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© l’école des loisirs mars 2017 1/14 Ce document est sous licence Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification CC BY-NC-ND l’école des loisirs Matthieu Sylvander • Perceval Barrier © l’école des loisirs mars 2017 2/14 Drôle, loufoque, peuplé de personnages farfelus, Manoel, le liseur de la jungle entraîne ses lec- teurs au cœur de l’Amazonie, le long du Rio Juará et des eaux noires du Rio Negro. C’est dans ces lieux bien réels que l’on découvre Manoel, le tatou, lecteur compulsif, Bob Kipling, l’homme « qui a navigué sur l’Amazone de ses sept sources jusqu’à l’embouchure, qui a construit, puis démoli pierre par pierre un palais de marbre blanc au plus profond de la jungle… » ou encore cet In- dien sans nom qui danse seul, en pleine forêt, sur les chansons de Beyoncé ! Mais ce n’est pas tout : comme tous les bons romans Manoel donne l’irrépressible envie de voyager à travers d’autres livres, ceux d’un certain Rudyard Kipling, par exemple ! 1 - L’histoire Quelque part au fin fond de l’Amazonie, Luizao, le piroguier, transporte hommes et marchan- dises sur le Rio Juará. En échange de ses services, ses clients, pour la plupart désargentés, le payent avec ce qu’ils ont sous la main : nourriture, bijoux, plumes de perroquets… et même parfois des livres. Quelque part au fin fond de l’Amazonie, Manoel, le tatou, lit tout ce qui lui tombe sous les yeux, des albums, des romans, des notices de montages Ikéa, voire, lorsqu’il n’a rien d’autre, l’annuaire de la province des Amazones ! Un jour que Manoel est à court de lectures, son ami Luizao lui offre un vieux bouquin en mau- vais état (papier et saison des pluies ne font pas bon ménage) : Histoires comme ça, de Kipling. L’une de ces histoires est, paraît-il, consacrée aux tatous1. Intrigué, Manoel se plonge dans la lecture et en ressort furieux : ce Rudyard Kipling « raconte n’importe quoi à propos de notre espèce », fulmine-t-il. Bien décidé à avoir une explication de tatou à homme avec l’auteur, il entraîne Luizao à sa re- cherche : qui qu’il soit, ce Kipling doit publier un démenti ! Après une enquête rondement menée, il s’avère qu’un dénommé Bob Kipling (Bob est le dimi- nutif de Robert, d’où le « R » Kipling) vivrait du côté de Manaus. Mais l’homme traîne une ré- putation sulfureuse : « Il a été agent secret à Santiago, chercheur d’or en Guyane, trafiquant de drogue à Bogota, tueur à gages à Baranquillo, chasseur de primes en Uruguay, braconnier dans le Mato Grosso… » et la liste est loin d’être close. À vrai dire, il n’est même pas bien certain qu’il sache lire et écrire… Dans ces conditions, peut-il être l’auteur du livre qu’a lu Manoel ? Mais Bob Kipling a déniché dans son grenier une malle qui traîne dans la famille depuis des générations : « Elle appartenait à mon arrière-arrière-arrière-grand-père, celui qui lisait. Un certain Rudyard Kipling : c’est lui qui a écrit votre livre. Je crois que c’était un écrivain assez connu en son temps. » Comment diable faire écrire un démenti à un écrivain mort ? Manoel est bien décidé à ne pas lâcher le morceau ! 1 The Beginning of the Armadillos : Le commencement des tatous, parfois traduit par La naissance des tatous. © l’école des loisirs mars 2017 3/14 2 - Les auteurs Depuis 2012 (Qui veut aider Ali Baba ?), Matthieu Sylvander et Perceval Barrier forment un duo parfait. Le premier écrit les textes et le second les illustre. Résultat : des histoires à nulle autre pareilles, pleines d’humour et d’énergie. On y croise au fil des pages des orangs-outans, des ca- rottes, des poireaux, des pirates, des princesse intrépides et pas mal d’autres héros inattendus et décalés. À lire : - 3 contes cruels - Les trois pires histoires de pirates - Orang et Outang - La chambre de la fille - Béatrice l’intrépide - et le petit dernier : Tout sur les tremblements de terre. (Une précision quant à ce dernier titre : Matthieu Sylvander est enseignant-chercheur en sis- mologie, à l’université Paul-Sabatier de Toulouse !) 3 - Comment naissent les histoires ? La question est inévitable, pour ne pas dire banale. Heureusement les réponses, elles, sont tou- jours inattendues. Comment donc est née l’idée de Manoel, le liseur de la jungle ? La parole est à Matthieu Sylvander : L’idée a germé devant un panneau 4x3 qui annonçait la tenue prochaine de la « Tattoo Convention ». J’ai eu un flash : l’image de centaines de tatous en train de se lancer des invectives dans un hémicycle (toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé…). Bien sûr, tattoo ne peut aucunement se traduire par « ta- tou », et l’étincelle à l’origine de ce livre était une simple annonce publicitaire pour le Salon du Tatouage, manifestation autrement sérieuse. Kipling est entré en scène par association d’idées : j’ai tellement lu les « Histoires comme ça », que le lien entre les tatous et Kipling s’est immédiatement imposé. C’est quand même lui qui m’a appris ce qu’est un tatou ! C’est aussi des « Histoires comme ça » que nous avons importé le concept des illustrations légendées, et des lettrines en tête de cha- pitre. Un clin d’œil d’une grande subtilité, à notre avis. Il y avait donc deux personnages : une célébrité défunte, et un animal improbable. Je © l’école des loisirs mars 2017 4/14 4 - Le commencement des tatous (The Beginning of the Armadillos) Mais quelle est donc cette histoire qui met Manoel dans une fureur telle que lui, le tatou pa- cifique, lecteur passionné et un brin étourdi, est soudain à deux doigts d’égorger Bob Kipling (page 62) ? Il s’agit du Commencement des tatous, The beginning of Armadillos, de Rudyard Kipling, nouvelle tirée des Histoires comme ça (Just So Stories for Little Children). À l’exception de deux histoires consacrées à la naissance de l’écriture, les onze autres racontent, à leur manière fantaisiste, l’origine d’une particularité animale : les taches du léopard, la trompe de l’éléphant, la bosse du dromadaire, la peau du rhinocéros… et la carapace du tatou. En quelques mots : ne pouvais pas les faire évoluer dans un décor imaginaire, personne n’y aurait cru ; voilà pourquoi l’histoire se déroule dans un espace réel, concret, dont chaque lieu existe et peut être vérifié (Carauari, Manaus, les rios Juruá et Solimões, et même le quartier de Cacau Pirêra, qui se situe de l’autre côté du Rio Negro). En revanche, les noms des person- nages autres que Kipling sont des inventions ; la patronymie portugaise s’y prête particu- lièrement, avec ses combinaisons à rallonges. En préface de son Rapport de Brodie, J. L. Borges parle ainsi des contes de Kipling (Plain Tales of the Hills) : « Je me suis dit un jour que ce qu’avait imaginé et réussi un jeune homme de génie pouvait, sans outrecuidance, être imité par un homme de métier, au seuil de la vieillesse. » Il me semble évident qu’avec Manoel, nous leur avons tout ensemble montré le chemin, et clos le débat. Si malgré tout ils ne sont pas contents, nous les attendons de pied ferme, M. Barrier et moi-même. Matthieu Sylvander Sur les bords de « la trouble Amazone », Maman Jaguar apprend à chasser à son fils Jaguar Peint. Celui-ci est particulièrement intrigué par deux animaux sensiblement dif- férents des autres : le hérisson Pointant-Piquant, capable de se mettre en boule lors- qu’il est en danger, et la tortue Lourde-Lente, capable de s’enfoncer dans les eaux bour- beuses du fleuve lorsqu’elle est attaquée. Alors qu’il tente de chasser l’un et l’autre, le jeune jaguar se retrouve avec une patte lardée des piquants de Pointant-Piquant, tandis que Lourde-Lente lui échappe en plon- geant dans l’Amazone. Le hérisson et la tortue l’ont échappé belle. Mais pour plus de sécurité encore, ils dé- cident d’apprendre chacun ce que l’autre sait faire : le hérisson va donc apprendre à nager comme la tortue, tandis que la tortue va tenter de se rouler en boule comme le hérisson. © l’école des loisirs mars 2017 5/14 Le jeu de mot final de cette version, est bien sûr inexistant dans la version originale : « because they were so clever » (parce qu’ils étaient si malins.) 5 - Kipling : un écrivain rare Rares sont les écrivains à porter le (pré)nom d’un lac ! Joseph Rudyard Kipling doit le sien au lac Rudyard, dans le Staffordshire (Royaume-Uni). Ses parents se seraient décla- ré leur amour lors d’une promenade le long de ses berges romantiques (nul n’en doute !). Rares sont les écrivains auteurs de récits devenus my- thiques. Le livre de la jungle est l’une de ces mythologies littéraires, mondialement connues, y compris de celles et ceux qui n’ouvrent jamais un livre. La version de Walt Disney et les nombreuses adaptations cinématographiques des quatorze nouvelles qui le consti- tuent n’y sont sans uploads/Litterature/ manoel-le-liseur-de-la-jungle-sylvander-barrier.pdf

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