LES CONTES POPULAIRES DE L’ÉGYPTE ANCIENNE GASTON MASPERO Membre de l’Institut,
LES CONTES POPULAIRES DE L’ÉGYPTE ANCIENNE GASTON MASPERO Membre de l’Institut, professeur au Collège de France, directeur général du Service des Antiquités de l’Égypte. Introduction CONTES COMPLETS Le Conte des deux Frères Le Roi Khoufouî et les Magiciens Les plaintes du fellah Les Mémoires de Sinoubit Le Naufragé Comment Thoutiy prit la ville de Joppé Le cycle de Sâtni-Khâmois I. — L’Aventure de Sâtni-Khâmois avec les momies — II. — L’Histoire véridique de Sâtni-Khâmoîs et de son fils Sésosiris — III. — Comment Sâtni-Khâmoîs triompha des Assyriens. Le cycle de Ramsès II I. — La Fille du prince de Bakhtan et l’Esprit possesseur — II. — La geste de Sésostris — III. — La geste d’Osymandouas Le Prince prédestiné Le Conte de Rhampsinite Le Voyage d’Ounamounou aux côtes de Syrie Le cycle de Pétoubastis I. — L’Emprise de la Cuirasse — II. — L’Emprise du trône FRAGMENTS Avertissement Fragment d’un Conte fantastique antérieur à la XVIIIe dynastie La Querelle d’Apôpi et de Saqnounriya Fragments d’une Histoire de Revenant Histoire d’un Matelot L’aventure du sculpteur Pétêsis et du roi Néctonabo Fragments de la version copte thébaine du Roman d’Alexandre INTRODUCTION Lorsque M. de Rougé découvrit en 1859 un conte d’époque pharaonique analogue aux récits des Mille et une Nuits, la surprise en fut grande, même chez les savants qui croyaient le mieux connaître l’Égypte ancienne. Les hauts personnages dont les momies reposent dans nos musées avaient un renom de gravité si bien établi, que personne au monde ne les soupçonnait de s’être divertis à de pareilles futilités, au temps où ils n’étaient encore momies qu’en espérance. Le conte existait pourtant ; le manuscrit avait appartenu à un prince, à un enfant de roi qui fut roi lui-même, à Sétoui II, fils de Ménéphtah, petit-fils de Sésostris. Une Anglaise, madame Élisabeth d’Orbiney, l’avait acheté en Italie, et comme elle traversait Paris au retour de son voyage, M. de Rougé lui en avait enseigné le contenu. Il y était question de deux frères dont le plus jeune, accusé faussement par la femme de l’autre et contraint à la fuite, se transformait en taureau, puis en arbre, avant de renaître dans le corps d’un roi. M. de Rougé avait paraphrasé son texte plus qu’il ne l’avait traduit1. Plusieurs parties étaient analysées simplement, d’autres étaient coupées à chaque instant par des lacunes provenant, soit de l’usure du papyrus, soit de la difficulté qu’ors éprouvait alors à déchiffrer certains groupes de signes ou à débrouiller les subtilités de la syntaxe : même le nom du héros était mal transcrit2. Depuis, nul morceau de littérature égyptienne n’a été plus minutieusement étudié, ni à plus de profit. L’industrie incessante des savants en a corrigé les fautes et comblé les vides : aujourd’hui le Conte des deux Frères se lit couramment, à quelques mots près3. Il demeura unique de son espèce pendant douze ans. Mille reliques du passé reparurent au jour, listes de provinces conquises, catalogues de noms royaux, inscriptions funéraires, chants de victoire, des épîtres familières, des livres de comptes, des formules d’incantation magique, des pièces judiciaires, jusqu’à des traités de médecine et de géométrie, rien qui ressemblât à un roman. En 1864, le hasard des fouilles illicites ramena au jour, près de Déîr-el-Médinéh et dans la tombe d’un religieux copte, un coffre en bois qui contenait, avec le cartulaire d’un couvent voisin, des manuscrits qui n’avaient rien de monastique, les recommandations morales d’un scribe à son fils4, des prières pour les douze heures de la nuit, et un conte plus étrange encore que celui des deux Frères. Le héros s’appelle Satni-Khâmoîs et il se débat contre une bande de momies parlantes, de sorcières, de magiciens, d’êtres ambigus dont on se demande s’ils sont morts ou vivants. Ce qui justifierait la présence d’un roman païen à côté du cadavre d’un moine, on ne le voit pas bien. On conjecture que le possesseur des papyrus a dû être un des derniers Égyptiens qui aient entendu quelque chose aux écritures anciennes ; lui mort, ses dévots confrères enfouirent dans sa fosse 1 Dans la Revue archéologique, 1852, t. VIII, p. 30 sqq., et dans l’Athénæum français, t. I, 1852, p. 280-284 ; cf. Œuvres diverses, t. II, p. 303-319. 2 Satou au lieu de Baïti. Ce fut du reste M. de Rougé lui-même qui corrigea par la suite cette erreur de lecture. 3 C’est le premier des contes imprimés dans ce volume. 4 Analysées par Maspero dans The Academy (août 1811), et par Brugsch, Altægyptische Lebensregeln iit einem hieratischen Papyrus des vice-königlichen Museums zu Bulaq, dans la Zeitschritf, 1872, p. 49-51, traduit entièrement par E. de Rougé, Étude sur le Papyrus du Musée de Boulaq, lue à la séance du 25 août 1872, in-8 12 p. (Extrait des Comptes vendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres, 20 série, t. VII, p. 344-351), par Chabas, L’Égyptologie, t. I-II, Les Maximes du scribe Ani, in-4°, 1876-1877, et par Amélineau, La Morale Égyptienne, in-8°, 1890. des grimoires auxquels ils ne comprenaient rien, et sous lesquels ils flairaient je ne sais quels pièges du démon. Quoi qu’il en soit, le roman était là, incomplet du début, mais assez intact par la suite pour qu’un savant accoutumé au démotique s’y orientât sans difficulté. L’étude de l’écriture démotique1 n’était pas alors très populaire parmi les égyptologues : la ténuité et l’indécision des caractères qui la composent, la nouveauté des formes grammaticales, l’aridité ou la niaiserie des matières, les effrayaient ou les rebutaient. Ce qu’Emmanuel de Rougé avait fait pour le papyrus d’Orbiney, Brugsch était seul capable de l’essayer pour le papyrus de Boulaq : la traduction qu’il en a imprimée, en 1867, dans la Revue archéologique, est si fidèle qu’aujourd’hui encore on y a peu changé2. Depuis lors, les découvertes se sont succédé sans interruption. En 1874, Goodwin, furetant au hasard dans la collection Harris que le Musée Britannique venait d’acquérir, mit la main sur les Aventures du prince prédestiné3, et sur le dénouement d’un récit auquel il attribua une valeur historique, en dépit d’une ressemblance évidente avec certains des faits et gestes d’Ali Baba4. Quelques semaines après, Chabas signalait à Turin ce qu’il pensait être les membres disjoints d’une sorte de rapsodie licencieuse5, et à Boulaq les restes d’une légende d’amour6. Golénicheff déchiffra ensuite, à Saint-Pétersbourg, trois nouvelles dont le texte est inédit en partie jusqu’à présent7. Puis Erman publia un long récit sur Chéops et les magiciens, dont le manuscrit, après avoir appartenu à Lepsius, est aujourd’hui au musée de Berlin. Krall recueillit dans l’admirable collection de l’archiduc Régnier, et il rajusta patiemment les morceaux d’une Emprise de la Cuirasse8 ; Griffith tira des réserves du Musée Britannique un deuxième épisode du cycle de Satni-Khâmois, et Spiegelberg acquit pour l’Université de Strasbourg une version thébaine de la chronique du roi Pétoubastis. Enfin, on a signalé, dans un papyrus de Berlin, le début d’un roman fantastique trop mutilé pour qu’on en devine sûrement le sujet9, et sur plusieurs ostraca dispersés dans les musées de l’Europe les débris d’une histoire de revenants10. Ajoutez que certaines œuvres considérées au début comme des 1 On nomme démotique l’écriture employée aux usages de la vie civile et religieuse à partir de la XXVIe dynastie. Elle dérive de l’ancienne écriture cursive connue sous le nom de hiératique. 2 C’est l’Aventure de Satni-Khâmois avec les momies. 3 Transactions of the Society of Biblical Archæology, t. III, p. 349-356, annoncé par M. Chabas à l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres dans la séance du 17 avril 1874 ; cf. Comptes rendus, 1814, p. 92, 111-120. 4 Transactions of the Society of Biblical Archæology, t. III, p. 340-348. Il est publié dans ce volume sous le titre de : Comment Thoutiyi prit la ville de Joppé. 5 Annoncé par M. Chabas à l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres, dans la séance du 17 avril 1875, et publié sous le titre : L’Épisode du Jardin des Fleurs, dans les Comptes rendus, 1874, p. 92, 120-124. L’examen attentif que j’ai fait de l’original m’a montré que les fragments en avaient été mal assemblés et qu’ils doivent être disposés d’une manière fort différente de celle que M. Chabas avait connue. Ils renferment, non pas un conte licencieux, mais des chants d’amour analogues à ceux du Papyrus Harris n° 500 (Maspero, Études égyptiennes, t. I, p. 219-220). 6 Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres, 1874, p. 124. Ces fragments n’ont été encore ni traduits ni même étudiés. 7 Zeitschrift für Ægyptische Sprache und Alterthumskunde, 1876, p. 107-111, sous le titre : Le Papyrus n° 1 de Saint-Pétersbourg, et Sur un ancien conte égyptien. Notice lue au Congrès des Orientalistes à Berlin, 1881, in-8°, 21 p. 8 La découverte fut annoncée au Congrès des Orientalistes de Genève en 1894. 9 Lepsius, Denkmæler, Abth. VI, pl. 112. 10 Deux au musée de Florence (Golénicheff, Notice sur un Ostracon hiératique, dans le Recueil, t. III, p. 3-7), un au musée du Louvre (Recueil, t. III, p. 7), un au musée de Vienne (Bergmann, Hieratische und Hieratisch-demotische Texte der Sammtung Ægyptischer uploads/Litterature/ les-contes-populaires-de-l-egypte-ancienne.pdf
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- Publié le Oct 14, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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