Ligia Stela Florea Pour une approche linguistique et pragmatique du texte litté

Ligia Stela Florea Pour une approche linguistique et pragmatique du texte littéraire Ligia Stela Florea est professeur HDR à la Faculté des Lettres de lʹUniversité Babeş‐Bolyai, directeur du Centre de Linguistique romane et Analyse du discours, membre du Collège de rédaction de la revue Dacoromania de lʹAcadémie Roumaine. Ses travaux portent sur la syntaxe et les tendances actuelles du français, lʹanalyse contrastive (domaine français‐roumain), la sémantique des temps verbaux, la linguistique du texte et lʹanalyse du discours. Les plus importants sont: Le verbe français (1996), Temporalité, modalité et cohésion du discours (1999), Syntaxe du français actuel. La phrase simple et ses fonctions discursives (2000), La phrase complexe. Problèmes, analyses, interprétations (2009), Pour une approche linguistique et pragmatique du texte littéraire (édition 2015). Elle a coordonné un ample Dicţionar al verbelor franceze (Cluj‐Napoca, 2003) et élaboré, en collaboration avec Catherine Fuchs, directeur de recherche au CNRS, un Dictionnaire des verbes du français actuel, destiné au public français et publié à Paris en 2010. Elle a coordonné et collaboré à deux ouvrages financés par un projet CNCS: Gen, text şi discurs jurnalistic. Tipologia şi dinamica genurilor în presa scrisă română şi franceză (Bucureşti, 2011) et Aspects de la problématique des genres dans le discours médiatique (Cluj‐Napoca, 2011). Ligia Stela Florea Pour une approche linguistique et pragmatique du texte littéraire Seconde édition revue et augmentée Presa Universitară Clujeană 2018 Referenţi ştiinţifici: Prof. dr. Alexandra Cuniță Conf. dr. Cristina Tătaru © 2018 Autoarea volumului. Toate drepturile rezervate. Reproducerea integrală sau parţială a textului, prin orice mijloace, fără acordul autoarei, este interzisă şi se pedepseşte conform legii. Tehnoredactare computerizată: Cristian‐Marius Nuna Universitatea Babeş‐Bolyai Presa Universitară Clujeană Director: Codruţa Săcelean Str. Hasdeu nr. 51 400371 Cluj‐Napoca, România Tel./fax: (+40)‐264‐597.401 E‐mail: editura@editura.ubbcluj.ro http://www.editura.ubbcluj.ro/ ISBN 978‐606‐37‐0327‐0 5 AVANT-PROPOS La linguistique est bien d’essence textuelle et la littérature faite de mots, mais de mots chargés d’histoire et de culture. Je suis donc d’avis qu’une conscience linguistique évoluée (...) est formée de beaucoup de lectures littéraires et ne saurait se former autrement. De même, une lecture approfondie des œuvres littéraires (...) me semble présupposer une sensibilité linguistique qui dépasse de loin l’attention distraite que nous accordons normalement au langage de tous les jours. Ainsi, la langue et la littérature ne sont que les deux faces d’une même médaille frappée pour nous servir et polie pour nous plaire. (H. Weinrich, Conscience linguistique et lectures littéraires) Si nous tenons à préfacer ce livre par les mots de Harald Weinrich, c’est que, tout comme J.-M. Adam et U. Heidman, auxquels nous empruntons cette citation (Textualité et intertextualité des contes, Paris, 2010, p.16) nous voyons dans cet éminent linguiste et comparatiste un modèle de la manière dont on peut articuler les optiques de deux champs disciplinaires longtemps séparés par leur histoire: sciences littéraires et sciences du langage. C’est pour un tel échange bi-disciplinaire que nous plaidons dans cet ouvrage en proposant un autre genre de lecture des textes littéraires, une lecture qui met à profit les acquis de la linguistique textuelle, des théories de l’énonciation et de l’analyse du discours. Notre plaidoyer aligne, comme il se doit, des arguments d’ordre historique, linguistique, didactique et par-dessus tout des analyses de textes appartenant à de grands noms de la littérature française et roumaine : André Gide, Alain-Fournier, Marcel Proust, Roger Martin du Gard, Albert Camus, Eugène Ionesco, Georges Simenon, Hervé Bazin et Ion Luca Caragiale. Ce recueil d’études est une version remaniée et enrichie de l’ouvrage du même titre, publié en 2015 aux éditions eLiteratura de Bucarest. Les modifications apportées à la précédente édition concernent, à part des améliorations de détail, une plus claire répartition des études par sections thématiques et l’ajout d’une dixième analyse de texte et d’un chapitre de conclusions qui fait pendant au long chapitre introductif. Mais l’important c’est que ces études, dont certaines sont issues d’articles publiés au fil du temps dans divers volumes ou revues, ont inspiré à nos étudiants quelques projets de recherche finalisés par des mémoires de master ou des thèses de doctorat. LIGIA‐STELA FLOREA  Pour une approche linguistique et pragmatique 6 Quatre de ces projets ont été finalisés l’année dernière: deux mémoires de master et deux thèses dont l’une, intitulée Instruments linguistiques pour la pratique et l’analyse critique des traductions littéraires, exploitait un corpus de traductions roumaines de Maupassant et l’autre, intitulée Analyse des rapports de place dans quatre pièces de théâtre d’Eric-Emmanuel Schmitt mettait en œuvre, au cadre d’une pragmatique du discours théâtral, un corpus formé de textes dramatiques et de représentations scéniques. Nos vifs remerciements aux professeurs Alexandra Cuniţă de l’Université de Bucarest et Cristina Tătaru de l’Université Babeş-Bolyai de Cluj-Napoca pour les suggestions pertinentes qu’elles ont eu l’amabilité de nous faire à la suite d’une lecture attentive de la présente version. janvier, 2018 7 INTRODUCTION Une approche linguistique et pragmatique du texte littéraire Les rapports entre études linguistiques et études littéraires sont plus anciens qu’on le croit et on peut dire sans paradoxe qu’ils sont antérieurs même à la naissance de la linguistique comme science. En effet, les travaux de philologie, dont le but était d’établir, commenter et interpréter les textes anciens, mobilisaient tant des compé- tences linguistiques que littéraires. Un autre domaine, lié dans une certaine mesure aux travaux de philologie/édition des textes, est la traduction qui, bien avant de faire l’objet de modélisations théoriques, a constamment eu recours aux outils fournis par les grammaires et les dictionnaires et, à un stade empirique, à des connaissances portant sur la production des textes. De son côté, l’eseignement/apprentissage des langues a toujours fait appel, dans une mesure plus ou moins importante, aux textes littéraires, considérés comme des réservoirs inépuisables de faits linguistiques, même si, en tant que résultant d’un traitement idiolectal, ces faits de langue étaient avant tout des faits de style. L’étude des faits de style incombe à la stylistique littéraire, qui est sans conteste le domaine où les rapports entre linguistique et littérature ont été, depuis toujours, les plus systématiques et les plus réguliers. Celle qui, en France, a inspiré massivement les pratiques scolaires d’explication de textes a été la « stylistique des moyens d’expression », représentée par Marcel Cressot et Jean Marouzeau. Héritière de la rhétorique classique, la stylistique se donne pour tâche de relever les choix opérés par l’écrivain « dans tous les compartiments de la langue en vue d’assurer à sa com- munication un maximum d’efficacité » (Cressot 1963, p.2). L’interpétation de ces choix doit conduire le chercheur à l’intention qui les a commandés, ce qui revient, selon Cressot, à cerner les rapports d’ordre quantitatif et qualitatif entre expression et pensée ou entre expression et sentiment. Cette démarche part de la prémisse qu’il existe une double relation : entre expression et intention, d’un côté, et entre expression et effets produits, de l’autre. À la suite de Charles Bally, Cressot voit dans le fait de style un phénomène d’ordre linguistique, psychologique et social, ce qui explique les diverses contraintes qui pèsent sur les choix linguistiques de l’écrivain. Mais il est évident que l’appréhension du style ne se limite pas à l’étude de ces choix : LIGIA‐STELA FLOREA  Pour une approche linguistique et pragmatique 8 Qui prétendrait avoir défini le style de Flaubert dans Salammbô parce qu’il aurait étudié l’utilisation du vocabulaire et des images, du matériel grammatical, de l’ordre des mots et de la phrase ? Le style est plus que tout cela.. Nous n’avons pas le droit d’en exclure la vie latente de l’œuvre depuis la naissance d’une vision confuse mais sui generis, qui, peu à peu a pris forme dans la conscience de l’écrivain, s’est clarifiée, stylisée pour devenir la chose qui sera l’objet de la rédaction. (1963, p.4) La stylistique ne prétend pas tout dire ; son rôle se limite à mettre en évidence les intentions essentielles de l’écrivain et les moyens dont il s’est servi pour « ajuster son expression à sa pensée » (Cressot 1963, p.249). La stylistique ne va pas jusqu’à formuler des jugements de valeur, car ce rôle incombe « aux littéraires ». 1. Théories de l’énonciation et approche du texte littéraire 1.1. De Saussure à Benveniste On connaît bien la division langue/parole, mais on ignore la plupart du temps – car les critiques omettent volontiers de le mentionner – que Saussure n’y voyait pas une division dichotomique mais une relation de complémentarité et que, tout en accordant la première place à la « linguistique de la langue », il concevait bien la possibilité d’une « linguistique de la parole » occupant, c’est vrai une place secondaire dans la science du langage. Sans doute, ces deux objets sont étroitement liés et se supposent l’un l’autre : la langue est nécessaire pour que la parole soit intelligible et produise tous ses effets ; mais celle-ci est nécessaire pour que la langue s’établisse ; historiquement, le fait de parole précède toujours. On peut à la rigueur conserver le nom de linguistique à chacune de ces deux disciplines et parler d’une linguistique de la parole. Mais il ne faudra pas la confondre avec la linguistique proprement uploads/Litterature/ ligiastelafloreaapproachlinguisicand-pragmatiquesde-textesliterar.pdf

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