MARCEL COULON Anatomie Littéraire LA PRECOCITE DE RIMBAUD LE TRANSFORMISME ET J

MARCEL COULON Anatomie Littéraire LA PRECOCITE DE RIMBAUD LE TRANSFORMISME ET J.-H. FABRE LACTUALITÉ DE LECONTE DE LISLE tl NACH PARIS " PAR LOUIS DUMUR VICTOR GELU " LE TERRIBLE CHANSONNIER UN APRÈS-MIDI CHEZ MOREAS HENRI BACHELIN ET HENRI BARBUSSE DEUX MOTS SUR PONCHON L'IMAGINATION DE RACHILDE LA RENOMMÉE DE VERLAINE PARIS LIBRAIRIE DES LETTRES 12, Rue Séguiet, 12 IL A ETE TIRE DE CET OUVRAGE : 5 exemplaires sur vergé pur fil Lafama numérotés de 4 a 5. PO 13? LA PRECOCITE DE RIMBAUD LA PRÉCOCITÉ DE RIMBAUD Prodigieusement rapide à naître, plus rapide encore à s'évanouir, Rimbaud à quinze ans est en possession de ses dons surnaturels, à seize ans il a produit ses plus beaux vers, à dix-huit il a terminé sa tâche. Quelques mois de l'existence d'un enfant ont suffi à composer une page des plus attirantes et durables de l'anthologie. Le génie poétique est hâtif. Malherbe, La Fon- taine, Vigny, Leconte de Lisle, qui produisent tard, constituent l'exception d'une règle bien générale. Mais aucun de nos grands poètes, Hugo, Musset mêmes, n'offrirent précocité com- parable à celle-ci. C'est à vingt ans qu'ils donnent leur premier livre. N'est-il pas piquant de se dire que si la mort eût pris trois, quatre ans après que Rimbaud a conquis des droits à la gloire le futur auteur des Contemplations et ce- lui de Namouna, nul ne soupçonnait la perte des lettres ? A l'époque où il peut écrire : Moi qui, fuyant toujours les cités et les cours, De trois lustres à peine ai vu finir le cours, 8 ANÀTOMIE LITTÉRAIRE qu'est-ce que Hugo ? — Un terrible rimailleur qui coule pêle-mêle épîtres, odes, élégies, tragédies, satires, charades et madrigaux dans un plat moule officiel. Et Musset, et Théophile Gautier, l'un de ceux qui devinrent de meilleure heure originaux et savants, n'ont peut-être pas droit encore au titre de versificateur. — Vous invoquez Byron, dont les Heures de Paresse furent écrites sous les ombrages universitaires de Cambridge. Mais à quel âge ? Dix-neuf ans. A cet âge, il y a beau temps que Rimbaud n'est plus. Car entré brusquement dans la demeure des Muses, l'étrange visiteur l'abandonne avec la même soudaineté, et pas plus qu'il ne semble pos- sible de voir d'où il est venu, on ne comprend par où il a fui. 11 y a dans le départ mystère plus déconcertant encore que dans l'arrivée. Le sillage d'un météore, la chute d'un aérolithe, ou, pour ne point sortir du domaine humain, le passage d'un de ces monstres de vitesse que déchaîne l'indus- trie automobile ne donne pas une image trop poé- tiquement exagérée de l'apparition de Rimbaud dans notre ciel littéraire. Mais cette voiture enra- gée, mais cette étoile filante, mais ce Calme bloc ici-bas chu d'un désastre obscur, nous croyons savoir leur origine, leur but, leurs raisons. Un rossignol en roulade manque à notre oreille. Mais interrogeant la nuit et le ténébreux feuillage, nous imaginons la serre qui cloua silen- LA PRÉCOCITÉ DE B111BAUD cieusement le gosier divin. Nons percevons l'œil phosphorescent du hihou, nous entendons son aile d'ouate... L'apparition et la disparition de Rimbaud sont un accident unique qu'aucun fait connu ne peut expliquer et dont nulle analogie n'aidera à éclair- cir le mystère, un problème dont aucune hypo- thèse naturelle ne facilite la solution. Rimbaud est né le 20 octobre 1854, à Charle- ville. Entré au collège à onze ans, il commence sa rhétorique en octobre 1869. A ce moment il compose Les Etrennes des Orphelins, le plus an- cien des poèmes qui nous sont restés de lui. Fin août 1870, il a produit déjà un quart de son œu- vre, lorsqu'il déclare ne plus vouloir poursuivre ses études, fort brillantes sur le chapitre des lettres, et s'enfuit à Paris. Arrêté à sa descente du train pour vagabondage, puis au bout de quel- ques jours rendu aux siens, il s'échappe derechef au début d'octobre, gagne Gharleroi, Bruxelles, Douai, d'où il est ramené administrativement à Gharleville, ayant composé en trois semaines d'une existence sans feu ni lieu un second quart, environ de ses reliques. An Cabaret vert, La Ma- line, Ma Bohême : Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées... sont le fruit le plus significatif de cette seconde équipée. 11 produira encore et notamment Les Assis, A la IÀ PRÉCOCITÉ DE RIMBAUD 11 Musique, de novembre à février 1871, tandis que Gharleville et Paris investis le retiennent impa- tient. Nouvelle escapade, en février, à pied, à tra- vers les troupes allemandes ; nouveau retour où l'obligent le froid et la faim. En mai, toujours dé- pourvu de ressources, il échoue pour la troisième fois dans la capitale et s'enrôle parmi les insurgés de la Commune. 11 les quitte quelques jours avant l'arrivée des Versaillais et revient chez lui en mâ- chant l'invective Paris se repeuple. Séjour à Char- leville jusqu'en septembre et éclosion du Bateau Ivre. Quatrième voyage à Paris sous les auspices de Verlaine. Cette fois l'admiration que ses poè- mes ont suscitée lui vaut un domicile et des sub- sides. Il étonne les cénacles, de Banville à Charles Cros. Hugo l'appelle « Shakespeare enfant »,Car- jat le photographie, Forain le croque et Fantin. Latour l'assoit à son « Coin de Table ». En avril 1871, retour non moins obligatoire que les précé- dents, car son caractère et ses façons ont décou- ragé les sympathies aussi vite et aussi fort que son génie les avait acquises. Il rapporte, avec Les Chercheuses de Poux, le sonnet des Voyelles et quelques-unes de ses Illuminations. D'avril à juil- let, tantôt en Ardennes, tantôt à Paris, il compo- sera quelques pièces dont Comédie de la Soif, qui seront ses adieux à la poésie ; et, sauf à de rares instants, il abandonnera le vers pour la prose. Mais déjà la littérature commence à ne plus l'in- téresser. En juillet il part pour la Belgique avec 12 ANATOMIE LITTÉRAHIE Verlaine. Ils sont en Angleterre en septembre. Vers le milieu de décembre, il quitte Verlaine à Londres, rentre à Charleville. Si toutes les Illu- minations ne sont pas encore écrites, il n'en reste guère. Un second voyage à Londres, mais de quelques jours, au début de l'année suivante. Entre son retour et le départ pour un troisième voyage, il compose Une Saison en Enfer. Mai les revoit à Londres, Verlaine et lui ; juillet à Bruxelles, où Verlaine, dont il veut se séparer, le blesse d'un coup de revolver. Pendant que Verlaine entame les deux ans de détention que son acte lui vaudra, Rimbaud, ex- pulsé de Belgique, revient à Roche, près Vou- ziers, berceau de sa famille maternelle, et pré- pare l'édition d'Une Saison en Enfer. Elle paraît en octobre à Bruxelles. Il jette immédiatement au feu les quelques exemplaires que son éditeur lui a envoyés. La littérature ne le reverra plus. Dès lors son existence veut être un vagabondage sans arrêt. En novembre 1873 il est à Paris, sitôt après à Londres, puis en Ecosse. Rappelé en jan- vier 1875 pour le tirage au sort et exempté par le service de son frère, il s'installe en février à Stuttgart. Puis parcourt l'Allemagne, traverse les Alpes, gagne Milan, Turin, Sienne, Livourne, en route pour les Cyclades. Epuisé par ses mar- ches forcenées, il tombe malade, se fait rapatrier à Marseille, où il séjourne à l'hôpital. Sitôt re- LA PRÉCOCITÉ DE RIMBAUD 13 posé, il pousse une pointe sur la frontière d'Es- pagne, s'engage dans une bande carliste, et repa- raît à Charleville, en octobre. 1876 le voit au Helder, au service de la Hol- lande. Envoyé à Sumatra, il déserte et erre à tra- vers l'archipel jusqu'à ce qu'il puisse embarquer à Batavia sur un navire anglais. 11 touche à Liver- pool, longe en bateau la Grande-Bretagne, le lit- toral norwégien, danois, hollandais, les côtes de France, s'arrête à Bordeaux d'où, par la route, infatigable et seul, il arrive dans les Ardennes le 31 décembre. En avril 1877, Rimbaud est à Vienne pour ga- gner l'Asie Mineure. Blessé au cours dune rixe, qui motive son expulsion, il revient à Charleville par la Bavière. Il file tout de suite en Hollande, se rend à Hambourg, à Copenhague, à Stockholm. En automne, après une courte escale sous le toit maternel, il arrive à Marseille et s'embarque pour Alexandrie. Malade, il est débarqué sur le rivage italien, visite Rome et retourne passer l'hiver au- près des siens. En avril 1878, après un second voyage à Ham- bourg, il est en Suisse, qu'il parcourt en large et en long. En juin, à Roche. Le 17 novembre, à Gênes. En décembre, à Alexandrie. En 1879 il visite Chypre. Juin le trouve à Ro- che, où la fièvre typhoïde l'oblige à un long sé- jour. Au mois de mars 1880, il entre en Egypte. 11 14 ANATOMIE LITTÉRAIRE est derechef à Chypre le 20 mai. Fin juillet, il visite les ports de la Mer Rouge. En août, à Aden, il entre au service d'une maison française qui fait le commerce du café. uploads/Litterature/ coulon-marcel-anatomie-litteraire-la-precocite-de-rimbaud.pdf

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