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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/250285829 Mallarmé - Poème en prose et théorie poétique : « Un spectacle interrompu » (1875) Article in Romantisme · January 1995 DOI: 10.3406/roman.1995.2973 CITATION 1 READS 495 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: comparative literature View project The philosophy of the Maharal of Prague (1512?- 1609) View project Thierry Joshua Alcoloumbre Bar Ilan University 20 PUBLICATIONS 3 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Thierry Joshua Alcoloumbre on 24 January 2017. The user has requested enhancement of the downloaded file. Romantisme Mallarmé - Poème en prose et théorie poétique : « Un spectacle interrompu » (1875) M. Thierry Alcoloumbre Citer ce document / Cite this document : Alcoloumbre Thierry. Mallarmé - Poème en prose et théorie poétique : « Un spectacle interrompu » (1875). In: Romantisme, 1995, n°87. Fins de siècle. pp. 55-68; doi : 10.3406/roman.1995.2973 http://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_1995_num_25_87_2973 Document généré le 26/05/2016 Thierry ALCOLOUMBRE Mallarmé - Poème en prose et théorie poétique « Un spectacle interrompu » l (1875) Précurseur plus qu'aucun autre de notre modernité, Mallarmé s'est orienté assez tôt vers une pratique littéraire en laquelle l'œuvre n'aurait d'autre objet qu'elle-même ; évolution qu'illustre l'envahissement des textes par la thématique du livre et de son auteur, depuis l'ébauche d'« Igitur » jusqu'aux esquisses du « Livre ». Si les commentateurs, et Maurice Blanchot le premier, ont étudié les implications théoriques des différentes œuvres, ils ne se sont peut-être pas assez arrêtés à l'ambiguïté du texte mallarméen qui en découle : l'écriture poétique et le discours critique y deviennent indiscernables, fondus en une mimétique de la genèse de l'œuvre. Cette révolution est visible dans des textes comme « Crise de Vers » ou « Quant au Livre » ; mais il est intéressant d'en chercher les prémices dans des textes plus anciens, d'aspect plus « narratif » que « théorique ». Parmi les premiers poèmes en prose de Mallarmé, « Un Spectacle interrompu » offre à mes yeux l'illustration parfaite de cette « poésie critique » : il se définit en effet explicitement comme une sorte d'exercice d'esthétique appliquée, la mise en œuvre (aux deux sens du terme) du regard poétique opposé par Mallarmé à la banalité du regard journalistique ; aussi est-ce précisément une analyse littéraire qui peut en éclairer les enjeux théoriques. C'est cette analyse que je voudrais esquisser ici, en suivant le parcours d'une explication linéaire, moins pour « traduire » le texte 2 que pour en respecter le mouvement propre : on verra comment Mallarmé décrit la poésie comme un processus d'idéalisation ; et comment, élisant pour objet un spectacle, il pose les balises du théâtre idéal que défendront, près de dix ans plus tard, les articles réunis dans « Crayonné au théâtre ». Le projet d'une réforme esthétique dans « Un Spectacle interrompu » L'argument Le texte s'ouvre sur le regret (à demi sérieux) que n'existe pas « dans toute grande ville » « une association entre les rêveurs » collaborant à la rédaction d'« un journal qui remarque les événements sous le jour propre au rêve ». L'argument reflète le combat mené par Mallarmé contre le conformisme esthétique de son temps et sa tentative d'imposer une pratique de l'écriture et du langage qui n'entre pas dans le moule culturel attendu, le point central de la contestation étant la conception de la réalité et de sa représentation. Pour le bon sens populaire, perpétué dans l'esthétique bourgeoise, 1. NB : L'indication de la pagination seule renvoie à l'édition des œuvres complètes dans la collection de la Pléiade. 2. Pour une tentative discutable, mais toujours utile, de « traduire » Mallarmé, voir Robert Gréer Cohn, Mallarmé's Prose Poems. A critical study, Cambridge University Press, 1987, p.49-56. ROMANTISME n°87 (1995-1) 56 Thierry Alcoloumbre la réalité est objective ; à l'écrivain (à l'artiste) de la représenter fidèlement, l'art consistant à mettre en valeur le détail qui fait vrai, l'anecdote. Or il y a là illusion, car ce qu'on entend couramment par « réalité » n'est que l'habitude du quotidien : « Artifice que la réalité, bon à fixer l'intellect moyen entre les mirages d'un fait ». Le principal ouvrier de cette supercherie est probablement le journaliste, qui concentre en lui comme la quintessence de l'esthétique bourgeoise. Mallarmé revient souvent sur la critique ou la satire de ce personnage, antithèse à ses yeux de la fonction poétique : le journaliste est ce transfuge qui, par souci de s'intégrer à la société, accepte de gérer son écriture selon les normes de la parole commune, et prétend concilier la création poétique et la rentabilité du producteur 3. S'il a réussi à usurper la place du poète parmi les hommes, c'est qu'il se conforme servilement à l'esthétique artificielle du vulgaire : ainsi naît le « reportage », dont le style devient représentatif de toute la pratique collective de la parole 4. La suite de notre texte évoque, sans indulgence, les « reporters par la foule dressés à assigner à chaque chose son caractère commun ». En imaginant son « association de rêveurs », Mallarmé dépasse le mépris parnassien du vulgaire pour oser un renversement utopique : substituer à l'écriture vulgarisée du reportage un journalisme idéalisé, attentif seulement au fait poétique (« le jour propre au rêve »). Cette poétisation du quotidien serait source d'une jouissance qui constitue l'un des acquis les plus évidents de la civilisation 5. L'utopie n'est pas restée tout à fait sur le papier : si Mallarmé a échoué en novembre 1873 dans sa tentative de fonder une association internationale des poètes, il a peu de temps après fondé la revue de La Dernière Mode ; certes, La Dernière Mode est avant tout une « Gazette du Monde et de la famille », dont les rubriques ne dépareraient pas nos modernes Jours de France..., cependant Mallarmé y a publié des textes d'écrivains qu'il appréciait (Daudet, Coppée, Banville), et surtout il a pu donner cours à sa passion des objets et des modes sous les noms fantaisistes de Marasquin, Miss Satin, ou Marguerite de Ponty 6. Les deux projets survivent dans les « Variations » avec la méditation sur le rôle de l'Académie française (« Sauvegarde ») et dans les manuscrits du « Livre » avec la planification de lectures publiques 7. Il s'agit donc d'offrir une alternative au compte-rendu journalistique sans pourtant quitter le domaine du quotidien : c'est ce que tentera « Un spectacle interrompu » en rapportant un fait-divers sous l'angle particulier de la poésie : « écrire, comme elle frappe mon regard de poète, telle Anecdote ». La matière choisie reste celle des poèmes en prose tels que Baudelaire les avait inaugurés : la promenade, et en particulier la promenade dans la ville, donne l'occasion de dévoiler une poésie du quotidien ; mais ici sa justification finale est l'illustration 3. Voir « Quant au Livre » p. 375, « Solitude » p.407, « Confrontation » p.411. 4. Voir dans F« Avant-dire au Traité du Verbe de René Ghil » : « l'emploi élémentaire du discours dessert l'universel reportage dont, la Littérature exceptée, participe tout entre les genres d'écrits contemporains » (p. 857). 5. D'où l'exclamation initiale : « que la civilisation est loin de procurer les jouissances attribuables à cet état ! ». 6. Sur la fantaisie ludique dans La Dernière Mode, voir Roger Dragonetti, Un fantôme dans le Kiosque, Mallarmé et l'esthétique du quotidien. Seuil, « La couleur des idées », 1992. 7. Voir J. Scherer, Le « Livre » de Mallarmé, N.R.F., Gallimard, 1977, ch.V et VI. Mallarmé - Poème en prose et théorie poétique 57 de l'esthétique mallarméenne. A l'opposé du réalisme conventionnel, il s'agit de rechercher la formule idéale de l'écriture à venir : « Artifice que la réalité, bon à fixer l'intellect moyen entre les mirages d'un fait ; mais elle repose par cela même sur quelque universelle entente : voyons donc s'il n'est pas, dans l'idéal, un aspect nécessaire, évident, simple, qui serve de type ». L'esthétique mallarméenne ne se borne pas à la transmission d'« impressions » poétiques : elle se veut parcours ontologique, où les thèmes, les formes se perçoivent comme des fondements absolus ; l'ambition d'un « aspect nécessaire, évident, simple, qui serve de type » rappelle Descartes, et poursuit à sa façon le mouvement amorcé dans « Igitur ». Cependant la quête de l'universel et le projet d'un journal poétique n'empêchent pas l'écriture de rester une activité élitiste. Le poème s'écrira « en vue de moi seul », ce qui ne contredit pas l'acte de la publication, mais plutôt constitue la littérature comme domaine exclusif, spectacle privé destiné aux seules âmes d'élite. Le texte se terminera sur l'affirmation orgueilleuse de sa propre excellence : « ma façon de voir, après tout, avait été supérieure, et même la vraie » (p. 27 8). Le choix du sujet En résumant l'anecdote choisie par Mallarmé, on risque fort de la ravaler au fait divers journalistique ; uploads/Litterature/ mallarme-poeme-en-prose-et-theorie-poetique-un-s 1 .pdf
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- Publié le Apv 16, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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