Pratiques Linguistique, littérature, didactique 153-154 | 2012 Littéracies univ

Pratiques Linguistique, littérature, didactique 153-154 | 2012 Littéracies universitaires : nouvelles perspectives Littéracies universitaires : présentation Isabelle Delcambre et Dominique Lahanier-Reuter Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/pratiques/1905 ISSN : 2425-2042 Éditeur Centre de recherche sur les médiations (CREM) Édition imprimée Date de publication : 15 juin 2012 Pagination : 3-19 Référence électronique Isabelle Delcambre et Dominique Lahanier-Reuter, « Littéracies universitaires : présentation », Pratiques [En ligne], 153-154 | 2012, mis en ligne le 16 juin 2014, consulté le 01 mai 2019. URL : http:// journals.openedition.org/pratiques/1905 © Tous droits réservés L’enseignement supérieur est un espace où se multiplient écrits et écritures. Cette multiplicité n’est pas qu’abondance, elle est aussi hétérogénéité, diversi- té, singularité. En effet, ces écritures ont des fonctions diverses : elles ne sont pas unique- ment des lieux d’évaluation (il existe des écrits autres que ceux d’examen) pas plus qu’elles ne se cantonnent à des transcriptions (les étudiants écrivent d’au- tres choses que des notes de cours). Leurs contextes le sont tout autant : quels le- viers pédagogiques ou didactiques les suscitent, quelles aides les accompa- gnent ? S’ils n’ont pas la même durée de vie, ni la même temporalité d’écriture, si les contraintes et les normes qui les régissent les différencient, ces écrits se distinguent également selon leurs destinataires (construits ou non, fictifs, atten- dus, effectifs), mais aussi selon le statut de leurs auteurs : certes enseignants et étudiants écrivent, mais qu’est-ce qu’être étudiant lorsque l’on écrit ? S’agit-il d’être un futur professionnel ou d’être un disciple s’abreuvant éternellement de savoir ? La question se décline également pour les enseignants : sont-ils plutôt des professeurs ou plutôt des chercheurs ? Enfin, de façon presque évidente, ces écritures se différencient selon leurs contenus, et leurs références (s’agit-il d’é- crire plutôt à partir de son expérience, de ses lectures, de ses connaissances ?). Nous arrêtons là ce qui devient énumération pour poser simplement que cette multiplicité est à interroger et à comprendre, ce que ce numéro permet de faire, en partie. 3 PRATIQUES N° 153/154, Juin 2012 Littéracies universitaires : présentation Isabelle Delcambre Dominique Lahanier-Reuter Université Charles-de-Gaulle-Lille3 Théodile-CIREL, EA 4354 Problématique et situation de ce numéro Ce numéro permet en effet de croiser et d’interroger les pratiques de littéra- cies (1) (ici restreintes à la production plus qu’à la réception de l’écrit) qui se dé- veloppent dans les formations universitaires, en focalisant sur trois ensembles de questions qui permettent de tracer les contours de l’analyse de ces pratiques : 1. en quoi les disciplines instituées peuvent-elles être considérées comme des facteurs explicatifs de variations dans les pratiques d’écriture, à l’échelle d’une même formation ? En fin de compte, qu’est-ce qu’une discipline ? Quels rôles les disciplines jouent-elles dans l’institution de l’univers acadé- mique ? 2. quelle est la place à l’université des écrits professionnels ou profession- nalisants ? Quel rôle l’écriture joue-t-elle ou peut-elle jouer dans les forma- tions professionnelles (d’enseignants, d’ingénieurs, de travailleurs so- ciaux, d’infirmières, etc.) ? 3. que pouvons-nous dire aujourd’hui des pratiques discursives à l’universi- té ? Comment en décrire la diversité, tant du côté des enseignants, des cher- cheurs que des étudiants (pratiques d’écriture scientifique, pratiques d’ac- compagnement de l’écriture des étudiants, pratiques du cours magistral, pratiques numériques) ? Sont ici rassemblées des recherches produites dans le champ des Littéracies universitaires qui prolongent explicitement par leur objet d’études le numéro de Pratiques publié en 2004, Les écrits universitaires (n° 121-122, coordonné par F. Boch, I. Laborde-Milaa et Y. Reuter ), qui mettait au jour la nécessité de dé- masquer des problèmes longtemps occultés, concernant l’écriture à l’université, liés à une trop grande focalisation sur les dimensions strictement linguistiques au détriment d’une approche discursive et épistémologique, liée aux disciplines. Mais ce numéro se situe aussi à la croisée de celui qui a été consacré à La littéra- tie (dirigé par J.-M. Privat et M. Kara en 2006) et de celui intitulé Les écrits de savoir (coordonné par M. Kara en 2009). Le premier participait du courant de ré- flexion sur la notion anglo-saxonne de littéracie qui a émergé en France au tour- nant des années 2000 (2) et a contribué à développer la fécondité des recherches menées par Jack Goody ; le second interrogeait de manière non exclusive mais importante les fonctions heuristiques de l’écriture dans les apprentissages disci- plinaires. Les liens entre écriture et disciplines sont l’objet d’une interrogation ancienne dans Pratiques, puisque les numéros Description (1998), Récits et dis- ciplines scolaires (2007), Images du scripteur (2002) en présentent, dans tout ou partie de leurs sommaires, des analyses extrêmement variées, quant aux discipli- 4 (1) Les variations orthographiques « littéracie(s)/littératie » seront discutées plus loin. Nous utilisons la graphie « littéracies ». Lorsque d’autres graphies apparaissent dans ce texte, el- les sont le fait des chercheurs cités. (2) La notion de littéracie(s) commence à apparaitre dans divers domaines de recherche en France au tournant des années 2000, essentiellement en confrontant à ce concept d’origine anglosaxonne les analyses des pratiques de l’écrit dans les institutions d’enseignement (par exemple, Chiss, 1998 ; Chiss & Marquillo-Larruy, 1998 ; Grossmann, 1999 ; Fijalkow & Vogler, 2000 ; Barré-De Miniac, 2003 ; Barré-De Miniac, Brissaud, & Rispail, 2004). nes concernées, quant aux méthodologies convoquées, quant aux niveaux sco- laires investigués. Ce numéro cependant, s’il s’inscrit dans une continuité de réflexion et d’étu- des, est une ouverture. Il est en effet le lieu d’une confrontation entre recherches américaine, britannique et française sur l’écriture à l’université, particulière- ment intéressante en ce qu’elle présente aux lecteurs français des traditions de recherche rarement diffusées en France (3) ainsi que celui d’une confrontation méthodologique entre analyses ethnographiques, linguistiques, didactiques ou rhétoriques des écrits ou des pratiques d’écriture, liées aux différentes traditions de recherche. L’unité de ce numéro tient aussi à l’usage de la notion de littéracies qui sous- tend l’ensemble des articles ici présentés, non pas seulement parce qu’ils sont is- sus, pour certains d’entre eux du champ de recherche nommé Academic Litera- cies, mais parce qu’ils envisagent tous, d’une manière ou d’une autre, des ques- tions liées à l’inscription des pratiques de l’écrit dans des contextes, institution- nels, disciplinaires, professionnels ou culturels, voire dans des contextes qui croisent plusieurs de ces déterminations, ce qui constitue un des apports impor- tants du champ des New literacy studies à l’analyse des pratiques de l’écrit. Avant de présenter de manière plus détaillée la structure du numéro et le con- tenu des articles, nous souhaitons revenir sur les définitions de la notion de litté- racie qui, tout autant que les graphies de ce terme importé, sont un des topoï des écrits de recherche qui citent cette notion et faire un rapide historique des champs de recherche qui s'y réfèrent. Nous préciserons ensuite ce que nous en- tendons par littéracies universitaires. Littéracie/Littéracies Les termes anglais literacy/literacies se traduisent orthographiquement de multiples manières. La graphie littéracies, retenue dans les recherches que nous menons, repose sur un compromis entre la dérivation française (voir « lettré », « littérature », etc.) en ce qui concerne les –tt– (le terme anglais s’écrit litera- cies) et une filiation avec le terme anglais en ce qui concerne le –c– final (bien que cette finale –cie ne soit pas inconnue en français, voir « superficie », « phar- macie »...). S’y ajoute le –s final dont la présence réfère à la diversité des prati- ques désignées par ce terme (Lea, 2008) et des domaines de recherches concer- nés par l’analyse de ces pratiques : linguistique, psycholinguistique, sociolin- guistique, ethnologie, didactique (Jaffré, 2004). Son absence ancrerait au con- traire la notion dans une perspective généralisante. Les définitions en sont multiples et plus ou moins complexes. Le sens courant du terme littéracie désigne la « capacité de lire et d’écrire ». Mais cette significa- tion ne va pas sans une certaine ambiguïté : en effet, le terme Literacy peut ren- voyer à un sens technique, formel, désignant les contenus et les effets de l’alpha- bétisation (un ensemble de compétences, dont ne dispose pas l’illettré ou l’anal- phabète) aussi bien qu’à un sens culturel, renvoyant aux cultures lettrées et aux 5 (3) A l’exception notable de l’ouvrage de C. Donahue (Donahue, 2008). hiérarchies sociales qui les sous-tendent, c’est-à-dire à un ensemble de pratiques situées dans des contextes spécifiques et des usages sociaux (Fraenkel & Mbodj, 2010). Interroger les pratiques de littéracies en contexte universitaire, c’est ain- si davantage mettre l’accent sur les dimensions culturelles, institutionnelles et historiques de l’écriture, liées aux communautés de pratiques (Lave & Wenger, 1993), plus que sur ce que l’UNESCO appelle la functional literacy. Pour préciser, nous souhaitons nous référer à deux définitions proposées par Jean-Marie Privat. La première est un emprunt à J.-P. Jaffré, proposé comme tel dans la présentation du numéro de Pratiques (2006 : 6) consacré à la littéracie et à J. Goody : « La litéracie désigne l’ensemble des activités humaines qui impliquent l’usage de l’écriture, en réception et en production. Elle met un ensemble de compétences de base, linguistiques et graphiques, au service de pratiques, qu’elles soient tech- niques, cognitives, sociales uploads/Litterature/ litteracie.pdf

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