la maladie était un choix. III. Un vieillard ridicule. La fin de cet extrait met en avant qu’Argan est totalement ridicule dans son rapport à l’argent mais aussi aux autres. La chose la plus frappante est la répétition de « Drelin, drelin, drelin », une onomatopée supposée imiter le son d’une clochette qu’il ne cesse de lancer entre deux remarques. Son côté comique est également renforcé par les insultes qu’il adresse à Toinette sa servante : « Carogne », « Chienne », « Coquine ». Il est complètement désespéré comme le montre le champ lexical de la solitude : « personne », « tout seul », lié à la question rhétorique : « est-il possible qu’on laisse comme ça un pauvre malade tout seul ? ». Enfin, l’hyperbole « ils me laisseront mourir » nous fait comprendre l’hypocondrie d’Argan, obsédé par sa maladie. Tous ces éléments sont annonciateurs des incidents qui vont arriver à Argan et son entourage médical. Conclusion : Pour conclure, nous avons pu voir que cette scène d’exposition du Malade Imaginaire correspondait à ce que l’on attend d’elle : elle nous présente le personnage principal, Argan, un hypocondriaque obsédé par son argent et par lui-même, et l’on devine que l’intrigue va tourner autour de la médecine. Nous pouvons ouvrir par rapport à la fin de la pièce : si au début, Argan se plaint d’être sans cesse malade, la dernière scène le consacre lui-même médecin, montrant l’évolution du personnage, mais surtout son ridicule puisqu’il possède finalement la tenue de ceux dont il réclamait en permanence l’attention. uploads/Litterature/ lecture-lineaire-texte-2-la-scene-d-x27-exposition.pdf

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