LIVRE SIXIÈME (1640-1700) I Les Généraux des Jésuites pendant le XVIIe siècle.
LIVRE SIXIÈME (1640-1700) I Les Généraux des Jésuites pendant le XVIIe siècle. – Élections et Congrégations générales. Les Jésuites en Espagne. – Banqueroute de Séville. – Jésuite adultère canonisé par ses confrères. – Guerre aux Dominicains. – Écrits contraires aux Jésuites. – Le Theatro-Jesuitico. – La question de l'Immaculée-Conception exploitée par les Jésuites contre les Dominicains. – Le Père Aquete et ses héros. – Son exhortation guerrière. – Le ministère du Père Nithard. Les Jésuites en Portugal. – Ils livrent ce royaume à Philippe II. – Massacre des Écclésiastiques suspects. – Philippe en obtient de Rome l'absolution. – Révolution de Portugal. – Rétablissement de la maison de Bragance. – Les intrigues politiques des Jésuites pour gouverner cette maison et la détruire au profit de leur Compagnie. – Les Prophéties du P. Vieira. – Ils espèrent faire du Portugal leur propriété. – Ils trahissent Alphonse VI et mettent sur le trône son frère Don Pedro, qu'ils gouvernent. – Le P. Vieira condamné par l'Inquisition. – Vengeance des Jésuites contre les Inquisitions de Portugal. – Ils profitent de la jalousie de l'inquisition de Rome contre elles. Les Jésuites chassés de Malte. – Récits contradictoires. – Louis XIII roi de France exige le rétablissement des Jésuites à Malte. Les Jésuites en Allemagne. – Le P. Lamormaini et Ferdinand II. – Guerre de trente ans. – Massacres de Bohème. – Les Jésuites se font attribuer des biens qui ne leur appartenaient pas. – Ils usurpent les biens Ecclésiastiques et ne remplissent pas les obligations attachées à leur possession. – Quelques-unes de leurs fourberies pour s'emparer du bien d'autrui. – Ils implorent l'intervention de la Cour de France en leur faveur auprès des Protestants d'Allemagne. – Livres du P. Hay, Benédictin, du P. Willaume, vicaire général de l'Ordre de Cluny, et de Gaspard Scioppius. Les Jésuites en Pologne et en Belgique. – Leurs luttes avec les Universités de Cracovie et de Louvain. – Ils mettent la division dans l'Église de Hollande, qu'ils veulent dominer. – Leurs luttes contre les archevêques d'Utrecht et les évêques élus. – La Cour de Rome suit leur direction. – Ils donnent naissance à l'Église opposante de Hollande. – Leurs luttes contre le clergé d'Angleterre. – Ils veulent asservir cette Eglise comme celle de Hollande. – L'abbé de Saint-Cyran défenseur de l'Eglise d'Angleterre. – Adresse de cette Église au docte abbé. Les faits que nous venons de raconter suffiront pour faire apprécier les Missions des Jésuites; nous allons maintenant reprendre la suite de l'histoire de la Compagnie dans les diverses contrées de l'Europe. Pendant le XVII e siècle, nous n'avons rien d'important à enregistrer sur la vie intime et le gouvernement des Jésuites. Après la mort de Mutius Vitelleschi, on vit se succéder plusieurs Généraux qui ne firent rien d'éclatant, et qui n'exercèrent sur la société qu'une action secrète et dissimulée, au moyen de leurs nombreux affiliés. Ils se contentaient de gagner à leur Compagnie de puissants protecteurs, et de fonder, avec leur appui, de nouveaux établissements. Les Jésuites eux-mêmes reconnaissent qu'à dater du généralat de Mutius Vitelleschi, l'influence de leurs Généraux fut occulte, et qu'ils se contentèrent de la réalité de la puissance sans en rechercher l'éclat. «Les Généraux de la Compagnie disparaissent, disent-ils; ils semblent se réserver un rôle passif dans l'histoire, au moment où la Société de Jésus, à son apogée, remplit les annales du monde de la multiplicité de ses travaux.» Malgré ce rôle passif, «ils gouverneront, ajoutent les Jésuites, avec le même prestige d'autorité que leurs prédécesseurs; ils rencontreront partout des obéissances actives, des cœurs se faisant une joie d'aller au-devant du joug.» Ces cœurs joignirent toujours, selon les Jésuites, «la souplesse du caractère italien à un fond de gaieté française et de bonhomie allemande,» ce qui forme «le cachet distinctif de l'Ordre de Jésus.» Mutius Vitelleschi mourut, le 9 février 1645, après avoir nommé Sangrius vicaire général. Ce Jésuite convoqua la huitième Congrégation générale, qui fut composée de quatre- vingt-huit profès, dont les plus célèbres étaient Menochi et Claudes de Lingendes. Cette Congrégation fit soixante décrets, et élut pour Général Vincent Caraffa, «homme véritablement selon le cœur et l'esprit de la Compagnie de Jésus,» disent les Jésuites. Caraffa gouverna pendant peu de temps la Compagnie. Il mourut le 8 juin 1649, et fut remplacé par Piccolomini, élu par quatre-vingts profès, formant la neuvième Congrégation. Rien d'éclatant ne signala son 1 court généralat. Le 7 janvier 1652, la dixième Congrégation élut Alexandre Gottifredi, qui mourut avant que les électeurs se fussent séparés. Ils étaient au nombre de soixante-dix-sept. Ils donnèrent, pour succéder à Gottifredi, Gozwin Nickel. En 1661, la onzième Congrégation, composée de quatre-vingt-onze profès, choisit Oliva pour vicaire général, avec future succession, afin d'aider Nickel dans le gouvernement de la Compagnie. Trois ans après, Oliva devenait Général; il en remplit les fonctions pendant dix-sept ans. Charles de Noyelle lui succéda en 1682 et mourut en 1686. Thyrse Gonzalès fut élu par la treizième Congrégation, composée de quatre-vingt-six membres. Il fut Général pendant dix-huit ans. Le 17 janvier 1706, il fut remplacé par Michel-Ange Tamburini, élu par la quatorzième Congrégation, dans laquelle on remarquait les Pères Tellier et Daubenton, que nous verrons jouer un grand rôle dans l'histoire. A part l'élection de Charles de Noyelle, toutes ces élections étaient chaudement disputées, et les élus n'obtenaient qu'une faible majorité. Les électeurs cependant n'étaient, en moyenne, qu'au nombre quatre-vingts environ. C'était peu pour une Compagnie qui comptait tant de milliers de membres de divers degrés, et tant d'affiliés; mais les chefs des Jésuites ont toujours eu pour principe de concentrer le gouvernement de la Compagnie et ses secrets dans un petit nombre, et de ne considérer le reste que comme un troupeau destiné à obéir aveuglément. Une chose digne de remarque, c'est que les profès qui assistaient aux Congrégations étaient, pour la plupart, des hommes inconnus. On en rencontre fort peu parmi eux qui se soient fait même une médiocre réputation par leurs talents. Dans les décrets rendus par les Congrégations, nous ne remarquons rien qui ait quelque importance historique : ce n'est donc que par son action extérieure que nous pourrons juger la Compagnie. En Espagne, lieu de sa naissance et de ses plus grands développements, elle était, au commencement du XVII e siècle, dans une grande prospérité matérielle. Philippe II l'avait largement récompensée du dévouement qu'elle avait montré pour sa politique et pour ses intérêts; mais, si elle possédait en Espagne d'innombrables établissements et d'immenses richesses, elle était, sous le rapport moral, dans une telle décadence, que le Père Jouvency lui- même est obligé d'avouer qu'en ce pays, plus que partout ailleurs, elle eut besoin de réforme. Les Jésuites n'étaient pas encore satisfaits des richesses qu'ils avaient acquises, par tous ces moyens qui leur ont toujours si bien réussi; pour les augmenter, ils eurent recours à une banqueroute qui produisit dans toute l'Espagne un grand scandale.1 Si nous en croyons les Jésuites, cette banqueroute doit retomber tout entière sur un frère coadjuteur, André Villar, qui avait cru pouvoir faire le commerce pour enrichir les établissements d'Espagne, qui étaient à peu près dans le dénûment. Ce frère coadjuteur fit des emprunts, aggloméra des capitaux, équipa des navires, sans qu'aucun autre Jésuite s'en fût même douté. Les bons Pères furent très étonnés d'apprendre par la rumeur publique que le frère coadjuteur d'une <des sept maisons de Séville, n'ayant pas réussi dans son commerce, faisait une banqueroute de plus de deux millions. Ils affirment que tous les créanciers furent remboursés, et que le frère coadjuteur, chassé de la Compagnie, se déclara seul coupable. Il en est qui racontent tout autrement la banqueroute de Séville. Selon ces historiens, le frère coadjuteur, Procureur d'une de leurs maisons de Séville, avait fait des accquisitions en terres et en bestiaux, de l'aveu et avec le consentement des autres Jésuites. Ceux-ci, voyant toutes choses prospères, ôtèrent à André Villar les registres de la gestion, et s'arrangèrent de manière à établir un énorme déficit. Ils proposèrent aux créanciers un arrangement par lequel ils perdaient moitié de leur argent; plusieurs s'y refusèrent. Les Jésuites eux-mêmes revinrent sur leur proposition, et ne payèrent que 105,294 francs, au lieu de 2,250,000 francs, qui était le chiffre de leur dette. L'autorité fit une descente dans leur maison et saisit leurs papiers, qui fournirent la preuve de leur friponnerie. Outre les registres de commerce, on en saisit un intitulé : Livre des œuvres pies secrètes. On y lisait ces lignes : «Il faut temporiser avec Dom 2 1 Histoire de la Compagnie de Jésus, commencée par Orlandini et continuée par Sacchini, Jouvency et Cordara; Histoire de la Compagnie de Jésus, publiée par M. Crétineau-Joly, sous la direction des Jésuites; Mémoire présenté au roi d'Espagne, sur la banqueroute des Jésuites de Séville, par Onuphre de Salazar; Theatro-Jesuitico, ouvrage composé par un Dominicain contemporain des événements qu'il a racontés; Mémoires d'Amelot de la Houssaye. Rodrigue Barba Caveça de Vaca jusqu'à la mort du bénéficier Jean Feguer de Valesco; et lorsqu'il sera décédé (il avait alors quatre-vingt-trois ans), il faudra fermer la porte uploads/Litterature/ livre-sixieme.pdf
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- Publié le Aoû 06, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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