L’ANALYSE DES LOGIQUES SUBJECTIVES LOGIQUE DES ÉNONCÉS PSYCHOTIQUES Jean-Jacque

L’ANALYSE DES LOGIQUES SUBJECTIVES LOGIQUE DES ÉNONCÉS PSYCHOTIQUES Jean-Jacques Pinto Psychanalyste, formateur et conférencier Aix-Marseille (Des passages de ce texte de 1984 ont été incorporés dans ma conférence sur la psychothérapie des psychoses, mais il procède d'une approche globale différente, ce qui justifie sa publication qui n'est donc pas redondante) La démarche que je vais suivre dans cet exposé va être assez particulière. On dit couramment: « il y a LA PSYCHOSE, LA NÉVROSE, LA PERVERSION », etc..., ou "LE PSYCHOTIQUE, LE NÉVROTIQUE, LE PERVERS", etc... Assez vite on en vient à parler alors de STRUCTURE, soit en opposant structure névrotique et structure psychotique par exemple, soit en disant: les non psychotiques sont structurés comme ceci ou comme cela, tandis que le psychotique lui est destructuré. Ce mot STRUCTURE est une MÉTAPHORE dont l'étymologie est celle du mot construction, et qui ne peut manquer d'évoquer l'image d'une charpente, d'une ossature, favorisant peut-être l'assimilation de ces structures psychopathologiques avec les différents types de squelettes rencontrés dans les espèces animales. De fait on a affaire dans les deux cas à une classification, à une taxinomie portant sur des ÊTRES supposés, même si on se montre nuancé, "souple", par exemple en décrivant des formes de passage, des états-limites etc... Un emploi plus subtil du mot structure, recourant à la topologie et à une combinatoire de lettres, requiert une analyse et une critique plus fines, que je n'aborderai pas aujourd'hui. Pour ma part j'utiliserai plutôt le mot LOGIQUE, dérivé de LOGOS, puisque ce que je cherche à décrire, ce sont des énoncés. Ce mot lui-même n'est pas exempt de critiques... Au lieu d'opposer des énoncés dits PSYCHOTIQUES à des énoncés dits NON PSYCHOTIQUES, je vais au contraire chercher à montrer qu'ils concordent sur une majorité de points, et que les différences qui existent pourtant bel et bien entre ces énoncés ne sont pas celles que l'on a coutume d'évoquer, par exemple quand on dit que le texte névrotique serait déchiré mais raccommodable alors que le texte psychotique présenterait un trou, une perte de substance irrémédiable. POINTS COMMUNS : PREMIER POINT COMMUN : Le corps humain en tant qu'organisme biologique a la propriété de répéter des perceptions de toutes sortes, et c'est là tout simplement la mémoire. De ce fait toute perception qu'il répète est une perception sans objet (définition même de l'hallucination !!!) C'est donc une machine à répéter des perceptions de toutes sortes, dont les paroles ; le discours parental se répète aussi chez le psychotique DEUXIÈME POINT COMMUN : Parmi ces perceptions qui se répètent, il y a de la parole. Donc aussi bien chez celui que tiendra des énoncés psychotiques que chez celui qui tiendra des énoncés non psychotiques, la parole est connue. Dire « le psychotique n'a pas accédé au symbolique » n'est pas fondé : ça ne pourrait se dire que de l'enfant- loup ou de l'enfant sauvage. Cette parole entre en répétition d'elle-même, « ça parle", et ça parle « tout seul » comme on dit « il pleut », "il" étant impersonnel : il n'y a pas d'auteur à la parole. A rapprocher de l'automatisme de répétition TROISIÈME POINT COMMUN : Dans les énoncés psychotiques et non psychotiques, on trouve la même bipartition, qui est la suivante : Il y a reconnaissance, pour certaines perceptions, qu'elles sont sans objet actuel, qu'elles répètent des perceptions passées. On les nommera SOUVENIRS. Le Président Schreber, quoique tenant des énoncés psychotiques, sait très bien qualifier du nom de souvenirs certaines des perceptions qui se présentent à son esprit. Exemples? À l'inverse, il y a méconnaissance, pour certaines perceptions, qu'elles sont également en répétition, avec d'éventuelles transformations. On va alors affirmer que ce qui est perçu ici et maintenant surgit pour la première fois et ne doit rien au passé : on va nier la dimension temporelle de la répétition. C'est le cas pour nombre de paroles qui se présentent à l'esprit spontanément. “créativité”, oubli d’une expérience antérieure QUATRIÈME POINT COMMUN : Une autre méconnaissance commune aux énoncés psychotiques et non psychotiques porte sur le fait que des phénomènes incontestablement non verbaux sont soit appelés, convoqués par du VERBAL (les affects et les images qui surgissent après un mot entendu ou lu, quand on lit un roman par exemple), soit lisibles comme la MISE EN RÉBUS de quelque chose qui est au départ VERBAL : - le rêve avec les images qu'il donne à voir est un rébus - le symptôme est un rébus - un air de musique qui traverse l'esprit peut être un rébus. Cf traduction et interprétation. CINQUIÈME POINT COMMUN : Ni l'énoncé psychotique ni l'énoncé non psychotique n'inventent rien quand leyrs auteurs disent entendre quelque chose. Il n'y a aucun doute à avoir sur le fait que quelque chose est perçu ACTUELLEMENT. La différence entre les deux types d'énoncés va porter sur la réponse à la question « qui le dit, ce que j'entends ici et maintenant ?". cf exemples infra SIXIÈME POINT COMMUN : Rechercher « qui le dit » suppose une croyance (commune aux deux types d'énoncés) dans le fait que la parole a un auteur potentiel. Énoncé psychotique et énoncé non psychotique sont d'accord pour nier que « ça parle tout seul", et pour affirmer qu'il faut bien que ce soit quelqu'un qui parle. On évoque alors comme auteur possible de la parole "JE", qui est le nom qu'on donne à une instance qui coordonnerait les perceptions, en ferait la synthèse. "JE" est le nom d'un être doté de liberté et de volonté, qui échappe à toute détermination antérieure dans le moment où il prend la parole, qui s'est créé lui-même, qui est cause de toutes les actions qu'on lui impute. Il répond donc aux caractéristiques de Dieu, mis à part l'éternité. C'est là que survient une différence entre énoncé psychotique et énoncé non psychotique. Je ne prétends pas ici rendre compte de tous les énoncés psychotiques. Je vais simplement parler de ce qui se passe dans l'AUTOMATISME MENTAL, dans lequel le sujet dit « tout ce que je fais ou dis, on me le fait dire ou faire".Dans cet énoncé, "JE" est donc supposé exister : le sujet ne dit pas (comme Lacan) « ce qui parle sans le savoir me fait "JE", sujet du verbe", ou encore « le fait même que je dise "JE" m'est imposé ». Non, il dit « JE existe, mais privé de la liberté et de la volonté auxquelles il aurait droit. L'auteur de ce que j'entends n'est pas MOI, ce qui cause ma parole est EXTERNE : ON me parle". L'énoncé non psychotique dira au contraire « JE existe, et est bien l'auteur de ce que j'entends dire dans ma tête en ce moment, la cause de ma parole est INTERNE : JE me parle, et ce faisant je manifeste MON LIBRE-ARBITRE et MA VOLONTÉ".Comment expliquer cette différence entre énoncé psychotique et énoncé non psychotique ? Eh bien paradoxalement à l'aide d'un autre POINT COMMUN à ces deux énoncés, et qui est la TRANSFORMATION PRONOMINALE ou plus précisément RÉFLÉCHIE. C'est une hypothèse que nous faisons, et dont la démonstration est en cours. Lors de l'IDENTIFICATION de l'enfant par un ou des adultes parlants, que nous nommerons PORTE-PAROLES plutôt que parents, rappelant par là qu'ils peuvent ne pas être les géniteurs, nous allons supposer que tout énoncé de l'adulte de la forme A * B, * étant un verbe, subit chez l'enfant une transformation engendrant les énoncés : B * B B * A B * C. Par exemple l'énoncé de l'adulte « je le garde » (sous-entendu « parce qu'il me donne entière satisfaction") devient, chez un enfant qu'on qualifiera schématiquement d'obsessionnel : - je me garde précieusement - je garde mon ou mes parents (piété filiale, peur obsédante de les perdre) - je garde tout autre objet C (impossibilité de se détacher d'objets même sans valeur apparente). Dans le cas où l'enfant tiendra des énoncés non psychotiques, que fait le parent, ou plutôt le porte-parole ? Avant même que l'enfant parle, il INTERPRÈTE, au moins en partie, le vécu de l'enfant, ses sensations, ses besoins présumés, dans une sorte de délire d'interprétation où il s'imagine savoir d'avance ce que l'autre veut sans même qu'il ait à le dire. On se comprend muettement, c'est l'Amour (cf l'exposé suivant). La transformation réfléchie de ce « je le connais, je sais l'interpréter » donne « je me connais, je sais m'interpréter ». L'apogée en est l'énoncé paranoïaque: « j'ai tout compris, et de mon fonctionnement interne, et de ce que veulent les autres sans même qu'ils ouvrent la bouche ». À l'inverse le désintérêt du porte-parole pour un enfant mal-aimé, le « je ne sais pas ce qu'il a, et de toute façon je m'en moque", pourrait rendre compte, par la transformation réfléchie, du « je ne sais pas ce que j'ai, ni ce que je suis », d'où l'appel répété vainement à un savoir extérieur, caractéristique des énoncés de type hystérique. Dans le cas de l'énoncé psychotique, on uploads/Litterature/ logique-des-enonces-psychotiques.pdf

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