Mix-Cité auteures : Stéphanie et Judith COMMENTAIRE COMPOSÉ D’UN SONNET DE LOUI

Mix-Cité auteures : Stéphanie et Judith COMMENTAIRE COMPOSÉ D’UN SONNET DE LOUISE LABÉ Discipline : français Niveau : 1ère (séries générales) Durée : 2 heures Objectif(s)  Etudier une forme fixe : le sonnet  Analyser l’écriture poétique lyrique et son rôle  Découvrir le renouvellement d’une tradition poétique  Mettre en relation un poème et une préface Document(s) nécessaire(s)  le poème « Tant que mes yeux pourront larmes épandre… »  la préface de Louise Labé Déroulement Objet d’étude : la poésie (les réécritures) LOUISE LABE (1524 – 1566) SONNETS – 1555 « Tant que mes yeux pourront larmes épandre … » Tant que mes yeux pourront larmes épandre A l’heur passé avec toi regretter1, Et qu’aux sanglots et soupirs résister Pourra ma voix, et un peu faire entendre2, 5 Tant que ma main pourra les cordes tendre Du mignard3 luth, pour tes grâces chanter, Tant que l’esprit4 se voudra contenter De ne vouloir rien fors que toi comprendre5, Je ne souhaite encore point mourir. 10 Mais quand mes yeux je sentirai tarir, Ma voix cassée, et ma main impuissante, Et mon esprit en ce mortel séjour Ne pouvant plus montrer signe d’amante, Prierai la Mort noircir mon plus clair jour. XIV. « Tant que mes yeux… » sonnet de Louise Labé (1524-1566) Remarque sur la tradition de la poésie amoureuse héritée de Pétrarque : Les poètes de la Pléiade (qui excluent toute participation féminine) reprennent à leur compte la tradition italienne de la poésie amoureuse renouvelée par Pétrarque. Le pétrarquisme se caractérise alors par une poésie riche en images et en métaphores, qui chante les beautés de la femme aimée en se focalisant sur des parties de son corps. Les sonnets suivent fréquemment le mouvement d’un regard qui s’attache aux qualités de la peau (d’ivoire), de la bouche etc. Le traitement du corps féminin est ainsi ambivalent, puisque la femme est à la fois idéalisée (beauté divine qui inspire amour et désespoir au poète) et réifiée (objet merveilleux offert à l’art du poète qui segmente le corps en parties). Cette ambivalence est redoublée par la publication des contre-blasons (on songe à L’Olive de Du Bellay dont les sonnets se divisent en deux parties : les blasons, et les contre-blasons) : alors que les blasons sont un éloge des beautés physiques de la femme, les contre-blasons sont des exercices de blâme. Une figure féminine est alors l’objet de la vindicte du poète. Là où le blason chante la beauté et la jeunesse, le contre-blason décrit la vieillesse et la laideur, parodiant ainsi la tradition du blason. La succession des blasons et des contre-blasons, dans l’ouvrage de Du Bellay par exemple, a pour but de rendre éclatante la virtuosité du poète, aussi manifeste dans l’éloge que dans le blâme. La figure féminine (belle ou laide) n’est qu’un prétexte à l’art du poète qui peut s’exercer quel que soit son sujet d’inspiration. Louise Labé s’inscrit clairement dans la tradition de la poésie amoureuse, mais en modifiant sensiblement la place faite au corps de l’aimé dans le sonnet. Il y a ici renouvellement en profondeur d’une tradition poétique. Introduction : - Amorce : bref historique et définition du sonnet - Présentation de l’œuvre et de l’auteure 1 A regretter le bonheur passé avec toi. 2 Se faire entendre. 3 Délicat. 4 Mon esprit. 5 A part te prendre tout entier. - Présentation du texte : ce texte est un sonnet lyrique en décasyllabes où l’auteure célèbre l’amour mais aussi le chant amoureux. (on peut problématiser par exemple ainsi : ns ns demanderons ce que la voix lyrique célèbre finalement à travers ce poème d’amour) - Annonce du plan : I/ Une structure rigoureuse II/ Un poème d’amour III/ Une célébration de l’expression de soi (Nous verrons qu’il s’agit d’un sonnet très structuré, célébrant la relation amoureuse, mais surtout en tant qu’inspiratrice de la parole poétique.) I/ Un sonnet rigoureusement agencé : 1/ Les parallélismes entre quatrains et tercets : dans la syntaxe ( subordonnée de temps avec accumulation puis brutalité de la proposition principale, rejetée en fin de phrase sur un seul vers,…), et dans le lexique (yeux/voix/main/esprit) 2/ Les oppositions entre quatrains et tercets : dans la syntaxe (opposition « Tant que »/ « Quand » : durée, espoir/ brutalité, désespoir, …ampleur ds les quatrains des subordonnées/ brièveté et rapidité de l’enchaînement ds les tercets, « ma voix cassée, ma main impuissante ») dans le lexique (champ lexical de l’amour et de l’expression amoureuse ds les quatrains/ champ lexical de la perte et de la mort ds les tercets) Ce sonnet est donc structuré très rigoureusement en 2 phrases qui mettent en évidence la nécessité vitale de l’amour. II/ Un poème d’amour : 1/ Enonciation typique de la poésie amoureuse : adresse à l’être aimé (3 occurrences de la 2ème personne), paré de toutes les qualités, celles-ci demeurant très vagues (toi, tes grâces). Dans la tradition du blason, la femme aimée est idéalisée à travers un éloge ambigü de sa beauté corporelle. Le blason se concentre sur des parties du corps (les cheveux, la peau, les mains etc.) pour en détailler les beautés, ce qui participe en fait d’un processus de réification de la femme (objet offert à la contemplation et à la virtuosité stylistique du poète). Or, dans le poème de Labbé, contrairement à ce qui se passe dans le blason, le corps de l’être aimé n’est nullement évoqué, et le « tu » n’est même pas réifié : tous ses attributs concrets ont disparu, il est simplement évacué, réduit au seul pronom. Au contraire on remarque la prédominance du moi lyrique à travers le corps (yeux, mains), l’esprit, et la parole poétique (je). 2/ le thème de l’amour : champ lexical de l’émotion amoureuse, regret du bonheur et aussi focalisation sur le thème de l’expression amoureuse (épandre des larmes, utiliser la parole, chanter les grâces en tendant les cordes du luth). Les sentiments paraissent intenses et exclusifs à travers l’hyperbole et les négations : « rien fors que toi comprendre », « je ne veux point mourir » 3/ Le thème de la mort : lié à la pensée de la fin de l’amour. Ce thème est particulièrement mis en valeur grâce à la syntaxe et à la chute : brutalité des principales qui encadrent les tercets et qui disent l’appel de la mort, brutalité de l’opposition tant que/ quand, rupture rythmique (structure accumulative/ brièveté du vers qui suggère l’intensité du désespoir qui laisse sans voix), champ lexical de la dégradation et de la mort avec la rime « tarir »/ « mourir ». La chute est particulièrement dure avec l’effacement du je (facultatif au 16ème) qui signifie bien la mort, l’antithèse hyperbolique qui oppose la mort et le noir au jour et à la clarté, détermination à mourir si l’amour cesse marquée par l’emploi du futur, et allitération en R qui renforce l’effet de la mort d’autant que « jour » rime avec « mortel séjour ».(On peut dire que celui qui était le destinataire du chant dans les quatrains, toi, est comme remplacé par la Mort, personnifiée par la majuscule et invoquée au futur) Ce sonnet est donc un poème d’amour qui associe la perte de l’amour à la mort. En effet, la fin de l’union signifierait la fin du chant. C’est pourquoi plus que l’être aimé lui-même c’est le chant amoureux qui est célébré. III/ Une célébration de l’expression : 1/ Prédominance du champ lexical de l’expression dont le sujet est je : ces verbes sont mis en relief systématiquement en fin de vers, s’enchaînent sur la totalité des quatrains et riment ensemble. L’amour s’exprime à travers le corps (yeux, mains, voix : mais c’est uniquement le corps de la poète, et non celui de l’être aimé, qui est évoqué), à travers le physique (yeux), mais aussi et surtout à travers l’expression de soi (la voix, le chant et le luth). Dans les tercets, la reprise des mêmes termes afin de dire l’impuissance (voix cassée, main impuissante, ne pouvant pas montrer) témoigne bien de l’importance de ce thème pour l’auteure. 2/ L’expression semble donc vitale elle aussi : aimer, c’est s’exprimer et c’est vivre. Ds les quatrains on peut remarquer une évolution positive des larmes au chant ; ces actions sont liées à l’écoulement du temps, à l’idée de durée (tant que) et donc à la vie ; de plus elles sont nombreuses. La répétition de pouvoir dans les quatrains, en antithèse avec l’impuissance évoquée dans les tercets, montre l’importance de cette expression personnelle aux yeux du je. De plus, les verbes à l’infinitif dénotent des actions, qui renvoient à l’expression, et donc suggèrent une vitalité considérée comme nécessaire : ils sont particulièrement nombreux et mis en relief systématiquement en fin de vers sur 2 rimes seulement, durant 8 vers. Et lorsque la mort est évoquée dans les tercets, elle est associée à la mort de l’expression. L’expression de soi apparaît donc bien comme ce qui fait vivre l’auteure. De fait, la poètesse dit que uploads/Litterature/ louise-labe-commentaire.pdf

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